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Commune de Matiacoali : Deux agents municipaux arrêtés puis relâchés par les koglwéogo de Kantchari

Publié le lundi 6 mars 2017 à 23h52min

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Commune de Matiacoali : Deux agents municipaux arrêtés puis relâchés par les koglwéogo de Kantchari

Le jeudi 16 février2017, deux agents de la mairie de Makiacoali ont été arrêtés puis relâchés par des membres du groupe d’autodéfense dénommé koglwéogo de Kantchari suite à un sacrifice que les deux auraient fait sur une colline sacrée. Les koglwéogo de Matiacoali, ceux de Kantchari, le maire de la commune de Matiacoali et les agents en cause que nous avons tous rencontrés donnent leurs versions des faits.

A notre arrivée à Matiacoali, le 17 février 2017, lendemain de l’arrestation des deux agents municipaux, c’est le vice-président des koglwéogo de la localité qui nous a conduit à leur siège. Leur président, Boubacar Thiombiano, a expliqué que dans la matinée du lundi 13 février, les koglwéogo de Kantchari lui ont signifié qu’ils ont arrêté dans la nuit du dimanche 12 février, deux personnes (des agents communaux de Matiacoali) avec en leur possession, un sac. « Ils ont souhaité que nous effectuons un déplacement à Kantchari, le maire, son adjoint et moi car ils ont vérifié le contenu du sac et ont trouvé un cahier dans lequel figurait une liste de noms, notamment celui du maire, le mien et d’autres personnes de Matiacoali et Kantchari », a raconté Boubacar Thiombiano.

Il dit en avoir informé le maire avec qui ils sont allés à Kantchari et auraient trouvé dans le sac, une boite, un petit canari et un coq rouge. « Selon les koglwéogo de Kantchari, ils sont venus faire une sacrifice. Ils nous ont dit de prendre le sac, chose que je n’ai pas faite, avant d’informer le maire qu’ils ont relaxé les deux agents », a-t-il poursuivi. A entendre le président des koglwéogo de Matiacoali, le maire lui a demandé d’arrêter les deux agents dès leur retour, ce qu’il a refusé de faire. Mais le maire aurait envoyé un policier qui a retiré l’engin (une moto) d’un des agents qui s’est enfui pour regagner Fada.

A Kantchari, le président des koglwéogo, El hadj Yacouba Ouoba, nous a expliqué en gulmatchema (traduit par son SG, Pougda Ouoba) que c’est dans la soirée du dimanche vers 18 heures ; un pasteur qui a vu deux personnes monter sur la colline avec un sac noir, en a informé les koglwéogo. Les ayant suivis, une fois sur la colline, ils auraient d’abord retrouvé le sac contenant un « wack » et un coq rouge. Ils se sont postés pour attendre les deux individus qui, quelques instants plus tard, sont revenus à la recherche de leurs objets. Après leur arrestation, les koglwéogo les ont conduits à leur siège où ils ont découvert que l’un des deux avait des parents à Kantchari, lesquels sont d’ailleurs venus demander de ne pas les déférer à la gendarmerie ou à la police.

C’est ainsi qu’ils ont été libérés mais sans leur sac qui contiendrait aussi un bouquin dans lequel étaient écrits des noms. « Mais ces noms, on ne savait pas c’était pour quoi ? », a précisé Yacouba Ouoba avant d’ajouter que c’est après tout cela que chacun a regagné son domicile. « Maintenant je ne sais pas qui a appelé à Matiacoali pour informer le maire ? », a-t-il conclu ses propos.

Après Kantchari, retour à Matiacoali où le maire nous attendait. De sa version, on retient que c’est le lundi 13 février aux environs de 7h que le comptable lui a envoyé un sms dont voici la teneur : « Bonjour, je veux vous informer que je suis malade. Je ne pourrais pas venir au service ». Le secrétaire général de la mairie qui a également reçu le même message en a informé le maire. « Je lui ai dit que ça valait une semaine que je l’avais vu et il m’a dit que ça dépassait une semaine que lui aussi l’avait vu », a confié le maire. Autour de 9h, selon toujours le maire, le responsable des koglwéogo de Matiacoali est venu dans son bureau pour lui dire que les gens de Kantchari l’avaient chargé de lui dire de venir là-bas avec son 1er adjoint parce qu’ils avaient arrêté deux de ses agents : le comptable et un autre jeune. « Je me suis levé, j’ai pris le président des koglwéogo de Matiacoali et deux jeunes en plus d’un photographe.

Quand nous sommes arrivés, le chef des koglwéogo de Kantchari m’a dit que ces hommes avaient porté la main sur deux jeunes dont un était natif de Kantchari », a ajouté le maire. Les parents de ce dernier auraient « négocié » et les deux jeunes ont été libérés. Ils lui auraient expliqué que les jeunes ont soutenu avoir des problèmes avec le maire de Matiacoali et seraient venus sur la colline pour l’attacher et enterrer le problème. « Ils m’ont présenté le sac qui contenait l’ordinateur du comptable que je connais bien. A l’intérieur, il y avait un bloc-notes. Ils l’ont feuilleté et m’ont dit qu’il y a des noms des notables, des géomanciens de Matiacoali et pas mal d’objets bizarres, des cauris ensanglantés et un coq rouge vivant », a témoigné le maire. En guise de remerciement, il a dit leur avoir remis du « carburant ».

Revenu à Matiacoali, le maire « cherchait » ses deux agents et en a même informé le commissaire de la police pour lui demander de récupérer la moto du comptable (une moto de service, ce qui fut fait) parce que quelqu’un lui avait signalé avoir aperçu l’intéressé en train de prendre du carburant pour voyager. Après le retrait de l’engin, le comptable se serait rendu à la police de Matiacoali qui lui a signifié que ordre ne leur a pas été donné de les arrêter. Informé qu’ils se sont rendus au tribunal de grande instance de Fada, le maire aussi s’y rendra le même jour pour se faire dire par le procureur que ses agents avaient déposé une plainte contre lui parce qu’il aurait ordonné aux koglwéogo de les arrêter sans raison. Avec les images de leur sac et de son contenu comme preuve, le maire donnera sa version des faits niant avoir demandé aux koglwéogo de les arrêter.

De Matiacoali, retour à Fada pour rencontrer les deux agents. A les entendre, le conflit avec le maire date de 2014 autour du mois de juin où le maire aurait tenté de remplacer le comptable, un agent non recruté par la commune. « J’ai refusé et cela a entrainé le départ du SG de la mairie », a-t-il dit. Après l’insurrection populaire d’octobre 2014, les conseils municipaux ont été dissouts et la délégation spéciale installée aurait permis une régularisation du service de la comptabilité. « Avec le recrutement qui s’en est suivi, j’ai été admis », a rapporté le comptable. Aux élections communales du 22 mai, le même maire est revenu à la tête du conseil municipal et dès son arrivée, sa première mission aurait été de tenter d’annuler le recrutement fait par la délégation spéciale. Le comptable (sous prétexte qu’il devait obligatoirement faire un stage) sera remplacé par un autre qui a pris service le 21 juin 2016. Le problème serait arrivé chez le haut-commissaire qui a confirmé la nécessité de faire le stage, précisant cependant que cela ne devrait pas modifier la décision d’embauche du comptable. Après ce problème, le comptable, recruté en catégorie B3, sera reclassé en C1 par le maire.

Dès lors les choses vont de mal en pis entre le comptable et le maire. Le 12 février dernier, le comptable a dit s’être rendu dans son village natal, Kantchari (en compagnie d’un ami et collègue) où dans sa famille maternelle, l’un de ses oncles leur aurait proposé d’accomplir pour eux un rite. « Mais quand nous sommes arrivés, il nous a fait savoir qu’il n’était pas à la maison mais en ville. Dans la tradition africaine, on ne peut pas rentrer dans la cour de quelqu’un en son absence avec un truc mystique. De là, nous avons accroché le sac à côté d’une montagne et nous sommes allés nous assoir dans un kiosque pour le rappeler. Des femmes nous ont vus en train de déposer le sac et elles ont informé les koglwéogo qui nous ont devancés sur les lieux avec des armes », a-t-il raconté. Revenus à 19h au pied de la colline (en compagnie de l’oncle) pour reprendre leur sac, ils disent avoir été accueillis par des coups de feu. S’en est suivi une débandade mais l’oncle est resté pour les rassurer qu’ils n’étaient pas des voleurs.

Malgré tout, ils avaient été tout de même conduits au siège des koglwéogo pour être entendus puis libérés plus tard. Ils ont rejoint leur poste le lundi 13 février et « je ne me sentais pas à cause des événements qui s’étaient produits », a expliqué le comptable qui dit aussi avoir été informé que les koglwéogo avaient appelé le maire pour l’informer de leur mésaventure. « Immédiatement, le maire selon les dires a conclu que c’est lui que nous voulions tuer », a dit le comptable qui a ajouté que dès son retour de Kantchari, le maire a instruit les koglweogo de Matiacoali de les arrêter. C’est ainsi qu’informés, les deux agents ont donc rallié Fada où ils ont déposé une requête auprès du procureur pour que le maire soit entendu. « Le substitut du procureur nous a dit que nous ne pouvions pas attaquer le maire car nous n’avions pas les preuves ; mais que nous pouvions attaquer les koglwéogo si nous pouvions les identifier.

Le 17 février nous avons introduit une autre requête pour savoir le motif de notre recherche par les koglwéogo car selon les rumeurs, il semble que nous détenions une liste d’une quarantaine de noms par devers nous pour aller les tuer », a relaté le comptable. Et de préciser que la colline n’est même pas sacrée comme les rumeurs le disent et que le maire serait reparti à Kantchari pour réunir les sages et leur dire que les deux agents détenaient une liste des noms de ce village, des notables, des ministres du chef et d’un certain nombre de notables. Le comptable a aussi expliqué qu’ils ont dès lors demandé à leurs femmes de quitter Matiacoali pour leur propre sécurité, mais qu’elles en ont été empêchées par les koglwéogo qui disent avoir reçu l’instruction du maire de ne pas laisser un seul de leur bagage quitter le village.
Aux dernières minutes, le maire a signé un communiqué intimant les deux agents de rejoindre leurs postes dans un délai de 10 jours. « Aujourd’hui nous marquons notre indignation concernant ce communiqué et la résolution pacifique que le maire demande. Nous demandons aux premiers responsables administratifs et coutumiers de se pencher sur la question pour que rien que la vérité jaillisse », ont conclu les deux agents.

Soumaila Sana
Lefaso.net

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