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Affaire Policiers-Koglweogo de dimanche dernier : Ben Laden, le chef Koglweogo, retrace les faits dans cet entretien

Publié le mardi 8 novembre 2016 à 23h38min

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Affaire Policiers-Koglweogo de dimanche dernier : Ben Laden, le chef Koglweogo, retrace les faits dans cet entretien

L’affaire a fait l’objet de commentaires aussi divers que polémiques dans la capitale burkinabè ce dimanche, 6 novembre 2016. En ce début d’après-midi, sur l’avenue au niveau de théâtre populaire en face de la gare STAF, un véhicule de la Police venait de percuter une fourgonnette des Koglweogo qui convoyait des présumés voleurs à leur siège sis à Saaba. Sur cet incident caractérisé jusque-là par un flou, nous avons voulu en savoir un peu plus avec le premier responsable de ce groupe d’auto-défense, Soumaïla Ouédraogo, connu sous le sobriquet de Ben Laden. Outre ce sujet, celui-là même qui fait l’actualité ces derniers moments a bien voulu également nous plongés dans la vie de son organisation à travers différents aspects. Visiblement trop sollicité, jovial, prolixe avec des propos parfois teintés d’humour, Ben Laden dans cet entretien à bâtons rompus réalisé ce 7 novembre 2016, en fin de matinée.

Lefaso.net : Comment est née votre structure ?

Ben Laden : Sans trop de précisions sur la date, je dirais que c’est suite à une série de cambriolages dans le quartier (Saaba, commune rattachée à la ville de Ouagadougou), que les populations ont jugé nécessaire de s’organiser (c’était vers janvier 2015). Dans le quartier, une dizaine de boutiques avaient été cambriolées en l’espace de quelques nuits. Nous avons fait des déclarations en vain. C’est ainsi que nous avons entendu parler des Koglweogo avec le chef de Kombissiri dans le Bazèga. Nous avons entrepris des démarches et il nous a dit de recenser des gens (pour constituer le groupe d’auto-défense), de récupérer leur pièce d’identité et leurs contacts pour constituer des documents (carte de membres, ndlr). C’est ainsi que nous avons eu des rencontres pour dire qu’il faut qu’on s’organise pour apporter notre concours aux Forces de défense et de sécurité de notre pays. Le chef (le responsable à Kombissiri) nous a dit de nous organiser pour travailler mais de rester dans la légalité, le juste et d’éviter tout comportement de dérives. Nous sommes revenus demander la permission aux chefs du quartier, aux musulmans, aux chrétiens, aux coutumiers pour mettre en place la structure. Nous avons installé la structure après lecture du coran, de la Bible et le ‘’ok’’ des coutumiers. Donc, notre travail se fait aux yeux et au su de toutes ces personnes ressources. Dieu merci également, les autorités ont compris le sens de notre organisation et mieux, les agents des Forces de défense et de sécurité nous ont aussi compris dans notre mission et on travaille en bonne intelligence pour le bonheur de l’ensemble des populations. Nous sommes organisés du plan national au plan local.

Lefaso.net : Votre structure compte combien de personnes ?

Ben Laden : Parler peut-être de bureau sinon, parlant de membres, on est nombreux. On peut dire que c’est l‘ensemble des populations du quartier. Tout le monde s’y retrouve mais il y a juste une coordination de personnes qui sortent sur le terrain pour traquer les voleurs. Nous sommes des commerçants, des cultivateurs, etc. Même moi qui vous parle, j’ai un champ d’arachides qui attend d’être enlevé mais il n’y a pas le temps, on est sollicité partout pour traquer des voleurs. Comme ce n’est pas un travail rémunéré, c’est un peu compliquer et on compte sur les bonnes volontés qui, au passage, nous donnent de l’eau et de quoi manger.

Lefaso.net : Vous avez un siège, n’est-ce pas !

Ben Laden : Oui, nous avons un siège qui fonctionne 24h/24. On y trouve plusieurs personnes. Même la nuit écoulée, nous y avons quitté vers 2 h du matin pour nous rendre dans une localité voisine pour prendre un présumé voleur. Quand on a des dons de vivres, on prépare et on mange. Dans le cas contraire, on cotise et on paie du ‘’beenga’’ (haricot) qu’on mange ensemble.

Lefaso.net : Lorsque vous prenez des présumés voleurs, comment vous faites ?

Ben Laden : Quand on prend une personne, on l’interroge ; parce que la personne peut ne pas, en réalité, un voleur. C’est pourquoi, nous ne prenons pas les gens sur la base de déclaration des populations ou de dénonciations ; nous prenons les gens la main dans le sac (flagrant délit). Donc, on passe par des interrogatoires. Ça permet de savoir si la personne est fautive et ça nous permet aussi de récupérer les biens que le voleur a devers lui et de les restituer à leur propriétaire. A la suite de cela, si sa culpabilité est avérée, on retire les biens qu’on restitue à leur propriétaire (après avoir tout recensé et enregistrer les références du propriétaire dans notre registre) et on conduit le voleur à la gendarmerie ou à la police. La suite, ça ne nous regarde plus. Nous venons en soutien à nos forces de défense et de sécurité, même si c’est parfois difficile au regard de nos moyens.

Lefaso.net : Quand une personne vient vous indexer un homme, disant que celui-ci est un voleur, comment vous faites ?

Ben Laden : Tant qu’on n’a pas pris la personne sur le fait, on ne peut pas l’attraper sur la base de simples déclarations. C’est quand nous avons les preuves que nous procédons à son arrestation. Lorsque nous attrapons un voleur, on essaie de le sensibiliser et de le faire jurer qu’il ne va plus recommencer. Beaucoup ont pu se reconvertir et c’est tout le monde qui gagne. Je précise aussi que nous, nous ne traitons pas des cas d’infidélité, des histoires de parcelles, de prêts, etc. ça, ce sont des consentements entre personnes ; ce qui nous intéresse, ce sont les vols. Si tu es un Koglweogo, tu es dans le groupe et que tu te comportes mal, les valeurs de la tradition vont te bouffer, le Coran ne va pas te laisser, la Bible ne va pas te laisser. Donc, notre mission est claire et nous faisons ce qui est recommandé. Ce n’est pas parce que vous prenez un voleur avec des portables ou autres biens de luxes que vous allez vous-mêmes, koglweogo, vous les partagez. Non ! Quand nous prenons un voleur, nous le recensons sur notre registre et nous enregistrons également ce que nous avons retrouvé avec la personne comme butin. Pendant l’interrogatoire, si on arrive à identifier les personnes dont les biens ont été volés, on les appelle pour qu’elles viennent avec les papiers afférents ou tout autre élément qui peut prouver leur propriété et on leur restitue contre décharge. Si le butin que nous avons retrouvé avec le voleur n’a pas pu retrouver de propriétaire, on le recense et on le transfère avec le voleur à la gendarmerie ou à la police.

Lefaso.net : Ce que les gens dénoncent aussi chez vous, ce sont les sévices corporels !

Ben Laden : Je ne sais pas s’il faut appeler ça « sévices » mais, même à l’école, il y a la chicote qu’on peut se permettre de sortir pour ramener des élèves dans le rang. Chez nous, ce n’est pas un lieu de mariage ; donc, il faut souvent chicoter certains pour qu’ils disent la vérité. C’est une chicote, ce ne sont pas des sévices. C’est parce que c’est maintenant, sinon même avant dans les commissariats on corrigeait de cette façon certains pour qu’ils avouent. Mais, nous ne torturons pas, c’est une chicote que nous avons et on ne tape pas n’importe où, on évite les parties qui peuvent porter blessures à la personne. C’est juste une correction. C’est pour que la personne puisse tirer leçons et se raviser à ne plus voler.

Lefaso.net : Il se dit aussi que vos associations sont pleines d’anciens bandits !

Ben Laden : Tant que tu peux nous être utiles à capturer des voleurs et que tu as abandonné ce que tu faisais, il n’y a pas de problème. Parce que, l’idéal est que le voleur se ‘’reconvertisse’’ ! Nous avons effectivement des cas où des gens ont carrément abandonné leurs anciennes pratiques (vols) pour venir nous aider dans notre travail. C’est pour dire que nous-mêmes, en tant que membres des Koglweogo, on n’est pas au-dessus des traitements que nous subissons aux voleurs. Les Koglweogo, ce sont en réalité une forme d’organisation sociale qui existait déjà. Moi qui vous parle, avant même d’être Koglweogo, j’étais un jeune leader dans son quartier. Et il en est ainsi pour les responsables de Koglweogo. Personnellement, j’étais déjà beaucoup impliqué dans les évènements sociaux dans mon quartier tels les décès, les mariages, les baptêmes où à travers du matériel, je contribue à aider les gens dans le quartier. Il y a donc une forme d’entraide qui existait déjà et qu’on a fait que formaliser pour, cette fois-ci, lutter contre le banditisme. Donc, je suis Koglweogo dans les faits depuis plus de 20 ans avant d’être dans l’association à proprement dite. Il en est ainsi pour bon nombres de responsables Koglweogo.

Lefaso.net : Mais d’où vient votre nom Ben Laden ?

Ben Laden : C’est un nom que les gens m’ont attribué. C’est en réalité pour dire que je suis un bienfaiteur. Ce Ben Laden-là n’est pas un malfaiteur, c’est un Ben Laden bienfaiteur. Et ce nom, je l’ai avant même d’être dans les Koglweogo. Quand j’étais jeune, j’étais un grand danseur et on m’appelait en son temps « grand Bob ». J’étais aussi un grand danseur de Salou (danse traditionnelle d’origine du Yatenga) et m’appelait le « Barbu » parce que j’avais laissé ma barbe entrelacée… De tous ces noms que les gens m’ont donnés, seul « Ben Laden » reste à ce jour. Donc, ça n’a pas de lien avec ma présence dans les Koglweogo.

Lefaso.net : Mais, dans vos rangs, vous avez des noms qui font qu’on ne peut pas vous prendre au sérieux ; on a des noms comme ‘’macoroni’’….

Ben Laden : Merci pour la question. En réalité, ce sont des noms qui ont suivi ces personnes dans les Koglweogo. En clair, chacun portait son nom dans son milieu avant même d’être dans le groupe (d’auto-défense). Vous verrez que ces personnes qui portent ces noms étaient bien connues sous leur nom avant même d’arriver dans les Koglwéogo. Dans les quartiers, on avait toujours des jeunes qui se distinguaient soit par la danse, le football ou toute autre action et à qui on collait un nom. C’est une époque que vous, vous n’avez peut-être pas connu mais ce moment a existé, où des gens pouvaient quitter un quartier pour aller rivaliser en danses dans d’autres quartiers ou localités. On lui donne un nom, ça reste et ça suit la personne. C’est comme cela, sinon il ne s’agit pas de nom que les gens s’attribuent une fois dans les Koglweogo. Ces appellations-là, on ne peut plus les faire cesser, même si on veut, les gens sont déjà habitués.

Lefaso.net : Etre membre du groupe d’auto-défense, Koglweogo, ne donne pas droit à une rémunération. Vous qui êtes là-bas, est-ce que cela ne joue pas sur les activités de chacun ?

Ben Laden : Effectivement, ça joue sur nos activités. Moi, je suis un cultivateur mais jusqu’à ce jour, je n’ai pas pu mettre le pied dans mon champ.

Lefaso.net : Mais est-ce que cette situation ne va pas aussi pousser certains de vos membres à la dérive ?

Ben Laden : Mais, que faut-il faire aussi ? Est-ce pour autant qu’il faut laisser les voleurs dicter leur loi ? Si les voleurs arrêtent nous allons aussi arrêter pour regagner nos champs.

Lefaso.net : Pensez-vous pouvoir venir à bout des voleurs ?

Ben Laden : Si les gens se mettent ensemble, tout peut prendre fin. Ce sont les populations qui couvrent souvent les voleurs. Vous verrez des gens par exemple qui ne sont friands que des butins ; ils paient à vils prix. Donc, souvent, les populations ne nous facilitent pas la tâche.

Lefaso.net : Revenons à ce qui s’est passé dimanche dernier au théâtre populaire où un véhicule de la police est entré en collision avec votre fourgonnette qui ramenait des présumés voleurs à votre siège. Il y a eu trop de commentaires sur le sujet, qu’en est-il exactement ?

Ben Laden : Merci beaucoup pour avoir posé la question, tu as demandé et je vais te dire ce qui s’est passé. Là où nous avons notre siège à Saaba, c’est la parcelle d’un vieux qui habite à petit Paris (quartier Gounghin). Le vieux en question est décédé et ses enfants organisaient une veillée dans la nuit de samedi à dimanche. Le vieux étant comme notre papa, ses fils nous ont demandé de venir assurer la sécurité parce qu’il y a trop de vols d’engins ces derniers temps là-bas. Nous étions donc heureux d’aller rendre ce service aux enfants de ce vieux, que nous considérons tous comme notre papa, et pour cela, nous avons délégué seize personnes pour aller assurer la sécurité. C’est ainsi qu’au cours du travail dans la nuit, un enfant est venu enlever un enjoliver. Nous l’avons attrapé. Peu après, un autre est passé avec des cartons, nous l’avons, lui aussi, attrapé. Mais après, on les a lâchés (sur demande de nos membres, c’était des enfants). Quand ils sont partis, leur chef est venu sur les lieux et nous l’avons pris. Puis, d’autres encore… jusqu’à treize personnes au finish. Nous les avons attrapés avec des objets différents, certains même avaient la drogue. Au fait, il y avait une maison inachevée juste derrière la cour où se tenait la veillée et c’est là qu’ils avaient installé leur quartier général, ils y envoyaient leurs butins et préparaient leurs sorties. C’est là-bas qu’ils faisaient tout. Donc, quand nous les avons attrapés, nous étions à la recherche de moyen de locomotion pour les conduire à notre siège lorsque la BAC (Brigade anti-criminalité) arrivée. On était à la fin du doua autour de 11h-12h et les gens nous félicitaient en quittant les lieux. Donc, quand les éléments de la BAC sont arrivés, on s’est salué en tout respect. C’est-là qu‘ils m’ont fait savoir qu’on les a appelés de venir prendre des voleurs. C’est ainsi que j’ai dit qu’il n’y a pas de problème parce que, entre les forces de défense et de sécurité et nous, c’est comme petits-frères et grands-frères ; nous sommes leurs petits frères. Seulement, on leur a demandé de nous laisser conduire d’abord les présumés voleurs à notre siège. Je leur ai dit qu’on n’a pas besoin de temps là-bas avec eux, qu’on avait besoin de juste cinq minutes seulement au siège et on leur remet les voleurs. C’est là qu’ils ont répliqué en disant que lorsqu’ils voient des voleurs, ils ne peuvent plus repartir les laissant derrière eux. Je leur ai demandé pardon pour ne pas faire de la discussion parce que ce n’est pas bien. Je leur ai dit que nous, c’était juste pour les envoyer à notre siège pour les conscientiser, les moraliser et qu’après, ils pouvaient les ramener. On a discuté et ils insistaient sur leur position. Finalement, je leur ai dit de les prendre. C’est ainsi que lorsqu’ils ont voulu les embarquer, les gens se sont opposés et se sont mis à leur manifester leurs mécontentements. Dès lors, ils se sont rétractés et ils nous ont demandé de les mettre donc dans notre véhicule (un particulier nous avait remis sa fourgonnette pour le transport des voleurs) et qu’ils allaient suivre jusqu’à notre siège pour les ramener comme nous l’avions souhaité. Nous les avons embarqués donc dans la fourgonnette et un groupe a démarré en direction de notre siège tandis que moi, j’étais encore au lieu du doua en train de chercher des solutions pour suivre avec le butin des voleurs. C’est peu après qu’ils aient bougé que mes éléments m’ont appelé pour dire qu’il y a eu accident au niveau de théâtre populaire. Je précise qu’il y avait treize voleurs dans la fourgonnette et suite à l’accident, deux ont vu leur jambe fracturée (même jusqu’à ce jour, l’autre est toujours à l’hôpital attendant une intervention chirurgicale, nous sommes en train de voir comment gérer les ordonnances de ce patient avec l’aide des autorités municipales qui nous ont promis). Quand l’accident est survenu, on peut rendre grâce à Dieu de nous avoir épargné le pire. Parce que les gens ont voulu manifester mais, on a pu les calmer. Ensuite, la police est venue pour le constat et les populations ont refusé que ce soit la police qui le fasse, elles ont demandé que ce soit la gendarmerie qui fasse le constat. L’adjoint au maire central est même intervenu pour leur demander de laisser la police faire son travail mais les gens ont refusé. C’est ainsi que j’ai repris la parole pour dire aux gens de se calmer que la gendarmerie va venir faire le constat en lieu et place de la police, comme elles le souhaitent. Mais, comme les gens étaient toujours mobilisés et attroupés, les éléments de la BAC ont fait des tirs de sommation pour les disperser. Nous n’y avons pas trouvé d’inconvénient parce qu’entre la police et nous, il n’y a pas de rivalité, nous sommes complémentaires de la police. On peut dire que nous sommes tous Koglweogo ; les populations qui se sont mobilisées sur les lieux, les journalistes qui sont venus pour relayer l’information sont tous des Koglweogo. Tous ceux qui ont aidé d’une manière ou d’une autre pour éviter le pire sont des Koglweogo. Après, nous avons poursuivi notre chemin pour aller à notre siège et l’adjoint au maire et le maire de Saaba sont venus nous voir pour nous dire de nous occuper des blessés qu’ils allaient honorer les ordonnances. Donc, même ce matin, on a toujours des éléments à l’hôpital pour s’occuper du malade.

Lefaso.net : Mais, où sont donc les autres présumés voleurs que vous avez convoyés à votre siège ?

Ben Laden : C’est hier (lundi, 7 novembre 2016) que nous les avons transférés à la gendarmerie de Saaba. C’est ainsi que les choses se déroulés. Les gens peuvent même s’y rendre pour vérifier.

Lefaso.net : Mais, comment est survenu l’accident ?

Ben Laden : Vraiment, je ne saurai moi-même donné une réponse claire et précise là-dessus. C’est un accident et on ne peut pas dire qu’ils ont fait sciemment. Mais, le doute peut venir simplement du fait qu’eux-mêmes (les éléments de la BAC), ils avaient refusé dès le début qu’on conduise les voleurs à notre siège. Est-ce pour cela qu’ils ont fait ça pour obliger notre fourgonnette à s’arrêter ? Je n’en sais vraiment pas. Donc, on ne peut rien dire d’abord. Nous allons nous fier aux résultats du constat qui a été fait par la gendarmerie. Sinon, pour nous profanes, celui qui cogne un engin par l’arrière ne peut pas avoir raison. Mais, pour le cas d’espèce, on ne saura vraiment dire quelque chose. Le frein de leur véhicule a-t-il lâché ? Ont-ils cogné expressément notre véhicule dans le but de récupérer les voleurs comme ils l’ont voulu dès le départ ? Que Dieu me pardonne. On va attendre les résultats du constat.

Lefaso.net : Depuis lors, avez-vous eu contact avec ces éléments de la BAC ?

Ben Laden : Non, on n’a plus eu contact.

Lefaso.net : D’habitude quand vous prenez des supposés voleurs, comment vous faites ?

Ben Laden : Après les avoir conduits à notre siège, on les transmet à la gendarmerie ; parce que c’est la gendarmerie qui est plus proche de notre siège et nous les remercions pour la collaboration. Depuis notre existence, on a de très bons rapports également.

Lefaso.net : Est-ce qu’il y a parfois eu disputes entre vous et gendarmes, policiers dans le cadre de votre travail ?

Ben Laden : Pas du tout. Nous sommes des subalternes des hommes de tenu.

Lefaso.net : Entre vous et les populations, pas souvent d’incompréhensions ?

Ben Laden : Non, celui qui dit qu’il n’aime pas les Koglweogo est le père des voleurs. Tout le monde est Koglweogo. Moi-même, mon souhait est qu’il y ait Koglweogo dans tous les milieux ; même au niveau de vous les journalistes, il faut que vous mettiez en place un groupe Koglweogo... Si vous prenez un voleur, vous l’envoyer chez nous et nous allons lui prodiguer des conseils et prier sur lui afin qu’il puisse revenir dans le rang.

Lefaso.net : Donc, tout voleur qui passe chez vous doit être ‘’délivré’’ ?

Ben Laden : Oui ! On prie pour lui, on le conseille afin qu’il ait la force d’abandonner ce qu’il fait. Et dans bien des cas, ça marche. Il y a même des parents qui nous envoient leurs enfants voleurs pour qu’on les corrige et à l’issue de ça, ils se remettent sur le droit chemin.

Lefaso.net : Mais, comment vous préservez les droits des présumés voleurs dans tout ça ?

Ben Laden : Par exemple, quand nous envoyons les voleurs à notre siège, on refuse que les gens y aient accès. A part quelques membres de Koglweogo, les autres sont tenus dehors. Parce que, si on laisse tout le monde entrer, on ne sait pas qui est qui, peut-être que quelqu’un a un problème particulier avec le présumé voleur (par complicité ou autres raisons) et il va se mettre à le tabasser. Pour éviter tout ça, on les tient hors des vues. Aussi, pendant notre interrogatoire, on ne permet pas qu’on fasse des images des présumés voleurs ; parce que ça peut ternir leur image si on se rend compte après qu’ils ne sont pas réellement des voleurs. Même s’il s’avère que ce sont des voleurs, si on permet les photos, ça peut faire fuir les complices. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, il faut vraiment faire attention pour ne pas exposer les gens. C’est pour toutes ces raisons que nous entourons notre interrogatoire de la plus grande discrétion.

Lefaso.net : Mais, jusqu’où s’étend votre compétence territoriale ?

Ben Laden : Quelle que soit la zone à Ouagadougou, nous partons traquer les voleurs et quelle que soit l’heure. Même avant-hier nuit, nous sommes venus (dans un quartier) pour prendre un voleur mais il s’est trouvé que c’était un mineur... Même à Boromo, nous sommes parfois allés chercher des présumés voleurs.

Lefaso.net :…Et dans ce cas avec les mineurs, comment vous faites ?

Ben Laden : On les moralise seulement et on les laisse. On les conseille et on les dissuade…

Lefaso.net : Prenons les cas où vous attrapez un voleur avec son butin et par la suite, vous arrivez à identifier le propriétaire que vous appelez de venir chercher son bien. Dans ce cas, le propriétaire doit-il vous payer d’abord avant de retirer sa chose, n’est-ce pas ?

Ben Laden : Comme on est allé avec du carburant pour chercher le voleur, si la personne à quelque chose pour nous soutenir, on prend. Au cas contraire, on n’exige pas. C’est avec ce que les gens nous donnent que nous nourrissons les présumés voleurs que conduisons à notre siège. Nous, nous ne faisons pas de discrimination, nous partageons les mêmes plats avec les présumés voleurs. Il n’est pas question que nous mangions quelque chose et que nous leur donnions autre chose. Non, ça y va même de leur sécurité. C’est aussi en partageant tout avec eux qu’on arrive à les convaincre qu’on est même chose et qu’ils peuvent abandonner le vol pour se mettre au travail comme tous les membres de la société. Quand les gens viennent nous soutenir avec les vivres, c’est pour nous tous donc.

Lefaso.net : Vos armes, comment vous les acquérez ?

Ben Laden : Ce sont des armes blanches essentiellement des machettes. Ce sont aussi les mêmes armes à fabrication artisanale que nous savons ; les fusils de chasse que nous utilisons pour aller à la recherche de perdrix et autres. C’est connu de tous et ce sont les mêmes que tout le monde a dans les villages, dans les villes. La seule chose qu’on a spécialement acquise dans le cadre de notre travail, c’est notre tenue (uniforme). Mais là aussi, ce n’est pas pour aller à la traque des voleurs, c’est pour les besoins de nos rassemblements, nos moments de fêtes. C’est comme le maillot des étalons quand il y a des matchs importants. Sinon, notre travail vise simplement à protéger la société, nous ne nous mêlons pas de la politique. On s’est retrouvé et chacun est dans son coin. Les consignes des personnes ressources (chefs coutumiers, musulmans, chrétiens, protestants) sont claires et elles nous ont conseillés de travailler et de rester très vigilants pour ne pas tomber dans des dérapages. Donc, on est bien encadré par les sages et des personnes averties de notre société. Nous demandons toujours leurs bénédictions. Moi qui vous parle, si dérape, qu’on me ligote et qu’on me fasse subir aussi la sentence qui sied. Nous ne sommes pas des rivaux des Forces de défense et de sécurité, nous les aidons parce que c’est difficile pour elles d’agir efficacement à tous les niveaux de la société. Ils ne peuvent pas aller avec efficacité à tout moment dans les ‘’six mètres’’ et identifier les voleurs. Mais, nous qui sommes dans les quartiers, c’est facile pour nous de savoir qui fait quoi et par conséquent, de mettre la main sur des présumés voleurs parce qu’on se côtoie tous les jours. Nous demandons aussi la bénédiction de vous les journalistes, parce que c’est vous qui avez le pouvoir de faire et de défaire… Notre principal objectif, c’est de servir toute la société. Nous nous excusons, si on a heurté des gens dans notre travail, ce n’est nullement notre intention. Matin, midi et soir, notre prière, c’est de faire notre travail dans la justesse et sans blesser les bonnes personnes. Notre ennemi commun, c’est le voleur ; lui qui veut vivre avec le fruit des efforts de l’autre. Que chaque individu de la société jouisse des fruits de son travail tranquillement et sans être inquiété. C’est cela la vocation de notre organisation. Nous implorons toutes les religions, tous les gardiens de la tradition, à quel qu’endroit qu’ils se trouvent au Burkina, de prier pour nous, de prier pour la paix au Burkina et de nous accompagner dans notre mission.

Entretien réalisé par Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net

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