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Révolution démocratique et populaire : Quand Thomas Sankara a dit « Non » à Jerry Rawlings…

Publié le lundi 10 janvier 2022 à 19h30min

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Révolution démocratique et populaire : Quand Thomas Sankara a dit « Non » à Jerry Rawlings…

Photographe et réalisateur français, Thierry Secretan a déposé son témoignage par visioconférence dans l’affaire Thomas Sankara et douze autres, ce lundi 10 janvier 2022, depuis Paris.

« Je n’ai pas d’informations de première main sur les événements du 15 octobre 1987 car je n’étais pas à Ouagadougou. Les informations que j’ai ne sont pas de nature nouvelle. Elles viennent principalement de Jerry Rawlings, avant et après les événements », a declaré Thierry Secretan.

Le témoin dit avoir fait la connaissance du président Thomas Sankara à la suite de son discours tenu à Bobo-Dioulasso, à l’occasion de la visite de John Jerry Rawlings, le 17 février 1984.

Dans ce discours, Sankara a fait une confession publique en évoquant l’aide « clandestine » précieuse dont le Burkina Faso (ex-Haute Volta) a bénéficié pour l’avènement de la révolution. Voici un extrait de ce qu’il a dit ce jour là.

« Avant d’être chef de l’État du Ghana, J.J Rawlings est d’abord Africain, Africain avec nous, parmi nous, pour nous. En effet, J.J Rawlings est un des nôtres, intimement mêlé à notre lutte, lié à notre combat. Comme démonstration de cette liaison révolutionnaire et dynamique entre ce frère ghanéen et nous-autres, des contacts nombreux, fréquents mais clandestins ont existé entre lui et nous depuis fort longtemps, mais essentiellement après le 17 mai. C’est lui qui a été un des rares chefs d’État à croire encore en la possibilité pour la Haute-Volta révolutionnaire de continuer sa lutte. Il a osé nous soutenir de toutes ses forces militaires, politiques et diplomatiques, il a osé combattre lui-même personnellement à nos côtés, nous assistant de ses conseils, de son soutien efficace, de ses analyses clairvoyantes et nous avons effectué des voyages nombreux au Ghana. Dans la clandestinité certes, mais avec la conviction que nous combattions pour notre peuple. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois avec J.J Rawlings. Malgré les pressions diverses qui pesaient contre lui, les menaces, les chantages, Rawlings n’a jamais cédé et il a tout mis en œuvre pour que la révolution triomphe en Haute-Volta. Il a osé sacrifier une partie du Ghana pour la Haute-Volta ».

Selon le témoin Thierry Secretan, le discours de Sankara a irrité le président Jerry Rawlings. « Rentré aussitôt le 18 février à Accra, il m’a dit de revenir à Ouagadougou avec son ministre des affaires étrangères Obed Assamoah », se souvient le témoin. L’objectif de cette mission était de filmer Thomas Sankara en lui demandant de faire une déclaration contraire au discours tenu de Bobo-Dioulasso.

À Ouagadougou, Sankara a refusé de se livrer à cet exercice. Le ministre Obed Assamoah est retourné à Accra. Resté à Ouagadougou, Thierry Secretan dit avoir insisté, mais le capitaine Sankara n’était pas près de revenir sur ses propos.

Pour le témoin, le rôle de Jerry Rawlings dans la prise du pouvoir de Thomas Sankara n’a pas échappé aux agences de renseignement des puissances occidentales. Il a confié que les camions qui ont convoyé le commando depuis la ville de Pô (Sud du Burkina) jusqu’à Ouagadougou, le 4 août 1983, ont été envoyés à Blaise Compaoré par Rawlings. Cette aide « clandestine » du président ghanéen inquiétait Houphouet Boigny de la Côte d’Ivoire et Eyadéma Gnassingbé du Togo.

Le témoin a également évoqué la visite de Thomas Sankara à Accra, quinze jours avant son assassinat. Il n’y était pas pour parler des tensions entre lui et Blaise Compaoré mais pour évoquer la question des syndicats avec Jerry Rawlings. Mais l’épineuse question des divergences avec Blaise revenait sans cesse dans les questions du président ghanéen. En réponse, son hôte disait toujours qu’il gérait la situation. Pour le temoin, cette passivité était un « suicide programmé de la part de Thomas Sankara ».

A la question de la partie civile de savoir si l’assassinat de Thomas Sankara était un accident comme a tenté de faire croire le camp de Blaise Compaoré, Thierry Secretan dit avoir évoqué la question avec Rawlings. Ce dernier, à l’en croire, ne croyait pas à la thèse de l’accident car « s’il s’agissait d’arrêter la seule personne de Thomas Sankara, les soldats n’auraient pas abattu les douze compagnons du président ».

Quel pouvait être le mobile dans l’assassinat de Thomas Sankara ? A cette question de Prosper Farama, le témoin répondra « Certainement que Blaise était frustré du fait que Sankara était le numéro 1 alors que c’est lui qui l’avait sorti de prison en 1983. Si Blaise avait été fidèle au credo révolutionnaire, il aurait dû reprendre le flambeau et mettre aux arrêts les assassins de Sankara ».

L’avocat de la partie civile Ferdinand Nzepa a évoqué le nom de François Hauter, ce journaliste du journal Le Figaro qui a déclaré lors d’une conférence à Dakar avoir été manipulé en 1987 par les autorités françaises. Il aurait fait part à Guy Penne (Conseiller pour les affaires africaines de François Mitterrand) de son projet de se rendre à Ouagadougou pour réaliser un reportage sur la révolution. Ce dernier informe la direction générale de la Sécurité extérieure qui remet au journaliste un dossier compromettant contre Sankara, notamment sur « les assassinats et les tortures ».

« Je considère scandaleux de le faire, lamentable de le raconter et méprisable de venir dire que j’ai été manipulé », a lâché Thierry Secretan qui a qualifié le reportage produit par le journaliste Hauter de « vitriole ». « Guy Pen qui est de gauche qui remet un dossier compromettant à un journaliste pour qu’il écrive dans un journal de droite : c’est d’un classique et d’un ridicule inachevé », se convainc le photographe français.

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