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Burkina - Côte d’Ivoire : L’absence de communiqué conjoint quelques jours après une longue entrevue entre délégations des deux pays inquiète sur l’avenir des relations

Publié le jeudi 25 avril 2024 à 22h25min

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Burkina - Côte d’Ivoire : L’absence de communiqué conjoint quelques jours après une longue entrevue entre délégations des deux pays inquiète sur l’avenir des relations

Le Burkina et la Côte d’Ivoire se sont rencontrés le 19 avril 2024 à un haut niveau de représentation ministérielle, entre ministres d’État, et ministre de la défense. Il y avait côté Burkina, le ministre délégué chargé de la sécurité en plus. Les deux ministres d’État des deux pays sont réputés être des proches des deux chefs d’État, ce qui peut donner à penser que cet entretien entre le général Kassoum Coulibaly du Burkina et M. Téné Birahima Ouattara, est presque une entrevue entre les deux chefs d’État de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso.

La pratique courante après des échanges entre deux pays sur des sujets importants qui touchent la vie des nations et des peuples, est de communiquer sur les points d’accord obtenus ou tout au moins sur les sujets de l’échange. La presse présente sur les lieux a obtenu des déclarations bien concordantes sur le nouveau départ des relations entre les deux pays, la décrispation et la joie des personnes qui se sont rencontrées, satisfaits sans doute de la courtoisie et de la qualité des échanges.

Les paroles s’envolent, mais les écrits restent pourquoi ne l’avoir pas consigné par un texte signé par les deux chefs de délégation ? Quel est l’objet de la tension entre les deux pays ? Est-ce un différend dont les deux pays sont coutumiers entre un vieux chef d’État et un autre très jeune qui pourrait être son fils ? Cette tension résulte-t-elle de la présence en Côte d’Ivoire d’opposants au régime militaire de Ouagadougou ? Le Burkina ayant accueilli aussi par le passé des opposants au régime en place à Abidjan et il y a quelque mois nous avons déroulé le tapis rouge à Guillaume Soro ? Est- ce le conflit AES/CEDEAO suite au coup d’État du Niger, ou sommes-nous les pions de la rivalité entre les Russes et les Occidentaux ?

On a pu voir sur les chaînes de télévision du Burkina Faso les images de la délégation burkinabè conduite par le ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants, le général Kassoum Coulibaly, sur le pont de la Léraba à la frontière entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire accueillant son homologue ivoirien Téné Birahima Ouattara en provenance de son pays par la route dans un cortège de véhicules. Ces images rappellent certaines séquences de films de la guerre froide (romans de John Le Carré) où les échanges d’espions entre l’Est et l’Ouest se faisaient sur le pont de Glienicker, entre Berlin-Est et Ouest.

Ce qui nous a fait penser au pont des espions entre Postdam et Berlin est que cette rencontre des chefs de la défense de la Côte d’Ivoire et du Burkina se fait suite à une tension qui dure depuis 7 mois où le Burkina garde des gendarmes ivoiriens qui se sont retrouvés au Burkina en pourchassant des trafiquants d’or ou des orpailleurs. Ce qui arrive à Pierre pouvant arriver à Paul, un militaire et un Volontaire pour la défense de la patrie burkinabè ont été arrêtés dans un marché ivoirien et sont aussi retenus de l’autre côté de la Léraba.

Certains, sur les réseaux sociaux, prétendaient que les gendarmes ivoiriens seraient la monnaie d’échange pour certains opposants burkinabè refugiés en Côte d’Ivoire. Sauf que c’est la partie ivoirienne qui serait la demanderesse de cette rencontre. D’échanges de détenus, aucun des discours prononcés devant la presse n’en a parlé. La reconnaissance du conflit latent et des discussions pour le résoudre et la nécessité d’un nouveau départ et d’une décrispation sont les maîtres mots des discours que les deux ministres ont donné à la presse. Mais aucun communiqué officiel sanctionnant ces longues discussions d’une matinée (6 heures) à Niangoloko n’a été ni remis à la presse, ni publié une fois les ministres de retour chez eux. C’est cela qui pose question et même inquiète.

Le statu quo et l’escalade ?

Qu’est ce qui s’est réellement passé à Niangoloko et que nos dirigeants ivoiriens et burkinabè ne nous disent pas ? Le conflit est latent depuis la volonté de la CEDEAO d’attaquer les putschistes nigériens. Le président Alassane Dramane Ouattara ayant été perçu comme le grand va-t’en guerre contre les fauteurs de coups d’État. Des problèmes internes au Burkina avec la fuite en Côte d’Ivoire de personnes suspectées de coup d’État et d’opposants au régime des capitaines s’y sont ajoutés. Opposant pour opposant, la Côte d’Ivoire aurait pu prendre ombrage de l’accueil fait à Guillaume Soro par les autorités burkinabè, qui ont misé sur le mauvais cheval, puisque ce dernier est rentré dans ses petits souliers et a appelé « papa ADO » pour demander pardon pour pouvoir rentrer au bercail.

Cherche-t-on toujours à résoudre le conflit pour des relations justes et de bon voisinage entre la Côte d’Ivoire et le Burkina ? Le dernier discours du chef de l’État, le 23 avril 2024, aux forces de défense et de sécurité des Cascades, ne jette -t-il pas l’huile sur le feu ? Si les Burkinabè veulent des militaires alliés à des Russes au pouvoir, les Ivoiriens ont le droit, si telle est leur volonté, d’être administrés par un président civil allié à des Occidentaux. Est-ce que ce principe est accepté par les deux parties, les deux gouvernements ? Nous sommes tous des Africains !

Les Ivoiriens sont nos frères de sang et de lait, ils ne vont pas courir nous laisser comme les Français, les Russes, les Américains, les Chinois etc. parce que nous sommes liés, collés, cimentés, par la géographie, l’histoire, la culture, les peuples on y sera encore jusqu’à demain, pour être exhaustif dans nos liens. Si nous-mêmes on ne s’aime pas, si la haine de soi est notre spiritualité première, tous les étrangers viendront sur ce « milieu de culture » s’engraisser et nous inciter à nous détruire. Comment peut-on aimer l’Afrique et les peuples africains et faire la guerre à un autre peuple, pays africain ? Un tel panafricanisme me laisse dubitatif.

Le Burkina Faso n’a pas besoin d’une autre guerre en plus de celle contre le terrorisme. Finissons d’abord la première, sinon on ne s’en sortira jamais. Autant les peuples africains ont été contre une attaque de militaires ouest africains contre le Niger, autant ils seront contre une guerre qui oppose le Burkina à la Côte d’Ivoire. Diriger un pays, c’est apporter des réponses aux problèmes, c’est être un homme de solutions. Ne cherchons pas d’autres problèmes, résolvons celui qui nous tient à la gorge depuis bientôt une décennie : le terrorisme.

Sana Guy
Lefaso.net

Photo : AIB

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