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« Salifou Diallo avait fini par être idolâtré par des acteurs politiques du Burkina Faso au-delà du rationnel », décrypte Windata Zongo, consultant en géopolitique

Publié le samedi 6 janvier 2018 à 10h30min

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« Salifou Diallo avait fini par être idolâtré par des acteurs politiques du Burkina Faso au-delà du rationnel », décrypte Windata Zongo, consultant en géopolitique

Il fait partie de ces intellectuels burkinabè vivant à l’extérieur dont on dit beaucoup de bien … et nous ne manquons aucune occasion de ses séjours pour l’approcher sur les sujets majeurs qui ont marqué l’actualité nationale et internationale. Windata Zongo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est docteur en sciences politiques, option Relations internationales et Diplomatie. Enseignant dans plusieurs Universités européennes, il est Consultant sur les questions de Diplomatie, Géopolitique, Relations internationales et de Gouvernance politique et Chargé de programmes au Centre Africain d’Analyses et Recherches Diplomatiques et Stratégiques (CAARDIS). En séjour dans son Burkina natal, nous l’avons rencontré le vendredi 29 décembre 2017. Interview !

Lefaso.net : En cette fin d’année, quel bilan peut-on faire des activités au niveau du CAARDIS ?

W.Z. : 2017 a été chez nous très intense ; parce qu’il y a un projet, « Comprendre la sécurité » sur lequel nous avons travaillé. Outre cela, il y a eu les activités classiques, telle que la veille diplomatique et l’aspect pédagogique. Aussi, nous sommes en discussions avec une université américaine qui se spécialise dans les études africaines, pour monter un cadre de travail ensemble. En gros, c’est ce qui est du CAARDIS pour 2017.

Lefaso.net : Outre ces activités classiques, y a-t-il eu des activités spécifiques sur lesquelles vous avez été beaucoup sollicités au cours de 2017 ?

W.Z. : En ce moment, la notion de sécurité est ce qui est récurrent en Afrique. Outre son aspect militaire, la sécurité requiert plusieurs autres dimensions. Nous avons été très souvent approchés dans le renforcement de capacités des hommes de décisions pour comprendre la sécurité dans son ensemble et aussi dans le volet sécurisation (le fait d’entreprendre une politique sécuritaire).

Lefaso.net : Dans ce volet, il y a la mise en place de la force du G5 Sahel, initiative qui suscite des commentaires controversés (certains estimant qu’il s’agit simplement d’une création de la France pour fragiliser les grands ensembles communautaires africains comme la CEDEAO, l’UEMOA...). Votre commentaire ?

W.Z. : Non, c’est une structure endogène ouest africaine. Et la question qu’on doit se poser, c’est : qu’est-ce qu’on veut dans ce contexte ? N’est-ce pas la sécurité qui nous intéresse ? Quant à cette question, la réponse étant oui, qu’est-ce que la CEDEAO fait ? La CEDEAO est une structure communautaire ouest-africaine qui a, dans son champ de compétences, le volet sécuritaire. Seulement, depuis la crise au Mali, on s’est rendu compte que la CEDEAO avait un problème, non seulement sur le plan logistique, mais aussi sur le plan politique ; parce qu’il y a des Etats qui ne sont pas confrontés à cette situation dans l’espace (communautaire) et qui ne voient donc pas l’intérêt d’y investir leurs ressources militaires. Par contre, quand vous voyez le G5 Sahel, ce sont des pays qui sont tous confrontés à ce problème de sécurité et donc qui éprouvent la nécessité de s’organiser pour travailler dans une logique multilatérale. Toutefois, la mobilisation des ressources financières pose problème, parce que les coûts sont évalués à 200 millions d’euros. Avant, le Tchad était la locomotive du G5 Sahel, mais depuis la chute du prix du pétrole, ce pays fait face à des problèmes qui font qu’il ne peut plus assumer seul le G5. Les Etats-Unis se sont opposés à un financement multilatéral du G5. La France s’est donc impliquée dans le financement et peine à collecter les 200 millions d’Euros nécessaires. Les mobiles de son investissement de mon point de vue sont à rechercher dans le champ des migrations plus que dans une volonté de saper la CEDEAO qui a montré ses limites.

Lefaso.net : Cette position des Etats-Unis et, partant de l’ONU, ne va-t-elle pas, à long terme, se révéler un handicap pour cette initiative ?

W.Z. : Le problème américain est structurel, c’est lié à l’idée de politique étrangère que leur président actuel se fait. Si vous remarquez, les Etats-Unis sont dans une forme d’isolationnisme... Donc, est-ce que cela veut dire que les autres pays ne vont pas soutenir l’initiative, je ne crois pas ; parce que la question de l’insécurité qui se pose en Afrique risque de se répercuter en France et dans les autres pays européens. Cela contribue aussi à expliquer son investissement (de la France) ; parce que ça participe à résoudre un problème transversal qui est celui de la migration. Même si les Etats-Unis n’adhèrent pas donc, je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt de la France et des Etats de l’Union européenne de ne pas aider le G5.

Lefaso.net : Est-ce que la focalisation sur le G5 Sahel ne risque pas d’être un piège dangereux pour chacun des pays membres qui pourraient ainsi minimiser les efforts à consentir au plan national ?

W.Z. : Je pense au contraire que cela va renforcer les efforts au niveau national, parce que sur le plan opérationnel, il y a la nécessité de coopérer au niveau des renseignements (étant entendu qu’on a affaire à un phénomène transfrontalier).

Lefaso.net : Vous releviez que la lutte contre le terrorisme n’est pas seulement militaire. Pensez-vous qu’au Burkina, il y a un accompagnement politique suffisant aux efforts militaires déployés sur le terrain ?

W.Z. : Il y a deux approches qui existent et auxquelles sont confrontés les gouvernants pour le cas du Burkina. Sur le plan opérationnel, les forces armées qui préfèrent travailler dans la discrétion, et dans le champ politique, les populations qui elles, veulent voir des dirigeants communiquer sur ce qui est fait, parce que cela atteste d’une implication permanente. Mais, il faut se poser la question de savoir laquelle des deux approches est productive ? Je pense que nos forces de défense et de sécurité font leur maximum et nous devons plutôt les soutenir en acceptant leur stratégie adoptée. L’accompagnement politique également se voit par le dévouement dont les gouvernants, non seulement ici au Burkina, mais aussi au Mali et au Tchad font preuve pour mobiliser les ressources afin d’accompagner les forces de sécurité. Vous savez, nous avons le beau rôle qui consiste à commenter, mais il faut savoir que la marge de manœuvre d’un gouvernant dans ces situations, n’est pas confortable. Même la France peine à réunir la somme nécessaire pour le G5. Cela démontre la complexité de la situation.

Lefaso.net : Au Burkina, on assiste également, et de plus en plus, à une traite des manifestations d’humeur à caractère régionaliste. N’y-a-t-il pas réellement matières à craindre dans ce contexte ... ?

W.Z. : Non, je ne crois pas. Le processus de création et de consolidation d’un Etat-Nation révèle un aspect d’histoire commune très appropriée de la part de l’ensemble des populations. Ces valeurs historiques communes dépassent les aspirations régionalistes. Pour le cas du Burkina, vous verrez que tous les Burkinabè du nord au sud, au-delà de la volonté de préserver les legs régionaux, ont conscience de ces valeurs communes de l’appartenance à une nation indivisible, et le revendiquent toujours dans leurs discours. Si on analyse de manière sociologique ces phénomènes, c’est certainement plus un appel à l’aide qu’une volonté irrédentiste.

Lefaso.net : A deux ans du prochain scrutin présidentiel, nous sommes déjà dans une phase de pré-campagne, les dirigeants actuels peuvent-ils encore bander les muscles, au risque d’exposer leur régime à l’impopularité ?

W.Z. : Comme je vous l’avais dit dans notre précèdent entretien, la gouvernance est un phénomène complexe. Les actions publiques entreprises sont souvent incomprises, parfois illégitimes mais l’évaluation ne peut se faire en deux ans. Un gouvernement a toujours des périodes de flottement et, quand cette période passe et que les marques sont prises, les choses peuvent aller très vite. Cependant, tant que ces actions sont réalisées dans le cadre du contrat social, cela ne doit pas poser un problème. Toutefois, pour que ce contrat marche il appartient aux gouvernants mais aussi aux citoyens, d’assurer chacun sa part. C’est à la fin que le bilan se fait et le peuple burkinabè jugera. Mais je crois que, malgré cette tendance à la marginalisation parfois injustifiée que je vois dans la presse, il y a des efforts qui sont faits et des choses qui doivent être améliorées.

Lefaso.net : Certains estiment que la disparition de Salifou Diallo (qui était craint à plusieurs niveaux) peut favoriser un laisser-aller à tous les niveaux, ingrédients de l’incivisme. Quel est votre commentaire sur cette opinion ?

W.Z. : Dr Salifou Diallo était effectivement craint, mais c’est réducteur de lier l’efficacité ou pas de l’action étatique à un individu. C’est à l’Etat, seul détenteur de la violence légitime, de manifester son autorité sur les citoyens par des mesures fortes contre les actes d’incivisme.

Lefaso.net : Justement, qu’est-ce que la disparition de cet homme politique peut avoir comme conséquence sur la scène politique nationale, quand on sait que beaucoup de choses se disaient à son sujet...?

W.Z. : Salifou Diallo avait fini par être idolâtré par des acteurs politiques du Burkina Faso au-delà du rationnel. Ce qui est aussi une illustration de la naïveté politique de ces derniers. C’était un personnage charismatique, un tribun qui a basculé dans le champ politique de manière naturelle. Il est celui qui a compris très tôt le métier de l’entreprenariat politique en s’aventurant dans son aspect scientifique par sa thèse. Donc, avec toutes ces qualités et le fait d’évoluer dans le parti présidentiel, qui lui assure les ressources, il a pu illustrer cette logique chère à l’entrepreneur politique qui veut que la fin justifie les moyens. Il suffit donc de regarder ce qui a été fait à l’opposition burkinabè unie (OBU), à l’UPC. Dans le champ de la gestion du pouvoir, il illustrait parfaitement cette logique de la gouvernementalité développée par Foucault, en Afrique. Donc oui, il s’agit d’un baobab du champ politique burkinabè qui s’en est allé. Mais, je pense qu’il y a un legs en matière de stratégie de conquête et de gestion du pouvoir que ses camarades pourront perpétuer. Quant à ses adversaires, cela peut avoir pour conséquence un regain de confiance.

Lefaso.net : Le fait marquant de l’année 2017, c’est aussi cette visite du président français, Emmanuel Macron, avec tout son cortège de commentaires qu’elle a suscités. D’abord, peut-on dire tout de suite que le Burkina a su tirer profit de cette visite qui était "tant attendue" ?

W.Z. : La visite de M. Macron est symbolique. Macron n’est pas un personnage issu du monde politique classique. C’est le produit d’une révolution idéologique du peuple français, si bien qu’il y avait un point commun qui le liait au Burkina qui est la révolution (insurrection populaire, ndlr). C’est certainement pour cela qu’il a choisi le Burkina. Mais, en termes de retombées pour le Burkina, il y a l’immédiat et le long terme.

Dans l’immédiat, je pense que le profit est diplomatique, parce que cette visite permet au président d’illustrer la réputation internationale du Burkina et d’affirmer le leadership de son président.
Dans le long terme, cette visite sera le début d’une période de collaboration dont le Burkina peut se servir dans la sphère multilatérale et dans le cadre du bilatéralisme avec la France.

Lefaso.net : Mais dans la forme, avec l’acte majeur qui est son discours et tout ce qu’il y a eu comme tir groupé sur les étudiants ayant posé les questions.... Comment faut-il analyser tout cela ?

W.Z. : Tout le monde s’est focalisé sur les étudiants dont les questions n’étaient pas terribles. Et c’est vrai qu’ils sont condamnables par le niveau des questions et la non compréhension réelle de la gouvernance et de l’action publique. Cependant, quelle leçon doit-on tirer de cette situation ? Je pense qu’il est nécessaire de faire comme dans les pays développés en créant des instituts d’études politiques qui ont une approche sociologique de l’action publique et qui peuvent permettre aux étudiants de comprendre la gouvernance globale et locale. En France, c’est ce qui permet de former une élite avertie des questions de l’action publique parce que dans les instituts politiques, on forme des gens multidimensionnels qui sont capables de comprendre beaucoup de choses sur plusieurs champs (politique, économique, administrative, institutionnel). Le président Macron et une grande partie de l’élite politique et économique de son pays, par exemple, sont des produits de science-po Paris. Sinon, il y a des professeurs et des étudiants de qualité au Burkina.

Lefaso.net : Il y a aussi les débats sur un manque d’humilité du président français vis-à-vis de son hôte !

W.Z. : Ce débat illustre une totale incompréhension du champ des pratiques cérémoniales diplomatiques entre dirigeants qui est un monde très normé, très labellisé et très souvent lassant. Il arrive donc très souvent que des présidents se comportent de manière déviante et outrepassent ce protocole pour détendre l’atmosphère. C’est arrivé très souvent avec les présidents Obama, Hollande, Poutine et Gbagbo, qui sont de très grands amateurs des gestes et paroles de plaisanterie... Donc, je pense qu’il ne faut pas se focaliser sur cela. Par contre, si on adopte la posture de l’ex-colonisé, dans sa relation avec l’ex-puissance, on interprétera toujours les actes dans une relation de type volonté de domination du colonisateur/devoir de contestation permanente du colonisé. Même s’il n’en est rien de la part de celui-ci

Lefaso.net : Dans le fond, le discours de Ouagadougou du président français vous a-t-il donné satisfaction ?

W.Z. : Oui, parce que, c’est un langage de vérité. Nous ne devons toujours pas penser que notre développement va venir d’ailleurs, non, la responsabilité première nous incombe et nous devons travailler à une meilleure gouvernance, à mobiliser les ressources pour pouvoir nous en sortir. Je me rappelle une interview sur votre site du professeur Séni Ouédraogo qui parlait de la mobilisation des ressources dans la gouvernance et j’ajouterai à cela que nous devons en plus, pouvoir entreprendre de bonnes politiques de redistribution. C’est ce qui peut aider l’Afrique dans sa quête de développement, et le message de Macron est : aidez-vous d’abord.

Lefaso.net : Les Africains sont toujours sous l’émotion de cette actualité de migrants vendus en Libye, pratique révélée par cette chaîne américaine, dit-on. Comment avez-vous vécu cette actualité ?

W.Z. : Ici, les gouvernants africains depuis les périodes des indépendances doivent se poser la question de savoir quelle est leur part de responsabilité dans le fait que des gens en arrivent à risquer leur vie pour pouvoir forcement rejoindre l’Europe ? La réponse se trouve dans le modèle de gouvernance de nos dirigeants d’une part et aussi sur le plan démographique, d’autre part. Je m’explique : sur le plan de la gouvernance, il appartient aux gouvernants de pouvoir réunir des ressources et de pouvoir entreprendre des politiques de redistribution qui donnent la chance à tout citoyen dans ce continent de ne pas trouver la nécessité de s’exiler.

En termes de démographie, je dirai qu’il y a un problème en Afrique, parce que c’est un continent très jeune et qui n’arrive pas à maîtriser le problème de démographie. Si on prend l’exemple au XXème siècle, l’idée répandue était qu’un pays qui avait une population nombreuse avait la possibilité de se développer. La logique schumpetérienne de l’économie a donné au XXIème siècle, un modèle économique virtuel où la technologie remplace de plus en plus l’homme. Facebook par exemple avec les multiples filiales dont elle dispose et qui capitalise à des milliards de dollars n’emploie même pas 20.000 personnes. Même dans les secteurs comme l’agriculture, la machine a remplacé l’homme pour un souci de productivité. Donc dans un niveau macro si un Etat entreprend une politique de maîtrise de la population, les ressources peuvent être investies pour sécuriser les jeunes en termes de formation et de possibilités d’emplois. Cela seul peut donner envie de rester.

Lefaso.net : Ce qui inspire une question sur la nature de la relation Europe-Afrique, mise en exergue par ce sommet institué Union européenne-Union africaine, dont le dernier s’est tenu en fin novembre à Abidjan. Que retenez-vous de ce rendez-vous ?

W.Z. : L’Afrique est devenue le dénominateur commun de tout le monde. Exception faite du sommet France-Afrique, il y a désormais un sommet Etats-Unis-Afrique, un sommet Japon-Afrique, un sommet avec la Russie, etc. Beaucoup de pays s’intéressent en ce moment à l’Afrique et cela est lié à leurs politiques de sécurisation des approvisionnements nécessaires à l’activité économique. L’Afrique étant un continent regorgeant de beaucoup de ressources, il appartient aux dirigeants africains de pouvoir faire de ces sommets avec l’Europe (si on veut se focaliser uniquement sur ce cas), un lieu de renégociation d’une relation économique franche et mutuellement profitable.

Lefaso.net : Après le discours de Macron, on a l’impression d’une accélération de dirigeants de la CEDEAO pour la création d’une nouvelle monnaie dès 2020, en lieu et place du Franc CFA. N’est-ce pas une aventure hâtive, quand on prend en considération certaines réalités économiques des pays concernés ?

W.Z. : Sur la question du CFA, je ne peux être affirmatif, parce que ce n’est pas mon domaine. Par contre, il est vrai que la question mérite d’être posée ; puisque la question du Franc CFA a été abordée de la part de la société civile et des élites africaines en termes d’outil de souveraineté. Je suppose que si les chefs d’Etat ont pris la décision d’annoncer une date pour cela, c’est qu’il s’agit d’une chose réalisable.

Lefaso.net : L’Afrique, ces dernières semaines, c’est également le départ du pouvoir d’un baobab politique, Robert Mugabé. Est-ce la résultante d’une action murie ou ... ?

W.Z. : Non, la chute de Mugabé, est une révolution de palais, parce qu’elle ne provient pas réellement de la population comme ça a pu être le cas au Burkina en 2014. Pour moi, c’est plutôt un problème de succession, qui a été réglé en écartant une personne. Mais, est-ce que le système change pour autant, de manière fondamentale ? Je ne crois pas. Je suis un peu circonspect quant à l’action du nouveau régime qui a travaillé avec Mugabé.

Lefaso.net : Donald Trump vient encore, début décembre 2017, d’heurter la communauté internationale en reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël. Votre commentaire sur cette décision ?

W.Z. : La question israélienne est souvent revenue, quel que soit le président américain ; parce qu’il y a un lobby très puissant qui est là à savoir l’AIPAC, et qui a très souvent tendance à intervenir et à influencer dans le choix des gouvernants sur la question Israélienne. On a tous vu cette relation forte qui a existé entre le président Trump et l’AIPAC durant la campagne donc ce qui est arrivé relève du renvoi d’ascenseur de sa part à ce lobby. Dans le champ de la politique étrangère, cela participe à sa position assumée d’isolationnisme.

Lefaso.net : Peut-on parler aujourd’hui, avec Donald Trump, de "politique africaine des Etats-Unis" ?

W.Z. : Madeleine Albright, l’ex-secrétaire d’Etat sous la présidence de Clinton avait résumé parfaitement la politique étrangère américaine en ces termes : « multilatéralisme quand nous pouvons et unilatéralisme quand nous devons ». Cette phrase illustre l’aspect pragmatique de la politique étrangère américaine dont la seule norme qui vaille est le leadership mondial. Si cela passe par une diplomatie multilatérale il en sera ainsi. S’il faut passer par des actions bilatérales, ils le feront. Donc, l’Afrique n’a jamais été leur priorité, mais elle peut de temps en temps constituer un outil à leur disposition. Si vous vous rappelez toutes ces politiques d’aide économique et militaire aux pays africains sous Bush (MCC, lutte contre le SIDA, renforcement des capacités des élites militaires, coopération renforcée avec des pays comme le Burkina Faso…), vous verrez qu’en fait cela obéissait à sa stratégie globale du Nouveau Moyen-Orient. Avec Donald Trump, c’est toujours la même logique de leadership mais avec une politique étrangère unilatérale. Là, son souci c’est la restauration de la grandeur américaine et je ne pense pas que dans ce cas, l’Afrique fasse partie du plan. Tout sera question des opportunités que les pays africains doivent pouvoir tirer avec ce pays et sans que cela soit contraire aux intérêts américains.

Lefaso.net : Le durcissement de ton entre l’actuel locataire de la Maison blanche et d’autres dirigeants notamment Pyongyang n’est-il pas une menace sérieuse pour le monde ?

W.Z. : Je suis de ceux qui pensent que le l’unilatéralisme est une forme de domination et je suis pour la multipolarité, parce que ça permet aux puissances contestatrices de bousculer le statu quo. Donc, ce que Donald Trump est en train de faire en ce moment, ça obéit à ’’l’American first’’ qui est de restaurer la grandeur américaine à l’étranger. Seulement, si cela avait été possible à la fin du XXème siècle, c’est bien parce que les autres pays avaient un retard sur le plan économique et militaire ; ce qui n’est pas le cas en ce moment. Donc, il y a des craintes qu’il y ait des tensions, mais irons-nous jusqu’à une troisième guerre ? Je ne pense pas. Je pense que la diplomatie sera toujours mise à contribution afin qu’on puisse préserver la paix. Mais, l’unilatéralisme en ce moment est une chose quasiment impossible.

Lefaso.net : Nous allons vous arracher, à l’orée du nouvel an, des propos pour les Burkinabè, la jeunesse surtout !

W.Z. : Je voudrais d’abord souhaiter une bonne année à tous et exprimer une reconnaissance aux forces de défense et de sécurité pour ce qu’elles font pour que nous soyons en sécurité malgré les moyens limitées. J’espère que les conditions sécuritaires seront réunies au Burkina pour que le pays puisse attirer les investissements étrangers qui pourront contribuer à la création d’emploi pour la jeunesse.


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Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo

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