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Tertius Zongo : faire franchir une nouvelle étape économique et social au Burkina Faso (1/2)

Publié le samedi 9 juin 2007 à 09h16min

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Tertius Zongo lors d’une rencontre à Washington

II y a tout juste un mois, alors qu’il me recevait en tête-à-tête à Ouagadougou (cf. LDD Burkina Faso 0124 à 0128/Lundi 7 à Vendredi 11 mai 2007), le président Blaise Compaoré m’avait dit, en substance, que Tertius Zongo était "l’homme qu’il fallait, à la place qu’il fallait".

Mais si nous venions d’évoquer la question de la nécessaire succession (après sept années à la primature) de Paramanga Ernest Yonli, ce n’est pas à ce sujet que Zongo est arrivé dans notre conversation. Il s’agissait tout simplement de la "fronde" de quelques agents diplomatiques qui estimaient qu’il n’y avait pas assez de diplomates nommés ambassadeurs et trop de "personnalités qualifiées".

Washington, c’est le FMI et la Banque mondiale + la coopération avec les Etats-Unis, m’expliqua Compaoré, il me fallait, là-bas, un homme qui sache ce qu’est le budget de l’Etat et qui connaisse les ficelles de la coopération internationale. Il était l’homme qu’il fallait, à la place qu’il fallait. De retour à Paris, je rédige mes "Dépêches" sur le Burkina Faso, le bilan (plutôt positif) de Yonli ; j’explique que le Burkina Faso doit se "préparer à passer à une nouvelle étape de son développement économique et social" et il ne me vient pas à l’idée que, pour cette mission, Zongo est, pour Compaoré, "l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut".

Il est vrai que Tertius Zongo, outre-Atlantique depuis de longues années (plus de cinq ans), fait partie, pour moi, de la petite trentaine d’ambassadeurs burkinabé qui sont des "amis" de La Dépêche Diplomatique mais loin de Paris et de Ouaga. Depuis le 14 février 2002, il est ambassadeur à Washington (avec accréditation - initialement - pour le Mexique, le Pérou, le Paraguay, l’Equateur, le Chili, le Brésil, l’Argentine, le Venezuela, la Colombie et la Bolivie, mais il n’a présenté ses lettres de créance que pour les Etats-Unis et le Brésil - il n’y a que le Canada et Cuba qui lui échappent !), et je n’ai pas eu l’occasion de croiser sa route depuis qu’il a accompagné à Paris, quand Marc-Christian Roch Kaboré était Premier ministre, la délégation burkinabé reçue au CNPF (devenu, depuis, MEDEF, c’est dire que cela remonte, me semble-t-il, à 1995). Il était alors directeur général de la coopération internationale.

A Ouaga, tout a été très vite dès lors que les résultats des législatives ont été officiellement proclamés confirmant la victoire du rassemblement présidentiel. Roch Kaboré est reconduit à la présidence de la nouvelle Assemblée nationale tandis que Yonli a remis au chef de l’Etat la démission de son gouvernement. Zongo a eu tout juste le temps de transiter par Paris pour rejoindre Ouaga où, aujourd’hui même, on annonce sa nomination au poste de Premier ministre.

Joli clin d’oeil de l’Histoire : au même moment, Tertius Zongo se retrouve au coeur du magazine de la diaspora burkinabé : Fasozine (n° 9 - juin-juillet 2007). Ce qui permet d’en savoir un peu plus sur l’homme qu’est Zongo.

Il est né dans la province du Sanguié, dont la "capitale" est Réo, à quelques encablures de la ville de Koudougou ("capitale" du Boulkiemdé), à une centaine de kilomètres à l’ouest de Ouagadougou. Réo est à la limite de la terre des Mossi et des Gourounsi. Je rappelle que Yonli était Gourmantché de l’est. Protestant de confession, Zongo appartient à la famille du pasteur Samuel Yaméogo qui a dirigé Y Office de développement des Eglises évangéliques (ODE).

Le pasteur Bonsdawendé Samuel Yaméogo est une personnalité qui a marqué l’histoire de la restauration de la démocratie au Burkina Faso. Pasteur de l’Eglise des Assemblées de Dieu, il a été secrétaire exécutif de l’ODE, président de l’organisation mondiale Inter Church Relief and Development Alliance (IRDA), responsable des émissions évangéliques à la radio nationale du Burkina depuis 1964 puis à la télévision nationale (ce qui lui a permis de devenir un prêcheur particulièrement médiatisé), il a également présidé la commission de secours et développement de l’Association des évangélistes d’Afrique.

Il a siégé, à quatre reprises, dans des commissions chargées de la révision ou de la rédaction de Constitutions de la Haute-Volta dans les années 1970 et c’est en tant que membre (au titre de sa communauté évangélique) de la Deuxième chambre du Burkina qu’il s’est retrouvé être un des 26 membres (représentants des partis politiques, des communautés religieuses, des syndicats, de la société civile, etc.) de la Commission électorale nationale indépendante (CEN1) mise en place en juillet 1998 dans la perspective de la présidentielle du 15 novembre 1998. La CENI était alors chargée de "gérer et de conduire dans la transparence, l’équité et l’impartialité [les] élections". C’est Samuel Yaméogo qui avait été élu, à l’unanimité, président de la CENI.

C’est alors qu’il était en vacances à Ouagadougou chez son oncle, le pasteur Yaméogo, que Tertius Zongo va faire la connaissance de Priscille Yanogo, qui était alors en stage à l’ODE. C’était en 1979. Zongo était étudiant à Dakar. Les deux jeunes gens se retrouveront en 1980, lors des vacances suivantes, et se marieront en 1985. Zongo va obtenir une licence puis une maîtrise en économie et gestion des entreprises à Dakar, qu’il va compléter par un DESS en administration des entreprises obtenu dans le cadre de l’IAE de Nantes.

De retour au Burkina Faso, il débutera sa carrière dans le secteur entrepreneurial. Il sera secrétaire général de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat et directeur général de l’Office national des céréales. Il rejoindra, par la suite, le ministère de l’Economie et des Finances où il occupera les postes de directeur du département de la coopération multilatérale et de directeur général de la coopération internationale.

C’est le 11 juin 1995 que Tertius Zongo va faire son entrée au gouvernement. Il est nommé ministre délégué chargé du Budget et du Plan dans le gouvernement dont le premier ministre est Roch Kaboré (actuel président de l’Assemblée nationale) alors que le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan est Zéphirin Diabré (chairman Afrique et Moyen-Orient à la direction international et marketing de AREVA).

Zongo prend la suite de Tiraogo Célestin Tiendrébéogo qualifié "d’increvable ministre du Budget" puisqu’il l’était depuis le 31 octobre 1987 (formation du premier gouvernement du Front populaire). Tiendrébéogo, quand il quittera le gouvernement, sera nommé directeur général de la Sofitex.

Le 9 février 1996, alors que Roch Kaboré (nommé conseiller spécial à la présidence du Faso) vient de céder la primature à Kadré Désiré Ouédraogo (actuellement ambassadeur à Bruxelles), Zongo conserve ses attributions au sein du gouvernement (toujours sous la coupe de Diabré) mais se voit confier la charge de porte-parole du gouvernement.

Quand Diabré va quitter le gouvernement pour se voir confier la présidence du Conseil économique et social (pour quelques mois seulement, il rejoindra Harvard pour y travailler avec Jeffrey Sachs - cf. LDD Burkina Faso 094/Vendredi 2 décembre 2005), l’économie et les finances seront confiées au Premier ministre ; c’est à lui qu’est rattaché Zongo lors du remaniement du 3 septembre 1996 avec le titre de ministre délégué chargé des Finances et du Développement économique, le budget étant confié à un nouveau venu : Daouda Bayili.

Le 10 juin 1997, dans le troisième gouvernement formé par Kadré Désiré Ouédraogo. Tertius Zongo est projeté sur le devant de la scène : il est nommé ministre de l’Economie et des Finances, porte-parole du gouvernement. Il ne va pas avoir la tâche facile. Le Burkina Faso est entré dans les "quarantièmes rugissants" et, pire encore, les "cinquantièmes hurlants". Autrement dit les portes de l’Apocalypse. Le 15 novembre 1998, Compaoré a été élu à la présidentielle (boycottée par l’opposition) ; le 13 décembre 1998, le journaliste Norbert Zongo sera liquidé.

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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