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Le premier ministre Tertius Zongo considère le Burkina Faso comme un pays majeur politiquement, économiquement et socialement. Et entend le traiter comme tel.

Publié le mardi 22 mars 2011 à 01h37min

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« Pendant trop longtemps l’on a associé l’étiquette de « pays parmi les plus pauvres du monde » au Burkina Faso. Nombreux sont ceux qui continuent encore d’ailleurs à le faire aujourd’hui, souvent dans le but vertueux et généreux de susciter à l’égard de notre pays la compassion du monde. [Or] ses remarquables performances économiques, notamment au cours de la dernière décennie, en font sûrement un pays leader dans la dynamique du progrès africain ».

Il fallait que ce soit dit ; et Tertius Zongo, premier ministre du Burkina Faso, l’a affirmé clairement dans sa déclaration de politique générale prononcée devant l’Assemblée nationale le jeudi 17 mars 2011 (cf. LDD Burkina Faso 0244/Vendredi 18 mars 2011).

Il est vrai que dans les « années Sankara » il y avait beaucoup de complaisance « gouvernementale » à se positionner comme un pays pauvre peuplé d’hommes intègres. Près de trente ans plus tard, le Burkina Faso n’est pas beaucoup plus riche et n’a pas plus d’hommes intègres aujourd’hui qu’il n’en avait au temps de la « Révolution » ; mais il est incontestablement beaucoup moins pauvre. Et je ne cesse de dire qu’il vaut mieux être Burkinabè que Ivoirien ou Guinéen, deux pays parmi les mieux dotés par la nature, et que l’évolution du Burkina Faso est, au plan politique, économique, social et culturel, sans commune mesure avec celle de bien d’autres pays dont on a pourtant, par le passé, vanté les mérites démocratiques et les capacités intellectuelles.

La pauvreté est, ici, moins « misérable » que dans beaucoup d’autres pays africains ; même si la « fracture sociale » est de plus en plus visible entre les nantis et ceux qui triment toute la journée. Mais globalement, aucun observateur ne peut nier la formidable métamorphose du Burkina Faso au cours des dernières décennies ; étant entendu que les jours d’aujourd’hui sont aussi le résultat des jours d’hier, un premier aboutissement d’un processus cumulatif fait de progrès constants.

C’est d’ailleurs ce qu’exprimait la nomination de Zongo à la primature voici près de quatre ans : faire passer le Burkina Faso d’une étape à l’autre. De la « révolution démocratique » à la « révolution économique » ; même si l’une est encore imparfaite et l’autre encore problématique. Il y a eu d’abord des « politiques » pour faire le boulot ; puis ensuite des « politico-économistes » pour peaufiner les choses ; enfin un « économiste » pour franchir un nouveau stade : celui où l’on considère les Burkinabè comme des citoyens majeurs et où on les traite comme tels !

Zongo n’entend pas gérer la « pauvreté » du pays mais donner les moyens aux Burkinabè de vivre mieux afin de s’engager dans une évolution qualitative de la gouvernance générale du pays. C’est ce que l’on appelle « l’investissement humain » sans lequel tout autre investissement est consenti en pure perte (l’évolution de nombre de pays africains au cours des cinquante dernières années en est la meilleure expression) : renforcement des systèmes sanitaire et éducatif ; formation professionnelle ; solidarité nationale ; protection sociale ; développement de l’intelligence économique… Zongo a développé tout son programme en ces matières citant Derek Bok, ancien président de Harvard University : « Si vous croyez que l’éducation coûte cher à une société, essayez donc l’ignorance ». Ce serait, en fait, Abraham Lincoln, le président américain, qui se serait exprimé ainsi. Mais il n’est pas neutre que Tertius Zongo fasse référence à Derek Curtis Bok. D’abord, parce qu’il fêtera demain ses 81 ans (il est né le 22 mars 1930) ; ensuite, parce que ce juriste héritier d’une longue lignée de « personnalités » américaines est aussi celui qui a voulu que le bonheur soit un nouvel indicateur du développement (et nul ne peut nier que la majorité des Burkinabè sont heureux d’être… Burkinabè) ; enfin, parce qu’il a épousé la fille de l’économiste suédois Gunnar Myrdal qui pensait que l’économie était insuffisante pour expliquer les mécanismes complexes de l’évolution des sociétés et que je ne doute pas que Zongo le pense aussi.

Mais au-delà des mots, il y a les programmes d’action ; et pour Zongo cette action doit s’inscrire dans un cadre « moderne » et non pas dans celui d’un « sous-développement » accepté et quelque peu sublimé. « L’amélioration continue des conditions générales de travail et la recherche d’une plus grande flexibilité du marché du travail constituent les principaux piliers de la stratégie du gouvernement dans le domaine du travail, de la protection sociale ainsi que de la sécurité et de la santé au travail ». Un discours que pourrait tenir n’importe quel premier ministre français ; et qui ne manquerait pas de faire réagir les syndicats et les organisations professionnelles. A Ouaga, c’est la même chose ; c’est pourquoi Zongo ajoute aussitôt : 1 - une politique nationale de protection sociale va être élaborée et mise en œuvre ; 2 - le dialogue social va être renforcé avec la tenue des rencontres gouvernement-syndicats, la recherche d’une « communication permanente » entre le patronat et les syndicats, la tenue « régulière » de la commission mixte paritaire de négociation salariale dans le secteur privé. Zongo sait aussi (en tout cas, il le dit) que la modernisation de la société burkinabè va de paire avec la réforme de l’Etat. Il entend s’y « atteler » (c’est un mot-clé dans son discours, on le retrouve plus d’une dizaine de fois) ; reste à savoir qui, dans cette affaire, tire l’autre !

L’objectif pour le quinquennat en cours est une croissance annuelle à deux chiffres (10 %). Pour y parvenir, il faut impulser un nouvel état d’esprit dans le secteur productif et dans l’administration ; le reste est affaire d’éducation. Pas de révolution majeure ; simplement le culte de la performance. Ni capitalisme, ni socialisme, aucune « des postures idéologiques et intellectuelles caricaturales », pas d’enfermement « dans une enclave idéologique », rien que le « pragmatisme de l’expérience des pays à succès où l’Etat et le secteur privé se partagent les rôles et attributions et jouent chacun leur partition dans la grande symphonie du développement durable ». D’où la volonté du premier ministre de mettre l’accent sur « l’intelligence économique » qui est à la concurrence économique ce que les officines de renseignement sont aux relations entre Etats. « Veille économique et technologique, gestion de la propriété industrielle, protection des connaissances et sécurité économique, gestion et exploitation des connaissances et de l’information », telles sont les « compétences » que le gouvernement entend développer. Autre aspect innovant (pour ce qui est du Burkina Faso) de la politique gouvernementale : la mise en place de « zones économiques spéciales » qui seront « des espaces bénéficiant d’un régime juridique particulier qui les rend plus attractives pour les investisseurs tant nationaux qu’étrangers. Elles offriront des facilités aux entreprises qui s’y installeront ».

C’est dire que le chef du gouvernement ne manque pas d’ambitions pour son pays dont il est conscient que son évolution est remarquable. Il le dit lui-même : « Le Burkina Faso s’est imposé sur la scène africaine comme une nation indispensable ». Il entend que ce qui a été réalisé, en quelques décennies, dans le domaine des relations internationales, le Burkina Faso y parvienne, également, dans le domaine des relations économiques. Il a les hommes, les femmes et une jeunesse active et entreprenante pour cela. Reste à les convaincre que le gouvernement et l’administration font tout pour leur faciliter la tâche dans une conjoncture économique et sociale sous-régionale et internationale passablement délabrée et particulièrement fragile. Et que l’équité est aussi un souci des responsables politiques.

Jean-Pierre BEJOT
LA Dépêche Diplomatique

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