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Procès : les charges contre la Côte d’Ivoire et le Togo

Publié le samedi 17 avril 2004 à 09h24min

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Le col. Raphaël Logbo

Après l’audition des témoins, le tribunal militaire a procédé jeudi matin à la lecture des commissions rogatoires adressées à la Côte d’Ivoire et au Togo , et à la présentation des scellés effectués lors de l’enquête sur cette affaire de putsch. Il faut noter que les deux pays ont refusé de répondre favorablement aux requêtes burkinabè.

Avec le passage du général Kouamé Lougué mercredi vers 18 h 15 mn, la boucle était bouclée en ce qui concerne l’audition des témoins. Signalons néanmoins que certains témoins, tel Etienne Traoré, sont venus après toutes les auditions, mais le tribunal a jugé inutile de les entendre, car au moment où ils ont été appelés à la barre, ils étaient absents.

Hier donc, dans la matinée, le tribunal a procédé à la lecture des deux commissions rogatoires internationales adressées à la Côte d’Ivoire et au Togo.

En ce qui concerne la commission rogatoire que le juge d’instruction militaire, le commandant Francis Somda du cabinet n° 1, a adressée le 1er décembre 2003 aux autorités ivoiriennes, il y est écrit en substance que : des personnalités proches du président ivoirien Laurent Gbagbo ont eu des contacts avec Ouali et que des promesses de fournitures d’armes, de véhicules ont été faites.

En outre, le juge d’instruction Somda a demandé, dans cette commission, que les autorités judiciaires ivoiriennes identifient, interpellent et entendent les personnes suivantes :

- Mme Christine Gnamien, membre du FPI, employée à la Société Unilever, sur certains faits. Elle aurait notamment eu des contacts téléphoniques avec feu Moussa Kaboré dit Boza (1) les 13 et 16 novembre 2003, et aurait donné rendez-vous à l’intéressé au Niger. Elle avait un mot de passe avec les présumés putschistes, qui était :"Notre terrain sera retiré dans quelques instants, si nous n’obtenons pas d’investissement".

- Le colonel Léopold qui aurait reçu en audience le capitaine Ouali le 25 mai 2003 à Accra et qui aurait facilité le contact entre Ouali et l’aide de camp de Gbagbo, le nommé Logbo Raphaël.

- Le colonel D. Dépeud, attaché militaire à l’ambassade de Côte d’Ivoire au Burkina.

- Logbo Raphaël, à qui Ouali a téléphoné le 23 septembre 2003, ainsi que le 4 septembre 2003 et le 16 septembre aussi ; Il a aussi reçu Ouali dans un bureau de la présidence et lui aurait promis des armes et de l’argent ;

- Goram, l’émissaire de Logbo, qui aurait remis l’argent (70 millions) à Ouali.

En outre, le juge Francis Somda a demandé que les autorités ivoiriennes veuillent bien accepter que deux OPJ burkinabè puissent assister à toutes ces opérations. La Côte d’Ivoire répondra à cette commission rogatoire le 5 mars 2003 par une fin de non-recevoir en invoquant le fait que le pays n’a pas signé la convention AP de la CEDEAO datant de 1992 et relative à l’enquête judiciaire en matière criminelle.

Pour ce qui est de la commission rogatoire adressée le 1er décembre 2003 aux autorités togolaises, il y est écrit en substance que :

- Le commandant Banassam Bassan aurait reçu le capitaine Ouali à Lomé, en présence du sous-lieutenant de gendarmerie Bali et avec le commandant Yak, qu’il aurait remis son n° de téléphone (9 165 242) à Ouali, et qu’il lui aurait dit que le chef de l’Etat togolais prêtait serment et le recevrait en audience après ;

- le supérieur du commandant Bassam aurait reçu le 20 juin 2003 Ouali en compagnie d’autres miliaires, ainsi que le 22 juin 2003, et que Yak aurait rendu visite à Ouali à l’hôtel Liberté, et lui aurait remis une somme de 200 000 FCFA en précisant que c’est pour son billet-retour. En plus, Yak lui aurait donné son numéro de téléphone qui serait le 9 048 537, ainsi que son numéro de fax : 22 176 203.

- Le commandant Yak aurait aussi eu des entretiens avec Ouali, et aurait répercuté des informations de Ouali au président Gnassingbé Eyadéma. Ces informations fournies par Ouali faisaient état de la présence à Loumbila et à Pô de mercenaires, en entraînement pour déstabiliser le régime togolais ;

- que le 22 juin 2003, Ouali a logé à l’hôtel Tino, où il a reçu de nombreuses visites de militaires ci-dessus cités, et que le 4 août 2003, à l’ex-Assemblée nationale du Togo, le commandant Yak se serait entretenu avec Ouali ;

- le lieutenant Diabou avec le commandant Banassam Bassan auraient eu aussi des entretiens avec Ouali.

Le juge instructeur burkinabè a demandé tout comme pour la Côte d’Ivoire, que ces personnes soient identifiées, interpellées et entendues. En outre, il a souhaité que les autorités togolaises acceptent que deux OPJ puissent assister à toutes les opérations.

Les autorités judiciaires du Togo, par le biais du juge Dakwda Dilipé de la Cour d’appel de Lomé y ont répondu en disant qu’elles ne collaboreraient pas avec ce qu’elles ont appelé une juridiction d’exception, en l’occurrence le tribunal militaire, et ce, en invoquant aussi des textes de la CEDEAO en la matière.

Le président du tribunal militaire, Franck Compaoré, a, après la lecture des 2 commissions rogatoires, énuméré les objets saisis chez des accusés et témoins ; certains objets sont toujours sous scellés, d’autres ont été ouverts lors de l’instruction.

Ces objets sont : les 3 véhicules (Pick up, Toyota et Mitsubishi) ; 400 000 FCFA en coupures de 1 000 (saisie chez le pasteur Paré) ; le passeport de Ouali, les agendas 2001, 2002 et 2003 de Ouali, 3 millions saisis chez le commandant Pooda, une lettre en date du 8 septembre 2003 adressée à Logbo Raphaël par Ouali, un ensemble vestimentaire en cotonnade chez Ouali, un communiqué pris chez Bayoulou, un carnet CNE de Bako Baliboué, 200 000 FCFA chez le caporal Bassolet, 290 500 FCFA chez Kambou Jean-Claude, un relevé de compte caisse populaire de Pô chez Minoungou Philippe, une enveloppe kaki contenant 25 000 FCFA chez Onadja Angaridi, un scellé ouvert contenant 1 900 000 FCFA saisi sur le compte de Philippe Minoungou, un pli fermé de 100 000 FCFA saisi chez Yaro, un scellé fermé contenant la bande de tissu ayant servi à Moussa Kaboré dit "Boza" pour se pendre, un scellé du drap de Boza, un cellulaire de Minoungou.

Outre ces pièces, il y avait 13 cassettes audio qui ont servi de support aux auditions du juge d’instruction.

« Le capitaine Ouali peut être poursuivi pour trahison »

Le commissaire du gouvernement a ensuite fait des observations sur les deux commissions rogatoires internationales restées sans suite. S’appuyant sur la réponse du juge togolais, Abdoulaye Barry a déclaré que « Pour nous, le capitaine Ouali peut être poursuivi pour trahison ».

Concernant la Côte d’Ivoire, le représentant du ministère public a affirmé que ce pays a bel et bien, de la main d’Houphouët Boigny, signé en 1992 à Dakar la Convention AP relative à l’entraide judiciaire en matière pénale. Et de rappeler que l’article 38 de ladite convention stipule qu’elle entre provisoirement en vigueur dès sa signature par les chefs d’Etat et définitivement dès que sept Etats l’auront ratifiée.

Selon des informations recueillies auprès de notre ministère des Affaires étrangères, cette convention est « entrée en vigueur en 1998 ». De ce fait, Abdoulaye Barry a soutenu que « La Côte d’Ivoire est mal venue pour nous parler des textes, car depuis 1998, la convention est entrée en vigueur dans l’espace CEDEAO ». Pour lui, les raisons de leur refus sont à chercher ailleurs. Il a déclaré qu’il comprenait, même s’il le regrette, que « Le contexte politique entre d’une part la Côte d’Ivoire et le Burkina, et d’autre part entre le Burkina et le Togo n’ait pas permis l’exécution de ces commissions rogatoires ».

Avec L’Observateur

(1) Alors détenu à la gendarmerie, l’intéressé se serait pendu dans sa cellule à l’aide d’un morceau de son pantalon le 8 octobre 2003

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