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Sergent Babou Naon : "C’est Diendéré qui a dit d’enfoncer Lougué"

Publié le mercredi 21 avril 2004 à 19h09min

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Ainsi que nous l’avons déjà rapporté dans notre livraison du lundi 19 avril courant, à la fin des plaidoiries et avant de se retirer pour délibérer, le tribunal a souhaité entendre les inculpés pour une dernière fois. Retour sur certains aspects de ces déclarations qui ne manquent pas d’intérêt.

A tout seigneur tout honneur, c’est le capitaine Ouali, cerveau présumé du putsch, qui a été le premier à s’exprimer. C’est un officier tout à son aise qui a tenu à dire ses dernières vérités à la cour. Il est revenu sur les brimades, les frustrations et les humiliations dont il a été victime durant sa vie de militaire à cause d’un système, "la compaorose". Ouali est convaincu que tant que ce mal persistera, le Burkina ne connaîtra jamais le développement et la paix entre ses fils. C’est pour cela qu’il voulait débarrasser le Faso de ce mal, et il ne comprend pas qu’on lui en veuille pour cela.

Le capitaine se dit patriote, "sinon, quand j’ai pris mes 50 millions, je pouvais me casser et aller vivre paisiblement ailleurs avec. Mais non, je suis resté parce que j’aime mon pays". On pourra penser tout ce qu’on veut de Ouali, mais cet homme assume pleinement ses responsabilités. Quand la gendarmerie a commencé à faire des arrestations, il n’a pas cherché à fuir. En effet, a-t-il confié à la cour, "Quand on a arrêté le caporal Bassana, j’en ai été informé. Aucun prestidigitateur ne pouvait me convaincre qu’on n’allait pas me mettre moi aussi aux arrêts. J’en étais convaincu, mais voyez- vous, je n’ai pas fui !".

Le dossier a été grossi

A l’opposé de Ouali, le capitaine Bayoulou Boulédié a été bref, et a surtout profité de ce temps de parole pour se disculper. Il a fait au tribunal la chronologie des faits et déclaré que "Chaque fois qu’on allait prendre un pot ou manger du tô, ou que je déposais à Ouaga Zalla et Konfé, on a dit qu’on était en train de préparer un coup d’Etat".

Le commandant Pooda Siéou Bernardin a, quant à lui, introduit son intervention par des considérations d’ordre philosophique sur le bien, la justice. Il est persuadé que "L’histoire, tôt ou tard, nous jugera" et que "La justice élève une nation, lui apporte la paix, la cohésion sociale tout en excluant l’exclusion et en bannissant la marginalisation". C’est pourquoi il a appelé ses concitoyens à œuvrer de sorte que cette justice vienne et qu’elle soit la même pour tous.

Le commandant a déploré le fait que délibérément, le dossier a été grossi, ce qui aurait fait qu’aujourd’hui "On se retrouve devant vous".

Avant de conclure, Pooda a demandé au tribunal de délibérer sereinement et que "votre décision n’aille pas dans le sens de ceux qui machinent contre moi, mais bien dans le sens de la justice". Il doit avoir été (en partie) entendu puisque samedi il s’en est tiré avec 16 mois de prison avec sursis. Norbert Michel Tiendrébéogo, le leader du Front des forces sociales (FFS), a, pour sa part, fait observer la sévérité du réquisitoire du commissaire du gouvernement à son endroit.

Cependant, s’adressant au tribunal, il a dit :"J’ai confiance en votre justice". Norbert a déclaré qu’il peut assumer le fait qu’il connaît les capitaines Ouali et Bayoulou et de les avoir présentés l’un à l’autre.

C’est tout. Il a regretté qu’il n’y ait pas eu de confrontation entre lui et Naon, entre lui et Bayoulou et enfin entre lui et Ouali. Norbert a dit ne rien y comprendre, car "Si c’est le complot de 2001, l’adjudant Dioma a bien dit que je n’étais au courant de rien". Et de se demander alors pourquoi son arrestation quand on sait que depuis 2001-2002 il n’a revu ni Naon, ni Ouali ni Bayoulou. Mais il croit savoir un peu pourquoi, car, a-t-il dit, "De tous les délégués CDR, je suis le seul à ne pas être du parti au pouvoir. Jugez-en. On fait tout pour me faire petit.

On a dit que j’étais titulaire d’un DUT option finances, c’est vrai, mais on a oublié de vous dire que j’ai aussi un DESS". Le président du FFS a prévenu le tribunal : "Si vous m’acquittez, des meetings seront organisés, et on va donner les noms de tous ceux qui machinent contre moi".

L’intervention de Norbert a été pathétique lorsqu’il a dit : "Si le 30 de ce mois je ne reprends pas service, je serai chômeur après plus de 20 ans de service". Sankariste, il a conclu son mot par un "La patrie ou la mort, nous vaincrons". Au finish, on le sait, il a été acquitté, et on piaffe d’impatience de connaître les noms de ceux qui ont ourdi contre lui la cabale dont il parle.

Tel Jésus sur la croix

Le pasteur Paré Pascal Israël, tout détendu, a plutôt opté pour le pardon, le pardon accordé à tous ceux qui l’ont impliqué dans cette affaire de putsch et contribué ainsi à l’humilier. Il ne pouvait en être autrement quand on sait que sur la croix, "Jésus Christ n’a pas maudit ses bourreaux. Il a dit : <>". C’est après ce pardon public qu’Israël a présenté ses excuses aux autorités du Burkina Faso. En rappel, le pasteur, dont les prières doivent avoir été exaucées, a écopé de 2 ans de prison avec sursis. L’inénarrable sergent Naon Babou, lui, a choisi de focaliser son intervention sur le colonel Gilbert Diendéré, le chef d’état-major particulier du président du Faso.

Selon Naon, "Diendéré fait de tout temps des montages, mais un jour, le dernier montage sera contre lui. Il a fait endurer trop de choses aux gens au Conseil". Devant le tribunal, Naon a soutenu n’avoir jamais vu le général Lougué depuis 1999. Pour le sergent, "C’est lorsque Diendéré a amené Bayoulou au Conseil qu’il lui a dit d’impliquer le général dans cette affaire de putsch". Et Naon de s’insurger contre cela, car "Tout le monde sait qu’en 1999, c’est le général Lougué qui a sauvé le régime de Blaise Compaoré quand les militaires étaient sortis pour manifester. Voilà maintenant comment il est récompensé. Il a été limogé du gouvernement alors qu’il n’avait rien à voir dans ce putsch".

Naon a fait un stop en 1989 lorsque les n°2 et n°3 (le capitaine Henri Zongo et le commandant Boukary Jean-Baptiste Lingani) du régime de Blaise ont été passés aux armes après avoir été reconnus coupables de complot contre le pouvoir. On s’attendait à ce qu’il nous en dise plus, mais il n’en sera rien. "Si j’entre dans les détails, ce sera difficile pour le colonel et d’autres personnes". En outre, Diendéré, selon le sergent, est le seul qui a profité de l’expédition libérienne.

Visiblement à l’aise, il a déclaré ne pas comprendre que cette affaire ait juste au moment où la presse disait que l’adjudant Hacynthe Kafando allait reprendre son poste à la présidence, mais voilà qu’on est en train d’arrêter tous ceux qui ont travaillé avec lui.

Pour terminer, Naon qui devait se douter, en passant sous les fourches caudines de la justice militaire, qu’il n’échapperait pas, a dit ne pas avoir peur de la prison, car "Personne n’y sera plus libre que moi Naon. J’ai la conscience tranquille et je ne serai pas gêné de faire la prison". Diendéré n’aura pas vraiment été épargné tout au long de ces dix jours de procès par "le sergent qui peut faire sauter la république" et dans certains milieux, d’aucuns se posent de plus en plus de questions sur son avenir vu que tout se passe comme si cette histoire avait été montée pour noyer Golf.

J’ai arrêté de boire et de fumer

Le commandant Kambou Sié Rémi a d’abord fait observer que le réquisitoire du commissaire du gouvernement lui est favorable, mais que le juge n’avait pas encore dit son dernier mot. Cet officier, il faut le souligner, a pris le train de la tentative de putsch en marche, puisqu’il était en formation à Bamako, si bien qu’il n’a fait que trois mois comme détenu à la gendarmerie. "Si j’avais été arrêté comme les autres en octobre, il n’y aurait pas eu seulement un suicidé à la gendarmerie. Un jour, Ouali a voulu voir le chef de poste. Le jeune gendarme qui le surveillait est allé vers son chef et a dit : chef, il y a un bagnard qui veut te voir. Ce jour-là, j’ai pleuré comme un enfant dans un coin de ma cellule. J’ai commandé une unité avant d’être arrêté, mais les jeunes sous mes ordres sont corrects et respectueux à l’opposé de ce gendarme d’à peine 23 ans".

Le commandant Kambou a dit ne pas en vouloir au juge d’instruction même si ce dernier à tout fait "pour que je sois exclu de l’école où j’étais en formation à Bamako. Si c’était le juge Somda qui devait fixer la date de ce procès, il allait faire en sorte que ma femme accouche pendant ma détention, car je lui avais dit que ma femme attendait".

Kambou a déploré le fait que les civils, Norbert et le pasteur, recevaient beaucoup de visites tandis que "Nous les militaires, on nous rendait visite rarement". Il a alors appelé ses frères d’armes à plus de solidarité en pareille situation. Lors de sa détention, tout n’a pas été négatif. En effet, a-t-il-dit, "J’ai cessé de boire et de fumer. Pour cela je dis merci au juge d’instruction". Reste à savoir si après son acquittement, le chef de bataillon pourra reprendre sa formation au Mali.

Le sergent-chef Bako Baliboué a réfuté certaines parties de la reconstitution des faits. Il a déclaré que le conseil et la présidence sont inattaquables surtout un mercredi quand il y a conseil des ministres, car les postes militaires sont renforcés en hommes et en matériel.

"C’est pas possible, c’est pas possible" , a-t-il martelé en ancien du RSP avant d’ajouter à l’endroit des non-initiés et des militaires qui l’auraient oublié que "S’il y a attaque il y a contre attaque" , et ils n’auraient pas eu l’appui logistique et humain nécessaire pour résister.

"Sauf à être kamikaze pour s’entourer d’une bombe et venir exploser comme on le voit au Proche-Orient".

Selon le sous-officier, on surestime d’ailleurs ses capacités, car s’il s’y connaît effectivement en DCA (Défense contre avion), il faut être au moins trois pour manier cette arme.

Pour Bako, dans cette affaire on ne peut pas parler de coup d’Etat. En conséquence, "Vous devez nous libérer. Je sais que le président du tribunal est d’accord, que les juges assesseurs sont d’accord,que le commissaire du gouvernement est d’accord et que le public qui suit ce procès est d’accord, que tout le peuple est d’accord. Libérez-nous". Etant diacre dans l’église du pasteur Paré, le sergent-chef Bako a souhaité au tribunal "Que Dieu soit avec vous lors des délibérations. Amen !". Prière entendu dans la mesure où il a pris 16 mois avec sursis.

Le sergent Kambou Jean Claude, qui sera acquitté quelques heures plus tard, a estimé avoir tiré assez de leçons en prison, mais il ne compte plus y retourner "si jamais la justice est dite".

De son côté, le caporal Bassolet Bassana, qui allait écoper de cinq ans de prison ferme, a pleuré sur le sort de ses enfants. "Quand je pense à eux, je pleure. Si mes enfants étaient des filles, je serais moins triste parce qu’elles peuvent avoir des maris, mais mes trois enfants sont tous des garçons".

Les sergents-chefs Zalla Souleymane et Konfé Abdoulaye ainsi que le soldat de 1re classe Onadja Adjima ont refusé de s’exprimer, préférant se contenter de ce que leurs conseils ont dit.

San Evariste Barro
L’Observateur

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