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Sounkalo DJIBO, chercheur en ergonomie

Publié le lundi 20 février 2006 à 07h20min

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Sounkalo DJIBO est burkinabé et réside en France depuis bientôt 13 ans. Après des études en psychologie, il mène actuellement des activités professionnelles notamment en tant que chargé de recherche en ergonomie, chargé d’enseignement en psychologie du travail et est impliqué dans des activités associatives.

Quel a été votre parcours scolaire depuis votre arrivée en France ?

SD : Je fais partie de la dernière vague des étudiants burkinabé -environ une soixantaine- envoyée en France par l’Etat burkinabé en 1990 en vue de poursuivre un second cycle d’études en psychologie. Depuis cette date en effet, nos cadets ont été orientés vers Lomé et Abidjan pour achever leur formation. Au bout de deux ans, période correspondant à l’année de Maîtrise, la bourse d’étude a pris fin.

Nombre d’entre nous ont préféré rentrer compte tenu des conditions draconiennes que pouvait rencontrer un étudiant non boursier. En effet, une telle situation a été la donnée quotidienne pour ceux qui sont restés dans la perspective de décrocher un DESS ou DEA en psychologie. Ce qui n’était pas négligeable dans le contexte du travail au pays où la consultation en ressources humaines a connu un essor considérable.

Pour ma part, j’ai choisi de faire un DEA, dans la perspective de suivre une formation doctorale. Pour cela, j’ai suivi l’ensemble de mon cursus universitaire à l’Université d’Amiens. Compte tenu de la proximité de cette ville avec Paris, je me suis installé sur la région parisienne pour pouvoir travailler en vue de financer la rédaction de ma thèse. Parallèlement à cette entreprise, j’ai pu décrocher un Magistère d’ergonomie au CNAM à Paris.

Sur quoi porte votre travail de thèse et quel a été l’impact d’une telle recherche ?

SD : Ma thèse a porté sur la « réactivité cognitive » des opérateurs dans un contexte de prévision météorologique. Ce travail se base sur le présupposé théorique selon lequel, certaines tâches réelles complexes (par exemple conduire une voiture ou travailler dans une centrale nucléaire) impliquent la mise en œuvre conjointe de connaissances déclaratives et procédurales pour raisonner sur des informations nombreuses et variées, pour produire en temps limité, une solution fiable.

D’un point de vue cognitif, il s’agit alors de saisir et de rendre compte de la complexité du processus interactif qui aboutit ou qui échoue à trouver une solution adaptée à la demande. Dans cette perspective, la problématique est centrée sur le niveau et le mode de sollicitation des fonctions cognitives devant être mise en œuvre pour résoudre le problème. La réactivité cognitive décrit un tel processus et définit « la manière dont un opérateur sollicite de façon satisfaisante l’ensemble de ses fonctions psychologiques et cognitives nécessaires à l’exécution correcte de sa tâche ».

A travers une situation concrète de travail, notamment la météorologie, ce concept est mis à l’épreuve avec pour objectifs, d’identifier la nature des activités exécutées par les opérateurs et la dimension cognitive de ces activités. D’un point de vue ergonomique, il s’agissait de voir leur impact sur l’organisation du travail des opérateurs, afin de proposer des préconisations concernant la relation avec la clientèle (entreprises de travaux publics, agriculteurs, etc.) et le public, grands consommateurs des informations météo.

Il ressort de votre présentation que vous menez plusieurs activités professionnelles en parallèle. Pouvez-vous être plus explicite et nous dire comment vous arrivez à concilier tout ça à la fois ?

SD : Je suis actuellement chargé d’une mission de recherche à la RATP au Département « Gestion des Innovations Sociales », en tant qu’ergonome. Elle consiste à évaluer les facteurs de charge mentale dans les Postes de Commandes Centralisées (PCC), en vue de proposer des recommandations pour la conception des futurs postes de travail. Ce type d’installation exige des opérateurs de plus en plus d’aptitudes cognitives. Dans ce contexte, savoir le poids de la charge qui revient à l’humain et au système qu’il contrôle apparaît comme un enjeu capital pour l’entreprise.

De cette manière, l’entreprise peut maîtriser les coûts de construction, de production et les conséquences en terme d’organisation et de conditions de travail. Pour la RATP, la prolongation de ligne automatique (N°14) et la future automatisation de la ligne 1 s’inscrivent dans cette problématique. Cette occupation me prend 3/5ème de temps. Le reste de la semaine est consacré à d’autres activités comme l’enseignement et une mission de conseil en tant que psychologue dans une fédération d’associations, spécialisée dans l’aide au logement aux plus démunis en Seine-Saint-Denis (Interlogement 93). Cette structure sociale est pilotée par la DDASS (Direction des Affaires Sanitaires et Sociales) et agit comme intermédiaire entre les bailleurs, c’est-à-dire les organismes qui se portent garants pour la location d’un logement et les personnes à revenu limité et les personnes sans abri (numéro d’urgence 115).

Dans ce contexte, mon travail consiste à écouter et orienter les intéressés vers les services compétents, en vue d’instruire leur dossier si celui-ci tient la route. L’activité d’enseignement se passe à l’Université d’Amiens où depuis 1998, je fais partie du laboratoire ECCHAT (Efficience Cognitive dans les Conduites Humaines d’Apprentissage et de Travail).

La mission que je mène actuellement à la RATP fait partie du cahier des charges de ce laboratoire. C’est donc un contrat Post-doctoral. Dans ce contexte universitaire, j’ai pu être tour à tour ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche), vacataire chargé de travaux dirigés et aujourd’hui, chercheur associé. Je donne des cours de Chronopsychologie (étude des rythmes psychologiques) et de psychologie du travail.

Enfin, de temps de temps, je fais de la consultation en tant que psychologue, pour le compte du cabinet de recrutement parisien Africsearch, (www.africsearch.com ) partenaire privilégié de Ibconsulting (www.ibcconseil.com ) au Burkina. Dans ce contexte, j’ai pu participer à deux campagnes de recrutement de cadres africains pour le compte d’une banque au Congo Brazzaville et au Cameroun.

Qu’est-ce que l’ergonomie et en quoi peut-elle concerner nos pays africains ?

SD : L’ergonomie est une discipline pouvant être qualifiée de technologie, dans la mesure où elle a pour objectif de proposer des recommandations en vue de transformer le travail. Elle accompagne la conduite des projets de conception depuis sa phase d’étude jusqu’à sa réalisation, en apportant à chaque étape des éléments de réponse. Elle procède pour ce faire par l’analyse de l’activité et c’est en cela qu’elle s’identifie à la psychologie du travail.

A la base de l’intervention ergonomique il y a toujours une demande. Le rôle de l’ergonome c’est d’abord d’analyser cette demande afin de situer les enjeux du projet autrement dit les conditions de sa réalisation.

Les dix dernières années ont vu le développement des ressources humaines et leur impact sur le management des hommes dans les entreprises en Afrique. Faisons le pari qu’il en sera de même pour l’ergonomie. En effet, plusieurs secteurs de l’activé humaine peuvent bénéficier de ses apports : le milieu hospitalier par l’évaluation des conditions d’hygiène et de sécurité ; la formation par la prise en compte des dimensions cognitives des individus ; les technologies de l’information par l’assistance à la conception des logiciels ; les entreprises de production par la prise en compte des normes ; et même l’agriculture par la transformation et l’adaptation des outils (machines, tracteurs, etc.).

Pour l’Afrique, ce sont des secteurs clefs du développement. Dans le concert des nations, l’Afrique dépend énormément de l’extérieur sur le plan des technologies qui conditionnent la réalisation du travail. Le transfert de ces technologies constitue un domaine de compétences pour lequel l’ergonomie peut contribuer, notamment en prenant en compte les spécificités locales en phase de conception.

Quels sont vos projets actuels ?

SD : Sur le plan universitaire je suis en phase de qualification aux fonctions de Maître de Conférences en psychologie du travail. S’agissant de la recherche, je m’intéresse également à la problématique du stress cognitif au travail, l’évaluation des risques au travail et la conduite de projets. Par ailleurs, je travaille sur un projet de conception d’un test maison pour le compte du cabinet Africsearch. L’idée, c’est de créer un test qui cadre avec les réalités sociales et culturelles de nos pays, étant donné que les tests sur le marché en Afrique ne sont que des réchauffés des tests administrés en France.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler à l’étranger ?

SD : Je n’ai pas volontairement voulu rester à l’étranger une fois mes études achevées. Cela est dû à la nature de mes études, ayant porté le plus souvent sur des "situations dynamiques" telles que la météorologie, la régulation, etc. J’ai profité des opportunités qui se sont présentées ici. Je garde toujours le contact avec le pays dans la perspective d’y retourner pour mieux monnayer mes connaissances dans ce domaine, dès que possible.

Quel temps vous reste t-il pour vos activités associatives ?

SD : Vraiment, pas beaucoup. Je suis militant dans le mouvement burkinabé des droits de l’homme, section française (MBDHP/SF) et reste tout aussi actif dans la commission Afrique de la Société d’Ergonomie de Langue Française (SELF) qui aura son prochain congrès en septembre 2004 à Genève. Dans ce contexte, nos interrogations portent sur les conditions de travail, les formes de travail proposées et l’impact des ONG par exemple sur le développement du continent africain.

Le mot de la fin ?

SD : Je profite de cette occasion qui m’est offerte pour féliciter "Burkinabédumonde" (BDM) pour une telle initiative qui est novatrice et contribue d’une certaine façon à maintenir le lien entre les burkinabé de part le monde. Je suis disponible pour nos cadets pour toute recherche d’information concernant les universités françaises, mais aussi les études en psychologie et en ergonomie. Mon contact est le suivant : sounkalo.djibo@u-picardie.fr . Courage et bon vent à "Burkinabédumonde".

Réalisé par « Burkinabè du Monde ».

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Vos commentaires

  • Le 20 février 2006 à 20:54 En réponse à : > Sounkalo DJIBO, chercheur en ergonomie

    Bravo Soungalo pour l’ensemble de tes oeuvres et de ton parcours. Kéré, Nancy

    • Le 20 février 2006 à 21:49 En réponse à : > Sounkalo DJIBO, chercheur en ergonomie

      Salut Kéré et merci pour ces encouragements. C’est avec intérêt que je t’ai lu également sur le même portail lefaso.net, en parallè d’ailleurs avec le parcours de notre mai Tikou. Je te recontacte via ta messagérie perso. Amicalement.

  • Le 23 juillet 2007 à 17:22, par N’DOUA K. Désiré En réponse à : > Sounkalo DJIBO, chercheur en ergonomie

    Je me nomme N’DOUA Désiré, je suis Ivoirien et titulaire d’un DEA en Psychologie. J’ai apprécié l’article sur M. DJIBO et je souhaite entrer en contact avec lui car je suis très interessé par la Psychologie du travail et précisement lergonomie. Je veux même faire une thèse dans cette spécialisation et souhaite ses conseils et encadrement. Le problème en Côte d’Ivoire et pour l’heure, est que cettte filière de 3e cycle de Psychologie du travail ou en Ergonomie n’est pas encore ouverte. Et je suis en poste au BNETD ou j’occupe le poste de Chargé de recrutement. Mes contacts sont les suivants : ndouakdesire@yahoo.fr ou 04 bp 945 abidjan 04 (BNETD) ou 08 bp 1117 abidjan 08 (personnel). J’espère avoir une réponse très bientot. Merci

  • Le 28 août 2007 à 18:00, par biang frank En réponse à : > Sounkalo DJIBO, chercheur en ergonomie

    bonjour ,
    je m’appelle biang frank et je viens de tomber sur l’interview de M Sounkalo DJIBO.Ses propos m’ont tout de suite interessé dans la mesure où je voudrai justement faire un troisième en ergonomie.Mais ma préoccupation est celle de savoir si avec les notions d’ergonomie que j’ai eues dans ma formation de conseiller d’orientation peuvent me permettre de suivre une formation de ce niveau, j’ai en fait une maitrise en droit des affaires.
    Merci

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