LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Esther Tarbangdo : Une artiste qui danse avec le cœur pour un monde meilleur

Publié le vendredi 8 mars 2024 à 17h26min

PARTAGER :                          
Esther Tarbangdo : Une artiste qui danse avec le cœur pour un monde meilleur

Derrière son talent artistique, se cache un parcours difficile marqué d’épreuves dès son jeune âge. Cependant, sa force intérieure et sa ferme volonté de trouver le chemin de sa destinée l’ont conduite vers la danse et la lutte contre les violences faites aux femmes. Aujourd’hui, Esther Tarbangdo est à la fois chorégraphe et directrice artistique de la compagnie « Réflexion du corps », une troupe renommée pour sa fusion innovante de mouvements traditionnels et contemporains. Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale des droits des femmes, célébrée au Burkina Faso sous le thème « Promotion de l’entreprenariat communautaire : quelle contribution des femmes ? », ce vendredi 8 mars 2024, nous vous proposons le portrait de cette femme battante.

Esther Tarbangdo incarne une symphonie d’émotions et de puissance à chaque mouvement qu’elle exécute. Sa taille moyenne et sa silhouette élégante lui confèrent une présence remarquable. Son teint noir, profondément enraciné dans sa culture, rayonne d’une beauté authentique. Ses dreadlocks, tressées avec soin, encadrent son visage et témoignent de sa connexion profonde avec ses origines et son héritage. Chaque mouvement qu’elle fait semble amplifié par l’énergie de ses cheveux, ajoutant une dimension supplémentaire à sa présence scénique captivante.

Son visage, marqué par les épreuves de sa jeunesse, révèle la profondeur de son vécu, mais aussi la résilience qui l’anime. Chacune de ses gestuelles raconte une histoire de lutte et de détermination, transcendant les frontières du corps pour exprimer l’âme d’une guerrière. Malgré les obstacles semés sur son chemin, Esther a su transformer ses douleurs en source d’inspiration, créant ainsi un langage corporel empreint de grâce et de force. Sa danse est un hymne à la vie, une célébration de la beauté née de la souffrance, et un témoignage vibrant de sa victoire sur l’adversité.

Les péripéties

En effet, dans des circonstances difficiles de son enfance, Esther Tarbangdo a façonné un avenir lumineux. Née le 31 décembre 1990 à Ouagadougou, Esther est issue d’une fratrie de neuf enfants. Ses parents, à l’instar de millions de Burkinabè, ont fait le choix de vivre sur les terres de la lagune Ébrié. Cependant, son parcours a été parsemé d’épreuves dès son jeune âge. Séparée de ses parents depuis la Côte d’Ivoire pour rejoindre sa tante au Burkina Faso, dans le cadre de ses études, Esther sera confrontée à des défis considérables.

« Mon père était violent envers ma mère. Il m’a confessé avant son décès qu’il reconnaissait son tort », confie Esther Tarbangdo.

Au lieu de suivre une scolarité régulière comme la plupart de ses camarades, elle a souvent été contrainte de jouer le rôle de baby-sitter pour permettre à sa tante, enseignante de profession, de se rendre au travail. Cette responsabilité familiale précoce a profondément perturbé sa scolarité, interrompant même son cursus dès les premières années.

« Malgré les difficultés rencontrées dans mes études, j’ai pu garder les notions de la lecture qui m’ont aidée par la suite. J’ai refusé de m’apitoyer sur mon sort et de mendier. J’ai dû alors travailler comme aide-ménagère, mais aussi vendre des articles pour subvenir à mes besoins », confie la chorégraphe.

La découverte d’une vocation

Cherchant ainsi ses repères, Esther s’est retrouvée dans la danse. « J’étais un peu perdue, tant sur le plan familial que sur plan professionnel. Il y avait beaucoup de choses que je questionnais à l’époque, me demandant comment fonctionnait le monde. Et quand je suis venue dans la danse, j’ai trouvé l’amour », a-t-elle affirmé depuis le Centre de développement chorégraphique de Ouagadougou, où nous l’avons rencontrée.

Esther raconte avoir été fascinée par cette autre manière de véhiculer des messages, trouvant dans le sens des mouvements une forme d’expression intime et libératrice. C’est ainsi qu’elle a vite opéré son choix entre le théâtre et la danse contemporaine, durant son apprentissage dans les locaux de l’Atelier théâtre burkinabè (ATB) en 2009. « Après le théâtre, j’ai décidé de faire la danse contemporaine parce qu’elle me parlait plus que le théâtre. Au regard de ce que j’ai vécu et de là où je voulais aller, j’ai préféré cette discipline qui me permettait de m’exprimer sans dire un mot », soutient-elle.

Esther danse toujours avec autant d’énergie.

Cette passion l’a conduite à étudier dans ses profondeurs ce qu’est devenue sa vocation, découvrant la magie de pouvoir transmettre toutes sortes de vibrations et d’émotions, rien qu’à travers l’expression de son corps. C’est ainsi qu’elle se forme dans diverses institutions dont l’École des Sables, affinant son art et développant un style unique qui mêle les rythmes envoûtants de l’Afrique à des techniques contemporaines. Parmi ses créations, Esther se fait le plaisir de nous parler de ses premiers chefs-d’œuvre.

« Ma première pièce s’intitule “La folle’’. J’ai par la suite co-chorégraphié l’œuvre “La place de l’autre’’. Cette œuvre a consisté à montrer la tendance des gens à convoiter la vie des autres, sans pour autant chercher à comprendre par quoi ces derniers sont passés pour être à la position qu’ils occupent », a-t-elle expliqué.

Esther a également participé à 19 spectacles d’improvisation de danse contemporaine africaine dans différents lieux de Copenhague, au Danemark. C’est à cet endroit, à des millions de kilomètres de sa mère-patrie, qu’elle rencontre son âme-sœur.

L’apparition de l’amour

L’histoire d’amour entre Esther, la talentueuse chorégraphe burkinabè, et le photographe danois atypique Gether Niels est un récit de transformation et de connexion profonde, qu’ils partagent avec nous. Avant leur rencontre, le photographe avait lutté sans succès contre l’addiction à l’alcool. Cependant, le destin les a réunis, et dès le moment où leurs regards se sont croisés, une évidence s’est imposée : Esther correspondait parfaitement à sa personnalité.

« C’est bien d’aspirer au foyer, mais il est mieux d’y entrer avec l’esprit d’entreprendre quelque chose », message d’Esther Tarbangdo, à l’occasion du 8-Mars.

Lors de leur première rencontre au Danemark en 2014, l’extrême générosité d’Esther a profondément marqué cet homme atypique. En voyant Esther donner sans compter, partager son amour et sa compassion avec ceux qui l’entourent, il a été touché par sa sincérité et sa bonté désintéressée. Cette générosité débordante a résonné en lui, faisant naître un profond respect et une admiration pour Esther.
Leur amour a été un catalyseur de changement, inspirant le photographe à construire un avenir radieux avec elle. Leur belle union a donné naissance à une magnifique fille, symbole tangible du fruit de leur amour et de leur engagement l’un envers l’autre. Ensemble, ils chérissent chaque moment précieux avec leur enfant.

« Le premier défaut d’Esther, c’est qu’elle travaille sans cesse ; le second, c’est son extrême générosité », Gether Niels, époux d’Esther.

Une contribution à l’émancipation de la femme

Aujourd’hui directrice artistique de la compagnie « Réflexion du corps » et de l’association Nonglom-Kuuni, Esther Tarbangdo a su créer un espace où la danse devient un moyen de sensibilisation et d’émancipation. Ses chorégraphies captivantes explorent les thèmes de l’identité, de la résilience et de l’autonomisation, offrant une plateforme aux voix souvent marginalisées, en particulier celles des femmes.

Mais c’est son engagement inébranlable dans la lutte contre les violences faites aux femmes depuis 2017, qui définit véritablement Esther Tarbangdo en tant qu’artiste, femme et mère, soucieuse du bien-être de ses semblables. Une mission dans laquelle s’est pleinement investie Esther, à travers son projet intitulé « Parole de cœur et du corps ». Cela, après avoir personnellement vécu les scènes de violences de ses parents.

Les femmes encadrées par l’association d’Esther Tarbangdo.

Une expérience qu’elle dit partager avec beaucoup de familles qui vivent cette triste réalité dans le silence. Consciente des réalités difficiles auxquelles sont confrontées de nombreuses femmes, en particulier dans son pays natal, marqué par une crise sécuritaire et humanitaire, Esther utilise la danse comme un outil de sensibilisation et de plaidoyer. Ses spectacles ne se contentent pas d’émouvoir et d’émerveiller, mais ils suscitent également des conversations importantes sur des questions sociales cruciales.

Esther Tarbangdo incarne si bien le thème national retenu cette année à l’occasion de la célébration du 8-Mars, qui promeut la contribution des femmes à l’entreprenariat communautaire. « Il faut que les femmes se réorganisent. Certes, il y a des femmes qui rêvent et d’autres qui ne rêvent pas. Mais notre lutte, c’est d’être ensemble et savoir où est-ce qu’on veut aller. Il y a des femmes qui passent tout leur temps à se faire belle. Pourtant les ressources financières qu’elles ont peuvent servir à développer des initiatives pour celles qui n’ont pas de boulot », a-t-elle exhorté.

« C’est la joie totale quand nous nous retrouvons pour danser. Cela nous permet d’oublier un moment nos soucis », témoigne Salimata Alexia Simporé, membre de l’association Nonglom-Kuuni.

En effet, à travers son art et son engagement, Esther inspire les femmes de sa communauté à prendre leur place dans le monde de l’entrepreneuriat. En tant que chorégraphe renommée, Esther a créé des opportunités pour les femmes de sa communauté en les formant à la danse et en les encourageant à développer leurs propres talents artistiques. Elle a mis en place des programmes de mentorat et d’accompagnement pour les aider à transformer leur passion en entreprise viable, leur offrant ainsi une source de revenus et d’autonomie financière.

De plus, Esther utilise sa plateforme pour promouvoir l’émancipation des femmes et sensibiliser à l’importance de leur contribution économique et sociale. « Nous parcourons souvent les marchés pour faire passer notre message. Nous entendons fréquemment des femmes dire : “Je lutte pour nourrir mes enfants ; mon mari est mort et la famille m’a tout arraché ; mon mari s’empare régulièrement de mes recettes pour les dépenser…’’ », fait-elle savoir.

Son rêve, c’est d’obtenir un local où elle pourra davantage apporter sa contribution à l’épanouissement des orphelins, des veuves et de toutes personnes en difficulté.

En cela, elle joue un rôle crucial dans la promotion de l’entreprenariat communautaire féminin, démontrant que les femmes ont non seulement le potentiel, mais aussi la capacité de jouer un rôle significatif dans le développement de leur communauté et de leur pays.

En défiant les normes et en brisant les tabous à travers ses performances, Esther Tarbangdo incarne la force et la résilience des femmes. Elle nous rappelle que la danse peut bien être plus qu’une simple forme d’art : elle peut être une force transformatrice, un catalyseur de changement social. Avec chaque mouvement grâcieux et chaque pas audacieux, elle nous invite à imaginer un monde où l’égalité et le respect sont les pierres angulaires de la société. Et c’est dans cette vision inspirante que réside le véritable pouvoir d’Esther Tarbangdo, une artiste qui danse avec le cœur pour un monde meilleur.

Hamed NANÉMA
Crédits Photos : Bonaventure Paré
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique