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Religion/Epanouissement des femmes : Sœur Alphonsine Yanogo, une garagiste passionnée

Publié le dimanche 10 mars 2024 à 22h10min

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Religion/Epanouissement des femmes : Sœur Alphonsine Yanogo, une garagiste passionnée

1924-2024. Cela fait 100 ans que la congrégation des Sœurs de l’immaculée conception de Ouagadougou (SICO) existe. Au fil des années, cette communauté catholique a su s’adapter à son époque. Les Sœurs ont la possibilité d’exercer différents types de métiers, même là où elles ne sont pas attendues. La Sœur Alphonsine Yanogo, garagiste de profession, en est l’illustration parfaite.

Elle est la quatrième d’une famille de six enfants. Dans son Pabré natal (province du Kadiogo, région du Centre), la petite Alphonsine était émerveillée par une situation précise. Elle ressentait du bonheur en voyant des sœurs de la paroisse distribuer la communion. Elle se fixe alors un objectif : celui de devenir plus tard, une sœur pour mieux servir « l’Éternel ». Elle s’empresse de faire cas de son ambition à ses parents. Leur bonheur est immense, ayant toujours rêvé de voir l’un de leurs enfants suivre la voie religieuse. C’est donc naturellement qu’Alphonsine bénéficie du soutien indéfectible de ses parents dans cette mission sacerdotale.

Et c’est ainsi qu’elle est inscrite au groupe vocationnel de la paroisse de Pabré en classe de CE1. Au CM2, elle passe un concours pour intégrer la maison des sœurs de l’immaculée conception de l’aspirat de Tampouy. Après l’obtention du test, elle y reste pour achever ses études du premier cycle de l’enseignement secondaire, où elle obtient le BEPC. Après cette étape, elle fait la demande d’admission au pré-postulat de Guiloungou afin de poursuivre sa vocation religieuse. La Sœur Alphonsine Yanogo va y séjourner pendant un an.

« Ce métier n’est pas réservé qu’aux hommes. Les femmes aussi peuvent le faire », Sœur Alphonsine Yanogo

Ensuite, elle fait une autre demande pour rejoindre le postulat de Pabré. Ses premiers vœux ont lieu en 2001. Le jour de sa profession religieuse, ses supérieures décident de l’envoyer en mission à Dédougou. Là-bas, sa communauté religieuse lui propose de travailler à l’aumônerie des lycées et collèges comme sœur conseillère. Elle exerce cette fonction pendant un an. L’année suivante, elle devient suppléante à l’école primaire Sainte Cécile de Dédougou pendant deux ans.

Traçant son chemin avec une détermination sans faille, Sœur Alphonsine marque chaque étape de son parcours d’une empreinte de foi et de dévouement. Durant ses trois années de séjour à Dédougou, commune située dans la région de la Boucle du Mouhoun, elle ne s’est pas contentée d’obtenir son permis de conduire. En effet, en plus de cette volonté de maîtriser l’art de la conduite, sœur Alphonsine s’est mise à explorer les mystères de la mécanique, animée d’une curiosité insatiable.

« Au sein de la communauté, il y avait une voiture. Personne ne la conduisait. Mes supérieures ont souhaité que je la conduise pour avoir la main. Je me rendais dans un petit garage de Dédougou pour demander des explications sur la voiture au moins deux fois par semaine afin d’avoir le b.a.-ba sur le contrôle des huiles et la manière de monter une roue », s’est-elle remémorée.

Après son séjour à Dédougou, loin de s’imaginer qu’il s’agissait d’une prémonition, Alphonsine est affectée à Zorgho, une ville située dans le Plateau-central. Au sein de la paroisse, elle s’occupe des mouvements de jeunesse et accompagne la chorale francophone.

Le garage Saint Michel est situé au quartier Tampouy de Ouagadougou

Une formation dans une école de mécanique

Au bout de deux ans, ses supérieures lui font la proposition de se former en mécanique auto, après avoir remarqué les compétences dont elle faisait montre dans ce domaine. C’est ainsi que les portes d’une nouvelle aventure s’ouvrent à elle, au sein de l’école de mécanique Gabriel Taborin.

Comme elle devait s’y attendre, dans cet établissement situé à Ouagadougou, Sœur Alphonsine est la seule femme parmi les hommes. La chose qui l’intrigue, c’est le diplôme de CAP en mécanique que détient la majorité de ses camarades de classe. Alors qu’elle n’a été auparavant dans aucune école technique ou professionnelle.
Les enseignants sont réticents. Ils se demandent comment est-ce qu’elle parviendra à atteindre le niveau de ses camarades. Ce qu’ils ignoraient, c’est la détermination et la capacité de Sœur Alphonsine à repousser ses limites.

« Je me suis appliquée. Je n’hésitais pas à demander des explications à mes camarades. Ils étaient émerveillés de voir mon amélioration. C’est après six ans de vie religieuse que j’ai recommencé les bancs. C’est donc dans mon intérêt de m’appliquer pour avoir mon diplôme. Mes camarades de classe étaient gentils avec moi et n’hésitaient pas à m’aider », s’est souvenue la Sœur Alphonsine Yanogo.

Sous-estimée, elle surprend son détracteur

Malgré la bienveillance de ses camarades, elle va être heurtée par un enseignant. « Un jour, un professeur voulait me mettre à l’épreuve durant les travaux pratiques. Il a demandé que je démonte la roue d’une camionnette. Il y a un de mes camarades qui a voulu m’aider parce que c’était une grosse roue. Clandestinement, il est venu pour m’aider. Le professeur l’a interpellé. Il lui a dit qu’il ne faut pas m’aider. Laisse là, de cette manière, elle saura que la mécanique est différente des gâteaux. En entendant cela, j’ai été choquée. J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai démonté la roue. Après cette étape, il a demandé que je la remonte. Je l’ai fait. J’aime revenir sur cette anecdote parce que la mécanique est un travail d’homme, mais les femmes peuvent le faire si elles s’impliquent et souhaitent apprendre », a-t-elle souligné avec un léger sourire.

La Sœur en pleine séance de travail

Un don qui va tout changer

Une fois son diplôme de BEP en mécanique automobile en poche, la sœur religieuse n’aura pas le temps de souffler. Une offre accueillie avec joie du côté de la congrégation.

Le prête Michel Pillot, un Européen, a demandé aux supérieures de la congrégation s’il pouvait leur offrir un garage. Durant son séjour au Burkina Faso, il a constaté que les voitures des sœurs étaient en panne et qu’il n’y avait pas de réparation. Une offre accueillie avec joie la congrégation. A la fin de la construction du garage en mars 2009, les supérieures de Sœur Alphonsine Yanogo lui proposent la gestion du garage qu’elles baptisent “Saint Michel’’.

En plus de ce don, le prêtre Michel dépêche un expert mécanicien depuis l’Europe pour renforcer les capacités de la Sœur.
« Au début, ce n’était pas facile parce que les gens ne connaissaient pas le garage ou pensaient que c’était uniquement pour la réparation des voitures des sœurs. Au fil du temps, de bouche-à-oreille, les clients ont commencé à venir », a-t-elle fait savoir.
Au garage Saint Michel, les services offerts sont : la tôlerie, la mécanique, la peinture et l’électricité.

En 2009, le garage employait deux hommes. Aujourd’hui, il compte une quarantaine d’employés de manière directe et indirecte. Constitués uniquement d’hommes, ces employés sont encadrés par Sœur Alphonsine. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, elle confie que la gestion du personnel n’est pas si difficile.

« Bien que ce soient tous des hommes, il n’est pas difficile de les gérer. Ils ont juste besoin qu’on les respecte. Si tu respectes le personnel, il va aussi en retour te respecter. Depuis 2009, jusqu’à présent, je suis la seule femme au garage. Parmi le personnel, il y a mes grands frères. Chaque matin, je fais le tour du garage pour les saluer. Je demande des nouvelles de leurs familles. Au sein du garage, il y a un règlement intérieur. Lorsque les nouveaux employés ne savent pas lire, je me charge de leur expliquer les règles à suivre. Je rappelle aux collaborateurs que le garage appartient à des sœurs. Ils doivent donc adopter certains comportements selon les principes de l’église. Je leur demande à chaque fois de bien accueillir les clients. Il faut les respecter car c’est dans notre propre intérêt. Dans le garage, les collaborateurs s’entraident et sont respectueux en général », a-t-elle affirmé.

« C’est une cheffe disponible pour les autres », selon Barthélémy Sawadogo

Sœur Alphonsine appréciée par ses collaborateurs et clients

Barthélémy Sawadogo est l’un des doyens du garage. Ce mécanicien y travaille depuis 2009. Il qualifie sa cheffe de personne disponible pour les autres. Il confie qu’elle est « très croyante et s’applique au travail ».

Léopold Somé, un fidèle client du garage Saint Michel, apprécie quant à lui, la qualité des services offerts. « Je suis satisfait du sérieux avec lequel le travail est fait. La première fois, j’ai été surpris en voyant le nom du garage. J’ai même cru qu’il était géré par des frères. A ma grande surprise, j’ai appris qu’il appartient à des sœurs. C’est une bonne chose parce que de nos jours, il n’y a plus de barrière entre les hommes et les femmes. Dans l’histoire de l’église, les sœurs ont toujours fait évoluer les choses », a confessé ce retraité.

Léopold Somé a reconnu que son véhicule est entre de bonnes mains au garage Saint Michel

Sa passion pour le métier n’empêche pas Sœur Alphonsine Yanogo de reconnaître certaines difficultés auxquelles elle est confrontée dans la gestion du garage.
« Lorsqu’on ne parvient pas à réparer un véhicule, je n’ai pas l’esprit tranquille. Je fais des nuits blanches. Il faut reconnaître également que certains clients sont difficiles. Il y a des clients qui viennent déverser leurs problèmes personnels au garage. D’autres achètent leurs pièces ailleurs afin de réduire les coûts de la réparation. Ces mêmes clients reviennent critiquer ces pièces défectueuses. Alors qu’ils les ont achetées eux-mêmes. Souvent je redresse certains clients. Il y a des clients qui évitent de venir se plaindre auprès de moi parce que je suis une Sœur. Ils partent se plaindre chez mes collaborateurs. Si je constate que le client a raison, je demande aux collègues de s’excuser. Si c’est mon collègue qui a raison, je prends son parti », a-t-elle mentionné.

Aux femmes qui souhaitent embrasser une carrière de mécanicienne, la Sœur Alphonsine Yanogo conseille de faire preuve de curiosité. « La mécanique, au-delà de la force, nécessite de la technicité qu’il sied d’apprendre. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Samirah Bationo
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 8 mars à 13:14, par Nimembao En réponse à : Religion/Epanouissement des femmes : Sœur Alphonsine Yanogo, une garagiste passionnée

    Chère Soeur Alphonsine, milles fois BRAVO ! Quel beau reportage et quel immense plaisir de faire connaissance avec vous en ce 8 Mars. Vous avez eu le courage de dépasser toutes les limites sur votre route. C’est nous qui vous devons soutien et reconnaissance car vous formez nos jeunes. Ils seront consciencieux et compétents. En cette Journée Internationale de la Femme, nous ne pouvions pas avoir plus bel exemple de fierté, de courage et de détermination. Tout le pays vous aime !

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  • Le 8 mars à 17:44, par PIETRO VENEZIA En réponse à : Religion/Epanouissement des femmes : Sœur Alphonsine Yanogo, une garagiste passionnée

    Sœur Alphonsine Yanogo, vous êtes une femme extraordinaire. Votre activité de religieuse auprès des âmes s’enrichit de votre passion pour l’entretien des véhicules à moteur. Ces deux activités éduquent de nombreux garçons et filles au travail, y compris les femmes qui ont quitté l’Afrique pour s’installer en Italie et qui préfèrent mendier plutôt que travailler. Si j’ai la chance de vous rencontrer, je vous demanderai de réparer ma Fiat 500 que mon père m’a offerte il y a 45 ans. Vous honorez le Seigneur Notre Dieu, la catégorie des femmes et des ouvriers. J’espère sincèrement que vous serez nommé Chevalier du Mérite pour le Travail. Laisse-moi te serrer la main. Je suis honoré !
    Pietro Venezia
    Chirurgien et Oncologue

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  • Le 9 mars à 08:23, par Jonassan En réponse à : Religion/Epanouissement des femmes : Sœur Alphonsine Yanogo, une garagiste passionnée

    La traduction française de "ce n’est pas des gâteaux" n’est pas suffisamment rendu
    J’imagine ce monsieur empli de son orgueil masculin lancer fièrement à cette petite fille en mooré : kà bûr mas-ye. pour lui signifier vertement qu’elle s’est trompée de métier.

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