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Procès du putsch du CND : Chérif Sy, l’homme qui a vu venir le coup d’État

LEFASO.NET | PHOTO : Erwan Rogard

Publié le mercredi 13 mars 2019 à 13h13min

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Procès du putsch du CND : Chérif Sy, l’homme qui a vu venir le coup d’État

Président du Conseil national de la Transition au moment du coup d’État de 2015, aujourd’hui ministre d’État, ministre de la Défense nationale et des anciens combattants, Moumina Chérif Sy dépose, ce mercredi 13 mars 2019.

" Le 16 septembre, nous avons été informés dans les environs de 14h que le Président du Faso, le Premier ministre et certains de ses ministres ont été arrêtés au conseil des ministres. Nous avons cherché à en savoir plus. J’ai appelé le Chef d’État-major général des armées mais je ne l’ai pas eu", a déclaré le témoin.

Il recevra la confirmation de la part de son directeur de cabinet via l’homologue de celui-ci à la Présidence. Il appelle plus tard Monseigneur Paul Ouédraogo qui l’informe qu’il est en route pour Ouagadougou.

"J’ai rappelé le CEMGA et il m’a dit qu’il avait contacté Monseigneur et le président Jean Baptiste Ouédraogo pour régler la situation. J’ai dit qu’il n’y avait rien à régler car c’était un coup d’État. Nous avons élaboré un communiqué que nous comptions lire car on avait convoqué la presse. Nous avons été avertis par la sécurité que des véhicules du RSP se dirigeaient vers le CNT", se souvient Chérif Sy.

Ce dernier a rappelé que dès le 16 septembre, des actions étaient déjà en cours avec des camarades pour organiser la résistance. A propos de la radio de la résistance, la 100.8, le témoin a déclaré qu’elle a été mise en place par des activistes pour passer ses messages et les messages d’autres acteurs de la société civile. A sa destruction, une deuxième version a été mise en place par les activistes pour la suite de la résistance. "Je n’étais ni l’artisan ni le concepteur de quoi que ce soit. Ce serait une fausseté historique de penser que cette résistance est mon œuvre à moi seul. Chacun a développé des stratégies pour résister ", a déclaré le témoin.

Chérif Sy, l’homme qui a vu venir le coup d’État depuis novembre 2014

A la question du parquet militaire de savoir s’il a vu venir le coup d’État, Chérif Sy a confié ceci : "Lorsque j’ai a eu l’honneur d’être retenu dans la short-list pour la désignation du président de la Transition, en novembre 2014, j’ai dis lors de l’audition que la Transition n’arriverait pas à son terme si le RSP n’était pas dissous. Car d’un moment à l’autre, il passerait à l’action". Et à la question de Me Prosper Farama de savoir ce qui pouvait lui faire penser cela, le témoin a répondu qu’il doutait fort que "des gens qui ont géré le pouvoir pendant 27 ans, puissent le perdre ainsi sans réagir".

De sa rencontre avec Guillaume Soro

Parlant de Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Chérif Sy a souligné l’avoir rencontré à Paris lors d’une conférence des présidents de parlements francophones. "Certains députés du CNT étaient avec moi et sont venus me dire de garder mon calme. A la fin de la rencontre, Guilnaume Soro m’a dit qu’il cherchait à me voir mais que je refusais. On est rentré dans une salle. Il a dit qu’il m’avait envoyé son chargé de communication mais que je refusais de discuter. J’ai dit ’’discuter de quoi’’ ? Il a parlé du contenu de la conversation téléphonique (avec Djibrill Bassolé, ndlr). Il m’a dit qu’au moment où il tenait ses propos (régler le cas de Salif Diallo et un Sy), il ne me connaissait pas. Il a dit qu’il souhaitait en parler. Et je lui ai répondu que s’il voulait en parler, alors qu’il vienne au Burkina Faso".

Chérif Sy sur la loi qui a propulsé Zida au grade de Général

Au cours de l’audience, Me Prosper Farama a souhaité avoir des explications sur le processus d’adoption de la loi portant statut général des personnels des forces armées nationales qui a permis au Premier ministre Yacouba Isaac Zida, alors lieutenant-colonel de passer au grade de Général de Division.

"Je suis surpris. Tout le monde connait le processus d’adoption d’une loi. Le Gouvernement apporte son projet de loi, le président de l’Assemblée nationale réunit la conférence des présidents des commissions qui décident s’ils vont faire passer la loi en étude. Après la Commission des affaires institutionnelles auditionne tous les acteurs concernés par la loi. Dans le cas précis, elle a auditionné l’armée. Après cela, le projet est envoyé en plénière. Les articles sont lus et chacun peut opiner. Je doute fort qu’on puisse venir glisser un bout de papier à qui que ce soit. Le président Michel Kafando a même dit dans la presse que la hiérarchie militaire était d’accord. Que puis-je faire moi, singleton, face aux autres ? J’ai été le seul à appeler les gens pour leur dire de faire attention à cette loi. J’ai appelé le président Kafando pour lui dire de faire retirer la loi. Ce qui a été fait. La loi est retournée au gouvernement. Le président m’a appelé de venir expliquer pourquoi je demandais le retrait de la loi. Je l’ai fait. Il m’a dit qu’il va voir la hiérarchie militaire. La loi est revenue et a été adoptée. Après l’adoption et la nomination de Zida, la loi est revenue à l’assemblée pour être remise à sa posture originelle.", a déclaré le témoin.

Le président du tribunal ordonne une brève suspension de l’audience au moment où il y avait une prise de bec entre le témoin Chérif Sy et Me Dieudonné Bonkoungou. L’ancien président du Conseil national de la Transition, face aux assauts répétés de l’avocat de comprendre des faits auxquels, il avait apporté des réponses, a conclu qu’il n’avait pas l’impression d’être témoin dans le procès.

Par exemple, Me Dieudonné Bonkoungou a souligné qu’il ressort que le témoin et Younoussa Sanfo (l’expert informatique) sont ceux qui ont créé la radio de la résistance. Pourtant le témoin a soutenu à maintes reprises à la barre que la radio a été créée par des activistes jusqu’à ce que l’émetteur ne soit détruit et que d’autres activistes prennent relais. "C’est qui M. Sanfo Younoussa ?", a demandé Chérif Sy.

Plus loin, Me Bonkoungou Dieudonné demande au témoin de revenir sur sa rencontre avec Guillaume Soro et demande s’ils se sont vus en aparté. De quoi embêter le témoin, qui a expliquer qu’il a rencontré Guillaume Soro à Paris en octobre 2015 à une coference des présidents de parlements francophones. "On est sorti de la salle et on est allé dans un couloir. On était deux. Et vous me demandez si on était en aparté et s’il y avait un témoin. Dieu était témoin".

Fin de la déposition de Chérif Sy au tribunal militaire

Le conseil du Général Djibrill Bassolé, Me Dieudonné Bonkoungou a demandé au témoin comment est-ce qu’il a obtenu les éléments sonores sur la supposée conversation entre son client et Guillaume Soro avec qui il a eu une discussion à Paris en octobre 2015. Et Chérif Sy de répondre qu’il l’a écouté sur le net et sur les téléphones mobiles. Selon l’avocat, les éléments sonores n’ont commencé à circuler qu’à partir du 12 novembre 2015 et la gendarmerie en a fait un procès verbal le lendemain qu’elle a transmis le 16 novembre au juge. Ses propos de Me Bonkoungou ont fait réagir une partie de la salle qui murmurait "c’est faux". Le président du tribunal a rappelé à l’ordre en menaçant de vider la salle.

Appelé à réagir avant la fin de la déposition, le Général Gilbert Diendéré a déclaré que le témoin n’était pas du tout informé de la réalité des choses et qu’il y avait beaucoup d’intoxication sur le RSP. Il en veut pour preuve les informations qu’il aurait reçu sur les raisons de la crise du 30 décembre. "On lui a dit que c’était à cause de bonus. Pourtant, la principale cause de cette crise était liée aux problèmes de commandement et de réorganisation du corps. Le RSP n’avait pas perdu ses primes qu’il avait avant l’insurrection populaire. Les primes ont été perçus jusqu’aux événements des 16 septembre".

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