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Procès du coup d’Etat : Les confessions du colonel-major Boureima Kiéré

LEFASO.NET | Tiga Cheick Sawadogo

Publié le mardi 13 novembre 2018 à 00h29min

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Procès du coup d’Etat : Les confessions du colonel-major Boureima Kiéré

Le colonel-major Boureima Kiéré, chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso à l’époque du coup d’Etat, a comparu ce 12 novembre 2018. L’homme a simplement plaidé non-coupable pour les trois chefs d’accusation qui pèsent sur lui. Il dit avoir souvent agi sans le vouloir, parce que le contexte était hostile. En revanche, l’accusé a avoué que c’est le rôle trouble du reste de l’armée qui a semé la confusion.

Le colonel-major Boureima Kiéré n’était pas un faire-valoir au sein de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). C’était lui le chef d’état-major particulier de la présidence du Faso. Donc chargé entre autres des missions présidentielles. Mais les événements du 16 septembre 2015 l’ont surpris. Ce jour-là, il était en réunion à l’Etat-major général des armées quand on l’a appelé pour l’informer de la séquestration des autorités de la Transition. Il rend compte au général Pingrenoma Zagré qui lui demande de regagner sa base pour mieux comprendre la situation et travailler à une sortie de crise.

L’accusé se rappelle qu’à son arrivée à la présidence, il a trouvé le général Gilbert Diendéré en réunion avec les officiers du RSP. Entre autres, « Golf » expliquait les raisons de l’arrestation des autorités, demandait à ses interlocuteurs de ne pas s’offusquer d’avoir été mis devant le fait accompli, et les exhortait à accompagner le mouvement.

L’accusé a précisé qu’un élément armé (le caporal Sami Dah) était dans la salle et « on ne savait pas quelles consignes il avait reçues ». « C’était une réunion militaire, je ne pouvais pas dire non à un général », a expliqué le colonel-major tout en ajoutant que c’était sa première fois d’assister à une réunion entre officiers en présence d’hommes armés.

Une fois cette rencontre avec les officiers du RSP terminée, le cap est mis sur le ministère de la Défense où devrait se tenir une autre réunion avec la Coordination de réflexion et d’aide à la décision (CRAD), un organe composé des « sages ». Mais avant d’arriver au lieu de la rencontre, le colonel-major Kéré reconnaît avoir suggéré au général Diendéré de prendre la situation comme un mouvement d’humeur et de procéder à la libération des autorités.

« C’était une grande surprise, un grand choc. On ne s’attendait pas à une telle situation », a-t-il déclaré à la barre. Golf aurait répondu que les hommes n’étaient pas d’accord pour la libération des otages.

La situation ne rencontre pas non plus l’assentiment des membres de la CRAD. Ils exigent la libération des autorités. Les sages se déplacent même pour rencontrer ceux qui n’étaient pas pour la libération des personnalités arrêtées.

A en croire l’accusé à la barre, ils ont catégoriquement refusé. Eloi Badiel, Florent Nion, Moussa Nebié, les capitaines Dao et Zoumbri ont opposé une fin de non-recevoir à la demande des sages. Des menaces auraient même fusé. « Si vous faites, vous ne sortirez pas de cette salle », auraient lancé certains miliaires aux hommes venus en médiation.

Pendant tout ce temps, le coup d’Etat n’était pas encore acté. A en croire le natif de Koumbia dans la province du Tuy (Boureima Kiéré), le général Gilbert Diendéré a demandé à l’armée d’assumer la responsabilité du coup d’Etat. La haute hiérarchie a refusé, malgré son insistance.

C’est alors que Golf a franchi le Rubicon en décidant d’assumer. Mais en contrepartie, il a demandé au reste de l’armée d’assurer le maintien de l’ordre, ce qui a été accepté. « S’il y avait une fermeté de la part du chef d’état-major général des armées, le général (Diendéré) aurait reculé. Dans un coup d’Etat, on est d’accord ou on ne l’est pas », dira Boureima Kiéré par la suite.

Du soutien de la haute hiérarchie

Toujours selon l’accusé, le 17 septembre 2015, une autre rencontre était prévue entre le général Diendéré et la CRAD, au ministère de la Défense. Quand Diendéré et ses hommes arrivent dans la salle, c’est le chef d’état-major général des armées lui-même qui l’annonce en ces termes : « Monsieur le président du CND » et tout le monde s’est mis debout. Et le général Pingrenoma Zagré a cédé sa place au général Gilbert Diendéré. Lors de ladite rencontre, le nouvel homme fort a insisté sur le maintien de l’ordre.

Le colonel-major Boureima Kiéré a reconnu avoir envoyé une mission au Togo pour chercher du matériel de maintien de l’ordre. Tout comme il l’a fait le 18 septembre avec le capitaine Gaston Ouédraogo qui est allé en hélicoptère à la frontière avec la Côte d’ivoire, pour récupérer du matériel de maintien de l’ordre et une valise d’argent. Ladite valise a été remise par lui-même à Léonce Koné.

A en croire le colonel-major, le 21 septembre, il a encore suggéré au général Diendéré de remettre le pouvoir, parce que, selon lui, un coup d’Etat ne pouvait pas prospérer. Le rapport de force était en faveur des partisans du coup d’Etat au sein du RSP et le général n’a pas pu dire « non », au risque d’être pris pour un traître, et traité comme tel.

L’interrogatoire de l’ancien chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso se poursuit ce 13 novembre 2018.

Tiga Cheick Sawadogo
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