LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Antoinette Batumubwira : « Pour 2016, je reste optimiste que le Burkina récoltera les dividendes d’une transition apaisée »

Publié le mardi 10 novembre 2015 à 23h36min

PARTAGER :                          
Antoinette Batumubwira : « Pour 2016, je reste optimiste que le Burkina récoltera les dividendes d’une transition apaisée »

Antoinette Batumubwira est la nouvelle représentante-résidente de la Banque africaine de développement (BAD) au Burkina Faso. Arrivée à Ouaga en juin dernier en pleine transition, elle a rapidement pris la mesure de ses missions. Elle aborde dans cet entretien ses missions, les activités de la BAD au Faso et se prononce sur la situation économique du pays caractérisée par un certain ralentissement dû au contexte sociopolitique et à la baisse des cours de l’or et du coton.

Lefaso.net : En tant que nouvelle Représentante- Résidente de la BAD au Burkina, avez-vous déjà pris la mesure de vos tâches ici au Burkina Faso ?

Antoinette Batumubwira : Les tâches de la banque sont les mêmes et comme on le dit toujours, on est une seule banque. Je viens continuer le travail qui a été fait par les autres avant moi. Certains collègues sont là maintenant depuis deux-trois ans. C’est une continuité, il n’y a pas de choses particulières sur lesquelles on peut parler de changement. Nous évoluons avec un programme déjà établi qui est le Document de stratégie pays (DSP) couvrant la période 2012-2016 et mon rôle de représentante résident, c’est de gérer l’ensemble des activités, assurer le suivi et la supervision de ces activités, et gérer le personnel. C’est le travail de tout représentant-résident. C’est-à-dire faire en sorte qu’il y ait la bonne mise en œuvre des projets et programmes de la Banque. Ceci se fait à travers l’entretien d’un bon dialogue avec le gouvernement et les autres partenaires afin de permettre l’atteinte des objectifs suivis, à savoir le développement, la réduction de la pauvreté et la croissance durable et inclusive. Cela est vraiment essentiel.

Comment se porte le Bureau de la BAD au Burkina Faso ?

J’ai trouvé un bureau qui fonctionne très bien, qui entretient d’excellentes relations avec nos partenaires aussi bien du développement que du gouvernement. Nous espérons que cela nous permette de travailler en cohérence et d’aboutir à de bons résultats au fur et à mesure que nous avançons.

Présentez-nous brièvement votre bureau.

Le bureau existe depuis 2006. Il comprend une quinzaine de personnes dont la représentante résidente et des experts dans les différents secteurs : infrastructures (transport et énergie), eau et assainissement, éducation, acquisition, décaissement,... . Avant l’ouverture du bureau en 2006, les opérations de la BAD au Burkina Faso étaient gérées à partir du siège.

Quel est le volume aujourd’hui du portefeuille de la BAD au Burkina ?

Le portefeuille contient seize projets dont treize projets nationaux et trois projets multinationaux qui sont des projets essentiellement de transport. Le montant d’investissement dans ces projets est de 322 milliards de FCFA. Ces ressources sont reparties sur plusieurs domaines. Le secteur des infrastructures (transport et énergie) arrivent en tête avec 34% du portefeuille, suivi de la gouvernance (23%) et de l’agriculture (22%). Les 13% des investissements vont aux secteurs sociaux (éducation, santé) et les 8% au secteur de l’eau et de l’assainissement.

Ces investissements couvrent quelle période ?

On travaille sur un cycle de cinq ans, sur la base d’un document appelé Document de stratégie pays (DSP). C’est un document qui est élaboré en discussion avec le gouvernement et en fonction des priorités qui sont établies par le gouvernement. Le document pays en cours de mise en œuvre actuellement, s’achève en fin 2016. Il faudra donc commencer à préparer le prochain document. Ce qui est heureux dans cette situation par rapport au Burkina Faso, c’est que le cycle d’élaboration de stratégie pays correspond aussi, par heureux hasard, à celui à la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD). La première SCADD est en train de s’achever et la deuxième SCADD sera préparée en 2016. De ce point de vue, nous pourrions être en harmonie puisqu’on pourra suivre les priorités que le pays est en train de mettre dans cette stratégie en préparation. Il faut signaler que la plupart des projets au Burkina sont financés en prêts et dons par le Fonds Africain de Développement (FAD) qui est un guichet concessionnel de la Banque.

A votre avis quels pourraient être les domaines de priorité pour le Burkina dans le prochain document de stratégie pays ?

C’est difficile pour nous de dire ce que pourraient être les priorités. Comme je vous l’ai indiqué tantôt, c’est le pays qui décide de ses priorités. Mais, il est évident que pour le Burkina, des secteurs comme l’agriculture, l’eau potable et l’assainissement restent très importants. Le secteur privé mérite également une attention particulière. D’ailleurs, nous avons récemment mené des activités dans ce sens. Nous venons de lancer un projet de promotion et d’appui au secteur privé à travers la création d’un fonds qui permettra la création d’emplois et cela en vue de donner plus d’espaces aux secteurs privés dans le cadre du développement du pays.

Et le secteur de l’énergie ?

Le secteur de l’énergie doit rester une priorité. A ce propos, nous venons d’accorder un appui budgétaire de près de 17 milliards de francs au Gouvernement pour soutenir ses efforts de consolidation de la SONABEL (ndlr : Société nationale d’électricité du Burkina). Beaucoup restent à faire en termes d’accès et de distribution d’électricité. Nous agissons aussi dans le cadre de l’interconnexion avec les pays voisins. Nous intervenons également beaucoup dans le milieu rural avec un projet d’électrification de zones rurales qui marche très bien. Une deuxième phase est en préparation et devrait concerner les quartiers périphériques de Ouagadougou et de Bobo.

Vous intervenez aussi dans le domaine du changement climatique…

Oui. Nous avons même un département au sein de la Banque spécifiquement dédié au changement climatique et à la croissance verte. Au Burkina cela dépendra des priorités du gouvernement mais on note déjà une réflexion au niveau de la banque par rapport à plusieurs pays sur la problématique du développement des énergies renouvelables. Dans le cas du Burkina, j’imagine que le solaire pourrait prendra une place importante dans le cadre des énergies nouvelles et renouvelables.

Globalement comment appréciez-vous la situation économique du Burkina ?

Comme vous le savez, le Burkina Faso a une certaine sensibilité à la baisse des cours de l’or et du coton qui sont les deux principaux produits d’exportation du pays. Malheureusement, ces facteurs de vulnérabilité économique ont continué à affecter le pays en 2015. A ces facteurs économiques qui dépendent de la conjoncture internationale, il convient d’ajouter le contexte de transition politique et ses soubresauts socio -politiques, qui ont particulièrement mis le pays sous pression tout au long de l’année 2015 : les grèves, la tentative de coup d’Etat, l’arrêt de l’exploitation de la mine de manganèse de Tambao, etc.
Cependant, avec la perspective d’une bonne saison agricole et le dynamisme relatif des industries extractives, on devrait assister à une légère reprise de l’activité économique en 2015. La croissance économique devrait ainsi se situer autour de 5 % en 2015 contre 4% l’an passé. Il convient de noter que ces taux de croissance restent supérieurs aux moyennes Sub-sahariennes.
Pour 2016, je reste optimiste que le Burkina Faso récoltera les dividendes d’une transition apaisée et par conséquent, nous pourrions avoir un taux de croissance significatif en 2016 et au-delà.

Vous avez parlé du lancement d’un projet d’appui au secteur privé. Concrètement, comment cela va se faire ?

La Banque a signé un accord de ligne de crédit avec la société de financement FEDELIS. L’objectif de cet accord est de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises au crédit. Pour les années à venir, la Banque compte renouveler ce type d’actions avec d’autres institutions financières de la place.

Comment avez-vous accueilli ici l’arrivée de votre nouveau président Adesina ?

C’est un cycle normal dans notre institution de changer de président. Les présidents sont élus pour 5 ans renouvelables une et une seule fois. Nous sommes contents bien sûr d’avoir un nouveau président. Je pense que l’objectif de tous, c’est bien faire le travail qui nous est assigné allant dans le sens du développement du continent, de l’amélioration des conditions de vie des populations.

Pour clore notre entretien, qu’est-ce qui mérite selon vous, d’être retenu aujourd’hui de la BAD, en plus d’avoir changé de président ?

La banque a fêté ses 50 ans l’année dernière. C’est une institution qui a tenu durant 50 ans. Il n’y a malheureusement pas beaucoup de cas de pérennité et soutenabilité d’institutions créées au lendemain de nos indépendances. Nous avons résisté aux défis et évolué avec le temps. C’est une banque qui sait écouter et qui sait s’adapter à son environnement et à ses clients. Le bureau qui est ici représente une banque qui a une place de premier plan sur le continent et même au-delà : toutes les agences de notation accordent leurs plus hautes notes à la Banque, comme AAA. C’est une fierté de travailler pour une telle institution. Nous avons ici des interlocuteurs très attentifs et très disponibles. Bien que le Burkina connaisse une période de transition, les activités de la banque ont continué de fonctionner normalement. Il n’y a pas eu de discontinuité dans quoi que ce soit.

Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Commune de Bouroum-Bouroum : Koko Momo, élu maire