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Amnistie, vous voulez l’amnistie ?

Publié le lundi 21 septembre 2015 à 06h49min

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Amnistie, vous voulez l’amnistie ?

Ouaga retient son souffle. Le Burkina a du mal à respirer, haletant de rage. Et les Burkinabè dans le monde suffoquent de colère. A l’indignation générale, ils viennent gaillardement à l’hôtel Laico ajouter l’indignité de leurs exigences insensées. Ils attendent l’amnistie. Quelqu’un est fou dans cette affaire. Et ce n’est certainement pas nous.

Silm dagoanga, ib kiedala a yingrewan. Traduction : le tronc de l’arbre qui croit malin d’être tordu, il faut le sectionner à la racine. Allons donc à la racine des mots. Que veut dire amnistie ? Pour comprendre ce qu’ils demandent, il y a deux définitions. Une, facile, c’est-à-dire accessible à tous, compréhensible pour tous les cerveaux. L’autre précise, ciselée à destination des spécialistes de la chose.
« 1/ L’amnistie, dont l’origine grecque signifie « oubli », est une notion de droit public pénal, qu’on peut définir comme l’acte qui dispose que des fautes passées devront être oubliées, et qui interdit à quiconque de les rechercher ou de les évoquer sous peine de sanctions.
2/Acte du législateur qui efface rétroactivement le caractère punissable des faits auxquels il s’applique. (Selon le cas, l’amnistie empêche ou éteint l’action publique, annule la condamnation déjà prononcée ou met un terme à l’exécution de la peine. Les peines amnistiées ne figurent plus au casier judiciaire.) »

Un oubli forcé, contraint

Lors de la journée nationale du pardon, ou alors la journée du pardon national, peut-être le pardon national dans la journée, à cette occasion en tout cas, on a forcé les gens à dire qu’ils accordaient leur pardon à des bourreaux non désignés, des bourreaux qui n’ont pas dit qu’ils demandaient pardon, encore moins pourquoi ils demandaient pardon. Des bourreaux qui conservaient toute latitude de recommencer leurs forfaits. Bref, on voulait faire du riz au lait, sans riz et sans lait. Le résultat, on le connaît tous : une assiette vide. Voilà pourquoi la journée nationale du pardon a été une filouterie sans fruit.

Vous voulez la preuve de leur roublardise ? Eh bien, soit ! Blaise Comparé et ses amis ont convoyé des Monseigneurs très catholiques, des Pasteurs très évangélistes et des Imams très bismillai au stade du 4 août. Et pas un seul religieux animiste avec ses pierres sacrées. Parce que tous savent que la sanction du bois sacré est immédiate et sans atermoiement. Qui est fou ? Donc, qui est filou ?

Je te tue et ton cadavre me pardonne

Dans le mot rébellion, il y a belle et il y a lion. Mais ça ne veut pas dire la même chose. Alors là, pas du tout ! Ils ont donc continué à occire leurs semblables, à trucider leurs compatriotes. Jusqu’aux 30 et 31 octobre 2014. Et ils ont repris du service récemment. Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, matin et soir, nuit et jour, ils ont tué, et dimanche 20 septembre 2015, ils sont venus au Laico pour tuer. Et ils veulent l’amnistie !

Ils nous assassinent. Ils boivent notre cerveau. Ils nous inondent de stress. Des garçons que nous avons enfantés, allaités, nourris, langés, baignés de nos larmes d’amour, soignés avec nos soupirs de mères, veillés avec nos angoisses de pères. Des fils que nous avons éduqués, formés, payés, armés. Des enfants tirés de notre sein. Qui nous martyrisent, nous prennent en otage, et nous dictent une auto-amnistie.

Amnistie. Un oubli obligatoire de vos forfaits. Ce n’est pas un législateur qui l’a décidé, ce n’est pas notre volonté qui nous l’a conseillé. C’est le crépitement de vos armes qui l’exigent. Pauvre fratrie ! Pauvre Burkina ! Pauvre Afrique. Engeance sévère, le rouge de la honte aux yeux. Parce que du haut de son 1,95 m, votre chef vous l’ordonne ! Karissa ! N’avez vous pas honte de ce que vous êtes ? Vos mamans ont-elles failli dans leur devoir d’éducation ? Ne savez-vous pas qui vous devez être ?

Qui êtes vous si vous ne respectez le ventre sucré de vos mères ? Que valez-vous si vous ne respectez pas la parole de vos pères ?

Et que foutent nos forces armées nationales

Le RSP est une milice ; tous nous le savons. Il nous est interdit désormais de l’ignorer. Il se trouve que vous avons une armée nationale, une gendarmerie nationale, une police nationale, une BAC que je pense être nationale, une compagnie républicaine de sécurité, républicaine signifiant nationale. En somme, des milliers et des milliers d’hommes en armes au service de notre bien-être national. Alors, que foutent-ils face à 1300 bidasses du RSP ?

Nous en sommes à rêver d’une intervention des forces spéciales françaises et des marines américains. Et nous nous prétendons souverains ! Et nous nous proclamons indépendants ! La honte ! Oh la honte ! Que foutent l’officier Zagré et ses hommes, à part faire des discours creux et regarder les jeunes gens mourir ? Ils investissent un établissement de la capitale abritant deux présidents et demi, deux ambassadeurs, des responsables politiques nationaux, ils tabassent qui ils veulent, et nos hommes restent passifs ! Et en dépit de tout ça, ils exigent l’amnistie pour eux et leurs culs, et nul ne trouve à redire ! Bassé nso tinga laa ?

Si les hommes du RSP veulent réellement rendre service au Burkina, ils n’ont qu’à changer leur mentalité. Ils peuvent faire mieux, ils n’ont qu’à se suicider tous ! Mais auparavant, qu’ils prennent le soin d’abattre tous les responsables et tous les sicaires du CDP !

Sayouba Traoré,
Journaliste ; Ecrivain

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