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ELECTIONS AU BENIN : Un couplage qui arrange tout le monde

Publié le mercredi 25 août 2010 à 02h21min

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En mars 2011, les Béninois voteront une seule fois pour désigner leurs députés et leur président de la République. Une nouvelle loi électorale a été adoptée dans ce sens à Cotonou par la majorité des députés : 49 voix pour, 21 contre et une abstention. Pour témoigner de leur détermination, en fin de session, les parlementaires ont voté pour une promulgation en procédure d’urgence de la nouvelle loi électorale. Un délai de cinq jours a ainsi été accordé au chef de l’Etat pour s’exécuter dans le sens souhaité.

Outre le couplage de la présidentielle et des législatives, en examinant les règles générales pour les prochaines élections, le parlement a introduit plusieurs innovations. Ainsi, la nouvelle loi électorale a réduit le nombre des membres de la Commission électorale ; elle comptera désormais onze membres au lieu de dix-sept. La Cour constitutionnelle disposera également d’un délai de quinze jours pour proclamer les résultats du premier tour. Toutefois, dès le lendemain du vote, elle pourra publier les grandes tendances avec des chiffres obtenus par village. S’agissant de la liste électorale, elle demeure fortement controversée. Si elle n’est pas prête trois mois avant les élections, la base de données sera reversée à la Commission électorale, laquelle se chargera alors de l’apurer.

Les raisons de tous ces changements ? Selon des députés favorables à la nouvelle loi, "ces réformes ont été guidées par un souci d’économie". On rappelle à ce propos que les frais de la campagne électorale sont fixés à 15 millions de francs CFA pour les candidats aux fonctions de députés et à 2,5 milliards pour les candidats à la présidentielle. Sans doute très élevé pour le commun des mortels, mais le Bénin s’illustre à nouveau comme étant le laboratoire de la démocratie en Afrique. Dans la situation actuelle, il est vrai, la classe politique dans son ensemble a moins à perdre en s’engouffrant dans une nouvelle brèche. Yayi Boni, l’actuel chef de l’Etat, n’appartient à aucune formation politique. Venu aux affaires en tant qu’indépendant, il a pu jusque- là bénéficier du soutien actif de divers courants politiques. Mais l’homme ne manque pas d’adversaires aujourd’hui. Toutefois, les Béninois confirment qu’entre l’essentiel et l’accessoire, ils savent bien faire la part des choses. Le reste suivra tôt ou tard.

Une fois de plus, la classe politique de ce pays affiche son engagement à aller de l’avant sur un continent où perdurent les schémas classiques et les anachronismes, des plus burlesques aux plus révoltants. Rares sont en effet les pays africains qui osent organiser deux élections couplées le même jour. En matière d’organisation des élections l’on devrait s’attacher à laisser à la postérité des exemples de sobriété autant que de probité. En quoi l’expérience béninoise devrait-elle inspirer les pays du continent ? Un peu partout, les tentatives de démocratisation se traduisent par des coûts de plus en plus exorbitants. Or, l’option béninoise est une formule simple, souple et commode. A terme, elle permettra à ceux qui l’expérimentent, de faire des économies appréciables. Surtout en ces temps de maigreurs au plan budgétaire. A chaque fois, les Africains se sentent obligés de solliciter le concours des Occidentaux, ce qui fait d’eux des assistés à vie. Encore que cette dépendance vis-à-vis de l’étranger s’accentue sans que, pour autant, on atteigne les résultats attendus.

Sur ce continent en proie à la misère, où donc trouver les ressources ? Comment parvenir à les mobiliser dans les règles de l’art ? Nul n’ignore que les partis politiques dans l’ensemble tirent le diable par la queue. Précisément lorsqu’ils campent dans l’opposition. Faut-il alors miser sur la stabilité politique afin de mieux œuvrer en vue de la stabilité économique ou le contraire ? Le débat est là. Pourquoi la méthode du couplage préconisée par les Béninois ne ferait-elle pas école ? On sait que l’attelage des élections dépend des intérêts défendus par chacun des protagonistes engagés dans la course au pouvoir. Généralement, on aspire tout d’abord à prendre le pouvoir suprême. Une fois parvenu à ses fins, on cherche à se dégager une majorité confortable pour gouverner. Adopter le système du couplage, permet certainement d’économiser. Mais quid des intérêts politiques ?

En Afrique, trop de futilités sont avancées pour contrecarrer les initiatives tendant à simplifier les choses. Cela est dommage pour des pays pauvres très endettés (PPTE), et dont les dirigeants rêvent d’en faire des pays émergents. A défaut de pouvoir bien singer l’Occident, l’Afrique doit donc en finir avec ces méthodes onéreuses et absurdes, ces campagnes longues et harassantes. Cinquante ans après les indépendances, elle doit mettre fin aux tâtonnements.

Si elle ose clamer une certaine maturité et revendiquer notre souveraineté, elle doit cesser de faire des chantages aux bailleurs de fonds qui financent l’organisation de ses élections. Qu’elle s’assume ! Comment organiser et réussir des élections dans un contexte économique désastreux ? Une question de volonté politique comme le démontrent à chaque fois les Béninois. Le manque de compréhension, l’analphabétisme et l’inculture politique de la grande masse des électeurs, ont trop longtemps servi à justifier les insuffisances de la classe politique africaine. On en oublie même que l’éducation politique des citoyens relève d’une obligation morale de l’élite au pouvoir ou dans l’opposition. Mais longtemps encore, celle-ci voudra demeurer accrochée aux élections à forte saveur financière, enveloppées de fraudes et donc suivies de contestations pénibles à gérer.

Aussi sera-t-elle toujours moins empressée d’entreprendre les changements qui conduiront à sa perte. Surtout que les expériences démocratiques sont aujourd’hui devenues de véritables sources d’enrichissement. A preuves : paiements de per diem, dilapidation des ressources sur fond de surfacturations et de pièces justificatives habilement confectionnées. Dans cet océan de misère, les élections, ça rapporte gros ! Certes, dans plusieurs pays, l’instabilité chronique, la guerre civile, entre autres, ont ruiné l’économie nationale et mis à mal la mémoire administrative en matière d’organisation des élections. On peut se passer très difficilement de l’aide étrangère. Mais la classe politique africaine brille trop par son attachement à l’immobilisme et au reflexe de la mendicité. Son incurie est inacceptable et de manière générale, le manque de volonté politique qui caractérise les gouvernants, est par trop évident.

En optant d’organiser les législatives et la présidentielle en un seul scrutin, le Bénin fera à coup sûr des économies substantielles. Certes, la saison des amours connaît présentement un certain désenchantement entre le président Yayi Boni et beaucoup de ses anciens partisans. Mais lui et ses adversaires politiques, peuvent s’enorgueillir de redonner de l’espoir aux Africains. Leur expérience doit inspirer d’autres pays du continent, pour autant que l’adoption de nouvelles méthodes de gestion des élections vaille bien la peine et valorise la recherche du consensus.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 25 août 2010 à 12:05, par sosthène En réponse à : ELECTIONS AU BENIN : Un couplage qui arrange tout le monde

    voici une idée que défend l’UNDD au Faso, qui est intéressante mais qui ne semble pas intéresser. Dommage ! Au Bénin, en tout cas, on voit l’intérêt. l’argent du peuple, c’est sacré !

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