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Dialogue inter malien : Un accord de paix peut-il sortir d’un monologue ?

Publié le vendredi 19 avril 2024 à 12h44min

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Dialogue inter malien : Un accord de paix peut-il sortir d’un monologue ?

Depuis le 15 avril 2024, le dialogue inter malien est lancé au niveau communal. Ce forum va culminer au mois de mai par des assises nationales. Entendre parler de dialogue dans un pays en guerre, c’est comme un rayon de soleil qui traverse les ténèbres. C’est comme une musique douce qui fait taire le bruit des armes. Car dialoguer c’est renoncer à l’agressivité, c’est considérer l’ennemi d’hier comme un adversaire, un alter ego avec qui on discute, on échange, on s’écoute.

Est-ce vraiment de cela qu’il s’agit au Mali ? Que veut par ce dialogue inter malien, le Comité national pour le salut du peuple qui a pris le pouvoir suite à l’insurrection qui a renversé Ibrahim Boubacar Keita du pouvoir le 18 août 2020 ? Au moment où le pouvoir parle de dialogue inter malien, il est pris d’une frénésie de division, de suspension, de dissolution. Les conseils des ministres se suivent et annoncent les dissolutions des organisations démocratiques comme l’Association des élèves et étudiants maliens, la suspension des activités des partis politiques et associations, la dissolution de regroupements de partis politiques… Ce forum va-t-il être un forum de plus ou une chance pour la paix ?

Le dialogue on en a entendu parler plus d’une fois depuis le début de la crise. Quand l’accord d’Alger tombait en décrépitude, on le rejetait aussi, parce que non seulement il ne correspondait plus au rapport des forces en présence, mais parce qu’il n’était pas une solution endogène, nationale, aux problèmes des Maliens. L’argument était que les Maliens devraient s’asseoir autour d’une table sans médiateurs étrangers et discuter entre eux de leurs problèmes. Donc exit Alger, Ouagadougou, Paris, CEDEAO, UA, ONU, etc. Maintenant que Kidal a été libéré, pourquoi ce dialogue inter malien avec les forces rebelles du Nord, irrédentistes n’est-il pas possible ?

Assimi Goïta a jusque-là réussi des coups politiques gagnants comme le renvoi des troupes françaises de Serval et celles de la Minusma qui ont échoué dans leurs missions de ramener la paix. Ces choix ont permis la reconquête de Kidal, l’autre pas en avant devrait être le dialogue inter malien qui suppose de s’asseoir et de se parler, entre Maliens de tous bords, sur l’avenir du pays. Le format du forum ne laisse pas voir si la Coalition des mouvements de l’Azawad qui vient de perdre Kidal suite à la reconquête de cette ville est invitée, de même que les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP), ainsi que les chefs des groupes djihadistes comme Iyad Ag Ghaly ou encore Amadou Kouffa.

S’expliquer sans se tirer dessus

Parce que ce forum, s’il concerne la crise que vit le pays de Modibo Keita, devrait être ouvert à la plupart des protagonistes maliens de la crise puisque c’est ainsi que le veut son nom de dialogue inter malien. Est-ce que tous les Maliens sont invités à ce dialogue dans leur identité et dans leur altérité ? Où est-ce un dialogue de ceux qui se reconnaissent dans le régime des colonels ? Si le dialogue n’est pas inclusif, il ne peut pas aboutir à des décisions consensuelles.

Si c’est pour débattre de la paix de la stabilité et du vivre ensemble, est-ce vraiment utile de le faire sans toutes les sensibilités et les organisations représentatives ? Qu’on le veuille ou non, les partis politiques et organisations de la société civile, les mouvements rebelles touaregs, indépendantistes ont tous des programmes politiques, des visions du Mali sur son avenir, le vivre ensemble, la forme de l’Etat, et les modalités de dévolution du pouvoir. Le problème est que ces opinions s’expriment dans la conflictualité sanglante, au lieu d’un débat démocratique pacifique. Le défi qui se pose à nos peuples c’est de réussir à s’asseoir et à s’expliquer sans se tirer dessus. Nous sommes des hommes, et l’avantage concurrentiel de notre espèce est la communication.

Les militaires au pouvoir au Sahel, particulièrement au Mali et au Burkina, se trompent sur certains facteurs de cette crise comme le déficit de communication. Le dialogue est une arme puissante pour la paix, disent les Africains encore faut-il que l’on en soit convaincu nous autres Burkinabè et Maliens. On a l’impression que les colonels appellent dialogue, c’est-à-dire des discussions menées pour aboutir à une solution acceptable par les parties en présence, un forum où toutes les parties ne seront pas représentées, où tout ne sera pas mis sur la table, où les affirmations de certains ne feront l’objet d’aucune négociation.

Chez les syndicalistes la notion de dialogue est une affaire de négociation entre deux camps : les travailleurs et le gouvernement. On ne retrouve pas cette idée dans ce raout que le pouvoir malien veut faire. Le Mali a besoin d’une réunion de tous les protagonistes de la crise, qui se parlent et discutent sur la base de la raison et des faits pour que la nation malienne avec discernement et sagesse se trace des voies de sortie de crise. Bamako a pourtant aujourd’hui des possibilités de conclure un accord juste avec les mouvements du Nord qui acceptent la souveraineté du Mali. Pourquoi pas lors de ce forum ?

Le dialogue, une arme pour la paix

Le pouvoir après avoir détricoté l’Accord d’Alger devrait se faire fort du nouveau rapport de forces obtenu par la reprise de Kidal d’inviter toutes les parties au dialogue inter malien pour obtenir un accord qui garantit l’unité et l’intégrité du Mali, sa forme républicaine et laïque etc. Naturellement la dévolution du pouvoir et la fin de la transition s’inviteront à ce débat. Il faut faire confiance au peuple rassemblé et à sa sagesse pour trouver des solutions. Car une transition n’est pas faite pour s’éterniser. Si du dialogue, la paix n’est pas obtenue, des moyens de gagner la guerre se feront jour auprès des participants favorables au Mali et à son unité.

Le colonel Assimi Goïta est interpellé face à la situation du Mali. Il a fait en tant que chef de l’État beaucoup de choses, il a changé le jeu et les alliances du pays ce qui a permis la reconquête du nord Mali, mais la paix reste à gagner et ce dialogue est une chance pour cela car c’est le lieu, non de la pensée unique, mais de la pensée à deux et à plusieurs. Il faut qu’il montre au pays et à la face du monde qu’il est désintéressé par le pouvoir (plus facile à dire qu’à faire) qu’il sera neutre et qu’il respectera ses engagements désormais. C’est le moyen de sortir par la grande porte. Il faut couper le son à tous les griots et parasites qui, sans les militaires ne seraient rien, pour laisser place aux intérêts du Mali, du Maliba.

Sana Guy
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 19 avril à 15:26, par Amadoum En réponse à : Dialogue inter malien : Un accord de paix peut-il sortir d’un monologue ?

    Mr Sana vous avez vu juste et tout le problème pour nos pays c est ces Laudateurs et griots qui ne peuvent même pas être chef de classe sans les militaires.

    Répondre à ce message

  • Le 20 avril à 11:19, par kwiliga En réponse à : Dialogue inter malien : Un accord de paix peut-il sortir d’un monologue ?

    Non, mais arrêtez un peu de vous nourrir d’un fol espoir démocratique, alors que tous les paramètres démontrent exactement l’inverse.
    Tout ça n’est que propagande populiste et poudre aux yeux et jamais aucune concertation réelle ne sortira sous cette tyrannie.
    Lorsque vous écrivez : "Il faut qu’il montre (Goïta) au pays et à la face du monde qu’il est désintéressé par le pouvoir... et qu’il respectera ses engagements désormais." Réalisant ainsi l’inverse de tout ce qu’il a démontré jusqu’à présent, l’on est bien obligé de se demander si vous croyez aux miracles, aux interventions divines,...?
    Pouvez-vous trouver un seul exemple d’un quelconque dictateur, grand leader charismatique, petit père des peuples, grand timonier, et autre nouveau Messie, qui se soit amélioré à la conservation du pouvoir ?
    Sinon, je voudrais vous faire remarquer que votre tropisme burkinabè, vous amène à écrire des choses telles que : "Chez les syndicalistes la notion de dialogue est une affaire de négociation entre deux camps : les travailleurs et le gouvernement."
    Alors que non. Le dialogue syndical, c’est entre les travailleurs et le patronnât, l’état étant parfois appelé à intervenir en tant que médiateur, ou pour des raisons d’importance de l’entreprise.
    Il n’y a que chez nous que le syndicalisme concerne les seuls fonctionnaires, ailleurs dans le monde, ils ont de vrais travailleurs (syndiqués) et de riches patrons.

    Répondre à ce message

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