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Indemnisation des Ogoni : 15 millions $ pour une corde de pendu

Publié le mercredi 10 juin 2009 à 02h18min

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Shell paie pour éviter un procès. La pendaison de l’écrivain militant pacifiste et écologiste nigérian Ken Saro-Wiwa lui coûte très exactement 15,5 millions de dollars. Une corde bien chère, à première vue. Mais qu’est-ce qu’une quinzaine de briques pour une multinationale telle que Shell, dont le chiffre d’affaires s’élevait à près de 400 milliards de dollars en 2007 ?

Accusée de complicité dans l’élimination, en 1995, du très populaire fondateur du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (Mosop), la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise rejetait toutes les accusations. A coups de millions, elle s’extrait définitivement de cette ténébreuse affaire. Les plaignants, un groupe de victimes de l’ancien gouvernement dictatorial nigérian de feu Sani Abacha, dont le fils de Saro-Wiwa, ont accepté le gentlemen-agreement ce lundi, devant la justice américaine.

Représentés par des avocats états-uniens des droits de l’homme du Centre pour les droits constitutionnels, les requérants auraient créé un précédent en menant à bout leur action contre la multinationale. La plainte était déposée sur la base d’une loi, celle de 1789 qui exige des sociétés ayant une présence substantielle aux Etats-Unis qu’elles respectent les lois américaines partout dans le monde. Mais plusieurs audiences préliminaires de ce procès inédit avaient été reportées ces dernières semaines, laissant présager l’arrangement.

Et le porte-parole du Mosop s’en réjouit. Il se dit satisfait de la compensation financière pour la mort de l’ex-leader écologiste et de huit autres dirigeants ogoni, rappelant que l’argent ira aux plaignants et à un fonds de soutien du peuple Ogoni. Plus, il demande aussi à Shell de dépolluer le sud du Nigeria, pays ogoni. Mais que peut-on attendre de la compagnie pétrolière maintenant qu’il n’y aura plus de procès ? Le litige est réglé. La firme s’engagera-t-elle vraiment dans un grand nettoyage ? Qui peut y croire ?

En 1993, il avait fallu des émeutes, des manifestations de centaines de militants du Mosop devant son siège à Port-Harcourt au Nigéria pour qu’elle se retire, après avoir anéanti la vie des pêcheurs et fermiers ogoni, en détruisant l’écosystème du Delta du Niger. Mais ce n’est qu’un repli tactique. Allié à la dictature militaire de Sani Abacha, l’ogre pétrolier revient sur ses pas. La suite ? Une chape de plomb s’abat sur le mouvement.

En 1995, Ken Saro-Wiwa, fer de lance de la lutte, défenseur du droit des Ogoni, accuse Shell d’exploitation sans partage des ressources locales. Pire, il reproche au géant anglo-néerlandais d’entretenir des troupes militaires dans la région. L’écrivain, cet empêcheur de pomper en profondeur, est poursuivi pour le soi-disant meurtre de ses propres camarades. Pendant que des exactions en cascades sont commises contre les Ogoni. Au terme d’une parodie de procès, Ken est pendu par le régime de Sani Abacha.

Aujourd’hui encore, quelles pressions ont dû subir les plaignants nigérians pour accepter un tel arrangement ? Ont-ils cédé à un quelconque chantage ou ont-ils, plutôt, succombé à l’appât du gain ? Toujours est-il que, pour la multinationale, ces 15,5 millions de dollars ne sont qu’une goutte de pétrole dans le Delta. Et que cette manne financière est si nécessaire pour le Mosop, comme le fait remarquer son porte-parole.

Par Anne Frintz ((stagiaire))

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 10 juin 2009 à 23:27 En réponse à : Indemnisation des Ogoni : 15 millions $ pour une corde de pendu

    "Une corde bien chère à première vue", écrivez-vous. Vous souvenez-vous qu’au bout de cette corde, un homme a perdu la vie ? Il mérite quand même un peu plus de respect, plus d’égards. De votre part, on se serait attendu au moins à la formule de politesse : "1,5 millions de dollars qui ne le ressusciteront pas".

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