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Blaise Compaoré attendait le Père Noël. Et c’est le Père Fouettard qui débarque à Ouagadougou

Publié le lundi 8 janvier 2007 à 08h18min

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Blaise Compaoré

L’affaire ne se serait pas passée à la veille d’un important rendez-vous international (sommets de la Cédéao et de l’UEMOA), les incidents de Ouagadougou seraient restés des épiphénomènes. Il convient d’ailleurs de noter que la presse française a plutôt eu tendance à faire l’impasse sur l’information.

Il n’y a que le quotidien L ’Humanité qui s’est risqué à évoquer un "climat d’insécurité" qui allait obliger les ouagalais "à vivre un réveillon de fin d’année la peur au ventre".

Une "bagarre" entre militaires et policiers tourne au drame : cinq morts, de nombreux blessés et quelques centaines de détenus dans la nature. On peut s’arrêter là. On peut aussi "extrapoler ". Et tenter de voir à qui peut, le cas échéant, profiter cette "affaire" (cf. LDD Burkina Faso 0119/Mardi 26 décembre 2006).

Blaise Compaoré va boucler, le 15 octobre 2007, ses vingt années au pouvoir. C’est long, certes, mais cela a été profitable au pays. Ces derniers jours en attestent à travers quelques exemples. La Croix, ainsi, se faisait récemment l’écho (19 décembre 2006) de la mise en place d’une formation continue diplomante de jeunes étudiants burkinabé de niveau bac + 2 ayant une formation professionnelle de trois ans minimum dans le cadre de l’Ecole des mines de Douai. Des Burkinabé pourront, désormais, obtenir chez eux, un diplôme d’ingénieur des mines. A court terme, une école d’ingénieurs des techniques industrielles sera implantée au Burkina Faso.

D’ores et déjà, des échanges en matière de recherche dans le domaine de la plasturgie sont assurés entre l’Ecole des mines de Douai et l’Ecole supérieure des sciences économiques, commerciales et techniques (Essect) de Ouagadougou.

C’est dire que le Burkina Faso est loin d’être un pays figé. Ni politiquement, ni socialement. Culturellement, le dynamisme est là également. Et les Burkinabé occupent le devant de la scène... chorégraphique. La Termitière vient d’ouvrir à Samandin, un quartier de Ouaga. C’est le Centre de développement chorégraphique (CDC) animé par Seydou Boro (fils d’un officier dans l’armée) et Safia Salia Sanou (qui a refusé une carrière d’inspecteur de police pour se consacrer à la danse). C’est pas un truc moche dans un coin pourri animé par des bricolos. Seydou et Salia sont des artistes de notoriété dans le milieu chorégraphique international (et le milieu chorégraphique burkinabé est, par ailleurs, particulièrement riche). Et La Termitière va devenir l’endroit branché pour tous les chorégraphes de la terre africaine et d’ailleurs. Une opération franco-burkinabé dont l’inauguration a quelque peu pâti des "bagarres" entre militaires et policiers. "Notre rôle, par nos oeuvres et par notre comportement de citoyens, est d’éveiller les consciences", a déclaré Seydou à l’issue de ces soirées troublées. Espérons que les chorégraphes et danseurs du CDC de Samandin y parviennent !

On le constate. A Ouaga ça marche et ça vit. Avec des soubresauts parfois mais ce n’est pas Abidjan où, voici sept ans, le 24 décembre 1999, en l’espace de quelques heures, sans un mort ni même un seul blessé, un "régime" considéré comme un modèle était tombé entraînant le pays dans un chaos dont il n’est pas encore sorti. Un chaos dont beaucoup ont pensé qu’il allait peser sur le devenir du Burkina Faso. Qui, bien au contraire, en est sorti ragaillardi.

Si ce n’est pas du côté de la politique intérieure burkinabé qu’il faut "extrapoler" sur les récents incidents qui ont opposé police et armée à Ouaga, c’est peut être, justement, du côté d’Abidjan qu’il faut chercher des motivations. Non pas que la "bagarre" déclenchée les 18-19 décembre 2006 l’ait été à l’instigation d’une quelconque "puissance étrangère" mais rien n’empêche de penser qu’il y ait un travail de sape qui soit mené au sein des "hommes en uniforme" par quelques uns de ceux qui pensent que si le Burkina Faso n’était pas l’arrière-cour de la rébellion ivoirienne, le "Sud" l’aurait depuis longtemps emporté sur le "Nord".

Dès le lendemain des événements des 18-19 septembre 2002, Ouaga était montré du doigt par Abidjan. Dans le même temps, Compaoré ne manquait pas d’affirmer haut et fort que Laurent Gbagbo était l’obstacle à toute solution à la crise intérieure ivoirienne. Abidjan s’était vanté d’étouffer rapidement son voisin du nord en stoppant le trafic ferroviaire avec Bobo-Dioulasso et Ouagadougou et, du même coup, en empêchant le Burkina Faso de faire transiter son commerce extérieur par le port d’Abidjan. On sait qu’il n’en a rien été. Ouaga a su et pu absorber les centaines de milliers "d’étrangers" qui ont dû fuir la Côte d’Ivoire après que leurs biens aient été spoliés et leur vie menacée.

Le Burkina Faso a également su et pu profiter de la crise ivoirienne pour repenser ses liaisons internationales et, dans le même temps, devenir le principal débouché des produits du "Nord" de la Côte d’Ivoire. Ce qui ne manque pas d’exaspérer, aujourd’hui encore, les responsables politiques ivoiriens !

Gbagbo sait que le calendrier lui est, en ce moment, favorable. Kofi Annan, qui n’a pas été capable d’apporter une solution multilatérale à la crise ivoirienne, quitte le secrétariat général des Nations unies. Son successeur ne va pas se pencher, du jour au lendemain, sur le dossier ivoirien d’autant plus, qu’en Afrique, il y a actuellement d’autres priorités : la Somalie, d’une part, et le Darfour d’autre part. La France, qui est le pays le plus engagé sur le terrain, va entrer en campagne électorale : présidentielle et législatives. Et aucun des deux candidats majeurs, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, ne se sont clairement prononcés sur le dossier ivoirien. En Afrique de l’Ouest, le Sénégal et le Mali vont, eux aussi, connaître les joies des consultations électorales. Au Togo et au Bénin, les situations demeurent difficiles. Et, ailleurs, cela va du pire (Guinée) au "moins pire" (Niger). L’Afrique de l’Ouest risque donc d’être, un certain temps, un "ventre mou". A l’exception du Burkina Faso dont la bonne santé politique, économique, diplomatique, sociale et culturelle ne manque pas d’agacer. D’agacer d’autant plus que dans la sous-région, on a souvent accusé Ouaga d’ambitions hégémoniques et d’ingérence dans les affaires intérieures des Etats de la sous-région (Côte d’Ivoire bien sûr, mais aussi Mauritanie, Togo, etc.).

Gbagbo sait que pour perdurer au pouvoir il faut que la crise ivoirienne perdure. Une présidentielle libre et transparente (qui reste encore, et pour longtemps, aléatoire) sonnera le glas de sa présence à la tête de l’Etat ivoirien et, plus encore, la défaite, pour un bon bout de temps, de son parti, le FPI. Sa seule marge de manoeuvre est la "magouille" politico-diplomatique avec le soutien de ses "alliés", l’Afrique du Sud (qui ne comprend pas toutes les nuances de la crise ivoirienne et de la réalité ouest-africaine) et l’Angola (qui a des contentieux à régler avec les anciens leaders ivoiriens du temps de Félix Houphouët-Boigny et Blaise Compaoré pour leur soutien à Jonas Savimbi quand l’UNITA était encore capable de s’emparer du pouvoir à Luanda).

Abdoulaye Wade me confiait, l’été dernier, qu’il lui fallait, de temps en temps, remettre les pendules à l’heure au palais présidentiel d’Abidjan. Il n’appréciait pas vraiment les "magouilles" de Gbagbo avec certains "rebelles" de la Casamance. A Bamako, certains prétendent également que Gbagbo serait le soutien des actions de déstabilisation (pour l’instant uniquement médiatique) de Amadou Toumani Touré, probable candidat à sa succession en mai 2007.

Dans ce contexte qui peut penser qu’Abidjan voit d’un bon oeil le désormais, "tout puissant" Burkina Faso accéder sans peine à la présidence des organisations sous-régionales : Cédéao et UEMOA et relancer un Conseil de l’Entente qui a été autrefois, l’outil forgé par Houphouët-Boigny pour assurer son hégémonie sous-régionale ? Pas moi ! Mais, bien sûrt je ne fais qu’ "extrapoler".

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 8 janvier 2007 à 11:01, par Slim En réponse à : > Blaise Compaoré attendait le Père Noël. Et c’est le Père Fouettard qui débarque à Ouagadougou

    Incroyable et partisant comme article. Il y’a un malaise terrible au Burkina. Gbagbo même s’il s’agit du pire président après Conté n’y est pour rien. Vous êtes français je l’imagine aisément, et ce n’est pas une compagnie de Théatre qui peut sortir le pays de son sous developpement, encore moins nourrir ces milliers de burkinabé qui crèvent de faim.
    On forme des ingénieurs c’est très bien. Est ce que vous savez que plus que les militaires, les diplômés sans emploie sont en mesure de faire tomber ce régime ? Ils sont immensément nombreux ces chomeurs, déprimés. Ils broient du noir, puisqu’il n’ya aucune perspective, aucun espoir. Evitez donc de nous distraire Monsieur.

    • Le 8 janvier 2007 à 21:39, par Désiré En réponse à : D’accord avec le Blanc-là ! Hypothèse mais pas distraction.

      Je respecte ton point de vue gars ! Mais tout de même, ce que tu dis c’est pour tout le monde ! En France même où c’est pas Blaise qui est président, ya diplomés sans travail qui couchent au bord de la rivière ! Y en a pas au bord du Kadiogo à Ouaga !
      Ce que le blanc là dit c’est vrai, comme hypothèse ! C’est jalousie qui tue, c’est pas manque de travail ! Faut pas attendre que la guerre vienne au Burkina pour dire après que "ah ah Blaise était quand même mieux" !
      Ensemble bâtissons le Faso avec tous les africains ! C’est demain qui est important ! Le passé est passé !

      • Le 9 janvier 2007 à 11:42, par natty En réponse à : > D’accord avec le Blanc-là ! Hypothèse mais pas distraction.

        cher desiré pour construire l’avenir,on se sert du passe comme exemple,on projete
        dans le present.Un homme qui oubli son passé na pas d’histoire.Si l’exemple du passé
        etait mieux pour nous que la masturbation intelectuelle actuel du present alors,nous avons
        interet à rechercher le passé pour l’ajourner dans le present et ainsi l’avenir ne se lira plus dans
        les cimetieres.

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