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Newton Ahmed Barry condamné pour diffamation : « Je n’ai jamais su l’existence d’une procédure engagée par le ministre Kassoum Coulibaly contre moi »

Publié le mercredi 17 janvier 2024 à 22h25min

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Newton Ahmed Barry condamné pour diffamation : « Je n’ai jamais su l’existence d’une procédure engagée par le ministre Kassoum Coulibaly contre moi »

Journaliste et ancien président de la CENI, Newton Ahmed Barry a été condamné le 29 décembre 2023 à deux mois de prison et à une amende de 250 000 FCFA, le tout assorti de sursis, pour avoir, selon le parquet, diffamé le ministre de la défense, le général de brigade Kassoum Coulibaly. Un procès tenu en l’absence de l’accusé. Contacté par Lefaso.net, il dit avoir été jugé et condamné à son insu. Contraint à l’exil pour ses prises de position, Newton Ahmed Barry a également donné sa lecture sur la situation actuelle que traverse le Burkina Faso. Pour lui, en plus du problème du terrorisme, les institutions et les valeurs républicaines qui maintenaient les équilibres indispensables à une société de droit se sont effondrées depuis la prise du pouvoir par les militaires.

Lefaso.net : Vous avez été condamné fin décembre à deux mois de prison et à une amende de 250 mille FCFA, le tout assorti de sursis, pour avoir diffamé le ministre de la défense, le général Kassoum Coulibaly. Comment avez-vous accueilli le verdict ?

Newton Ahmed Barry : C’est en lisant Lefaso.net que j’ai vu que j’avais été condamné à l’occasion d’un procès intenté contre moi pour diffamation. Je n’ai jamais su l’existence d’une procédure engagée par le ministre Kassoum Coulibaly contre moi. Jusqu’au moment où je vous écris, je ne sais pas lequel de mes posts a diffamé le ministre et quel passage exactement. Car en matière de diffamation les choses sont très précises. Donc comme j’ai réagi immédiatement sur ma page, j’ai été jugé et condamné à mon insu.

Qu’est-ce que le général Kassoum Coulibaly vous reproche exactement ?

Je ne sais pas exactement le contenu de la plainte. Le verdict a évoqué deux délits pour lesquels j’aurais été poursuivi : diffamation, outrage à un dépositaire de l’autorité publique. Je ne sais pas les faits allégués en soutien à ces chefs d’inculpation.

Depuis quelques temps vous vivez hors du pays…quelles sont les raisons de cet exil ?

Je suis contraint à l’exil pour délit d’opinion. Des escadrons sont venus à plusieurs reprises chez-moi dans l’intention de me kidnapper. Faute de m’avoir, ils se sont rabattus sur mon jeune frère. Enlevé le 8 octobre 2023 par des éléments d’une BIR et dont nous sommes jusqu’à présent sans nouvelles.

La grave crise sécuritaire que le Burkina Faso traverse depuis maintenant quelques années a entraîné des soubresauts politiques… En tant qu’observateur, quelle appréciation faite-vous de l’évolution de la situation nationale ?

Hélas, on va de Charybde en Scylla. En 2022, en janvier précisément, nous avions seulement un problème de terrorisme et dans une moindre mesure un problème de conflit communautaire. Mais l’Etat et les institutions étaient là. Nos valeurs républicaines étaient bien en place. Nous étions dans une dynamique difficile, c’est vrai, mais qui grosso modo maintenait les équilibres indispensables à une société de droit.

Trois ans après, tout montre que nous avons lâché la proie pour l’ombre. Le terrorisme s’est métastasé. Les institutions se sont effondrées. On ne lutte plus contre le terrorisme, mais contre les opinions non conformes. Aujourd’hui et pour la première fois de son histoire, des Burkinabè, par centaines, sont contraints de fuir leur pays pour délit d’opinion. Un paradoxe pour un pays construit sur le fondement de la liberté et du droit.

Comment voyez-vous l’évolution de cette situation ? Y-a-t-il des motifs d’espoir ou au contraire, faut-il s’en inquiéter ?

Comme on dit, le pire n’est jamais certain. Mais aujourd’hui on a beau chercher, il est difficile de trouver les raisons d’être optimiste. Nous sommes face à une situation inédite de la surenchère de la bêtise et de la violence. Si seulement ceux qui ont la chance de présider aux destinées du pays pouvaient comprendre que rien de durable ne se construit dans la violence et la contrainte ? La force est le pire allié de tout pouvoir politique, s’il n’est fondé sur le droit et le consentement volontaire des citoyens. Il faut espérer que la raison revienne avant qu’il ne soit trop tard.

Lefaso.net

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