LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Insertion socioprofessionnelle des handicapés : Le handicap n’est pas synonyme de fatalité, selon Issoufou Ouédraogo

Publié le mercredi 5 juillet 2023 à 22h10min

PARTAGER :                          
Insertion socioprofessionnelle des handicapés : Le handicap n’est pas synonyme de fatalité, selon Issoufou Ouédraogo

Les personnes handicapées ont très souvent du mal à trouver une place dans le monde professionnel. Le regard d’autrui et les préjugés constituent parfois les obstacles qui conduisent bon nombre d’entre elles à abdiquer sans pouvoir réaliser leurs rêves. Cependant, l’une des rares personnes à sortir du lot, Issoufou Ouédraogo, assistant en sciences et techniques de l’information et de la communication casse les codes. Il montre qu’avec la volonté et la rage de réussir, le handicap n’est point une fatalité, mais plutôt un atout et une force qui doivent servir toute personne affectée.

La vision, au sens propre du terme, est l’outil souvent considéré comme essentiel pour collecter des informations et raconter des histoires dans le monde du journalisme. Cependant, il existe une catégorie de personnes qui démentent cette croyance largement répandue à l’instar d’Issoufou Ouédraogo, handicapé visuel.

Issoufou découvre son amour pour le journalisme depuis l’enfance. Cet amour grandit avec le temps grâce aux intéressantes, palpitantes et savoureuses émissions qu’il a pour habitude de suivre à la radio. En effet, pendant que les membres de sa famille s’adonnent aux travaux champêtres à l’époque, Issoufou trouvait mieux à faire : se délecter des programmes radiophoniques.

« En écoutant les journalistes qui animent au quotidien la radio, cela m’a donné envie de leur ressembler », confie-t-il. Ce désir et cette ferme volonté de se faire compter parmi les hommes de médias va rapidement se confirmer, quand Issoufou obtient le baccalauréat littéraire en 2021 au lycée mixte de Gounghin situé dans la capitale burkinabè.

« Le handicap n’est pas une fatalité ! Au contraire, les personnes doivent en faire un atout », Issoufou Ouédraogo, nouvel assistant en sciences et techniques de l’information et de la communication de l’ISTIC

Afin de réaliser son rêve, après avoir validé le bac A, Issoufou décide de relever les défis qui s’imposent pour acquérir les compétences d’un journaliste aguerri. Pour ce faire, il intègre l’Institut des sciences et techniques de l’information et de la communication (ISTIC) en 2021. La formation dont il bénéficie renforce davantage les qualités précieuces dans le paysage médiatique, du jeune homme de 24 ans qu’il est.

L’ouverture d’esprit

De teint noir et d’une taille d’un mètre soixante-sept, l’incapacité pour Issoufou de voir physiquement le monde extérieur le contraint à développer une ouverture d’esprit et une capacité d’empathie hors du commun. Ne pouvant se fier à ses yeux, l’intéressé est amené lors de ses collectes d’informations, à explorer différents points de vue et à chercher à comprendre les réalités vécues par autrui. Son empathie accrue lui permet d’interagir avec les sources, de recueillir des informations plus approfondies et de produire des reportages nuancés.

« Je suis une personne qui aime la culture générale et cela fait que j’ai aussi un penchant pour le droit. En plus du journalisme, le métier d’avocat également me passionne tout particulièrement », déclare Issoufou plein d’enthousiasme.

« Le sixième sens des personnes vivant avec un handicap est la force que les autres n’ont pas », souligne Issoufou

En l’absence de la vue, Issoufou se focalise naturellement sur d’autres sens, en particulier l’ouïe. Il développe ainsi une capacité d’écoute exceptionnelle, qui lui permet de détecter les subtilités de la voix, les intonations et les émotions dans les récits de ses interlocuteurs. De plus, son handicap lui procure l’avantage d’une certaine maîtrise de l’expression orale, qui lui est indispensable pour raconter les faits sans l’aide de supports visuels. Ce qui permet de captiver son auditoire grâce à la force de ses mots.

La résilience et la persévérance

Issoufou se heurte à des défis uniques lorsqu’il s’agit de recueillir des informations visuelles. Pour compenser cette limite, il travaille en équipe et se fait aider pour l’enregistrement des sons et des images. Sa préparation minutieuse avant une entrevue ou un reportage est essentielle afin de fournir un contenu précis et bien fourni.

Le parcours d’Issoufou est souvent marqué d’obstacles et de préjugés. Malgré ces défis, celui-ci fait preuve d’une détermination exceptionnelle et ne se laisse aucunement décourager. Sa résilience est un moteur puissant qui lui permet de repousser ses limites et de faire entendre sa voix dans un secteur parfois peu accessible. Sa persévérance, elle, est une source d’inspiration pour ses camarades, montrant que la passion et le talent peuvent triompher de toute adversité.

Pour Esther, “Issouf‘’ est une personne pleine d’ambitions et de courage

Derrière toutes ces qualités énumérées, se cache un homme têtu. Rien ne peut faire changer d’avis Issouf (diminutif que lui ont attribué amis et proches), lorsqu’il prend une décision, révèle son amie Fasnewendé Esther Ouédraogo.

À l’instar des stagiaires en fin de cycle, Esther vient aussi d’achever sa formation d’assistant en sciences et techniques de l’information et de la communication, ce samedi 24 juin 2023 à l’ISTIC. En première année, Esther rencontre Issouf dans le bus alors qu’ils se rendaient à l’école. Une fois descendus du bus, elle se propose de l’accompagner jusqu’à destination. Ils font ainsi chemin ensemble, font connaissance et se rencontrent fréquemment dans ce moyen de transport en commun jusqu’à ce qu’Esther se procure une moto. Dans l’optique de lui apporter davantage son aide, Esther se propose donc de venir chercher Issouf les matins à son domicile à Gounghin, pendant qu’elle réside au quartier de Kilwin, deux quartiers diamétralement opposés de Ouagadougou.

Dans la cours de l’ISTIC, alors qu’Issouf venait de finir sa soutenance, l’on pouvait apercevoir Esther et Issouf en train de se taquiner avec amitié. Autour d’eux, se trouvent les parents d’Issouf venus assez nombreux pour le soutenir. Issouf présente Esther à la famille, qui se réjouit de savoir que leur fils est bien intégré dans l’école.

Quelques membres de la famille d’Issouf présents à sa soutenance

Malgré son handicap visuel, Issouf vit tout seul en location, affirme Esther. Avant d’ajouter qu’il est d’ordinaire compliqué pour tout homme de vivre seul, à plus forte raison pour ceux se trouvant dans le cas d’Issouf, relève-t-elle.

Esther dit par la suite avoir tenté sans succès de convaincre Issouf de déménager chez ses parents ou un tuteur. Pour illustrer l’entêtement d’Issouf dans ses prises de position, Esther raconte cette anecdote qui s’est produite le jour de la soutenance de l’intéressé, ce lundi 26 juin 2023. « Alors qu’Issouf devait soutenir à 8h, il a décidé de quitter son domicile à 7h30. Et moi qui me suis proposée de l’accompagner, j’ai jugé par précaution qu’il fallait démarrer plus tôt (6h) pour éviter tout désagrément. Mais Issouf est resté ferme sur sa décision », relate-t-elle.

Si des efforts sont consentis par le gouvernement pour l’insertion socioprofessionnelle des personnes en situation de handicap, comme l’a souligné Issouf dans la présentation de sa production (au cours de sa soutenance), il note que beaucoup d’efforts sont encore à faire dans ce sens. Pour Issouf, il est judicieux de donner l’opportunité aux personnes en situation de handicap, de montrer qu’elles sont capables de faire des exploits.

Né le 31 décembre1999 à Gourcy, localité située dans la province du Zondoma, dans la région du Nord, du Burkina Faso, Issouf raffole du « Benga » (met local à base d’haricot). Célibataire et sans enfants, il ambitionne de se marier et d’avoir une progéniture. Issouf est une personne joviale et sociable. Il n’aime pas se mêler aux débats religieux, car pour lui, les gens sont nombreux à parler en réalité de ce qu’ils ne savent pas. Issouf dit détester le mensonge et la négligence.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique