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Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

Publié le mardi 29 mars 2022 à 22h50min

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Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

Crise sécuritaire et humanitaire, mauvaise gouvernance, absence de cohésion sociale…, voici autant d’éléments qui caractérisent aujourd’hui la situation nationale au Burkina Faso. Des faits qui tendent à peindre le tableau du pays tout en noir. Pour sortir de l’impasse, « les autorités burkinabè doivent faire preuve de responsabilité, de transparence et d’inclusion ». C’est ce qu’estime le diplomate, enseignant-chercheur et par ailleurs Busm Keoogo-naaba Koobo, Dr Poussi Sawadogo, dans l’entrevue accordée à Lefaso.net. C’était le vendredi 25 mars 2022 à Ouagadougou.

Lefaso.net : Au regard de la situation sécuritaire qui demeure préoccupante, quelle est l’initiative à prendre selon vous pour venir à bout du phénomène ?

Dr Poussi Sawadogo : Je pense que le gouvernement est conscient. Il a été composé pour faire face prioritairement à cette question du terrorisme. Sur cette base, je n’ai pas à leur dire ce qu’ils doivent faire parce qu’ils le savent déjà. Sinon ce que j’ai à dire c’est qu’ils persévèrent dans l’élan de sécuriser les populations. C’est vraiment l’attente majeure au regard de la situation préoccupante que connaît notre pays.

Quelle doit être la contribution de l’Assemblée législative de transition pour sortir le Burkina Faso de la crise ?

Les membres de l’Assemblée législative de transition doivent travailler à élaborer des lois qui permettent au pays de sortir de cette situation difficile. Car nous avons besoin de textes d’encadrement qui concourent à améliorer la gouvernance de façon globale mais surtout la gouvernance sécuritaire pour de meilleurs résultats sur le terrain.

L’on a assisté ces temps-ci à la naissance de plusieurs mouvements pour dénoncer la coopération du Burkina avec l’Occident, notamment la France, qu’en pensez-vous ?

Je dirai tout simplement que les questions de coopération sont d’abord des questions de vision par rapport à l’action diplomatique du pays. Quelle politique étrangère avons-nous pour mobiliser les ressources intérieures et extérieures en vue de présenter un bon visage de notre pays à l’international ? Cela, dans le seul but de tirer le meilleur profit de la coopération. Alors pour moi il n’y a pas de choix à faire. Il y a tout simplement un génie à développer pour engranger suffisamment d’avantages pour son pays, quel que soit le partenariat.

L’international, ce n’est pas une question de morale. C’est une question de rapport de forces et d’intérêts. Donc, à partir du moment où nous aurons une vision claire de notre politique étrangère et qu’on aura des acteurs compétents en la matière, toutes ces critiques vont disparaître.

Il ne faut pas aussi occulter le fait que nous devons nous projeter à l’international. On peut avoir une certaine expertise à vendre à l’international. Nous avons une diaspora qui peut également apporter son soutien pour que le pays puisse trouver de l’équilibre. Donc il ne faut pas seulement se focaliser sur ce que les partenaires internationaux peuvent nous donner mais sur tout ce que notre génie peut nous permettre de vendre à l’international afin de rapporter quelque chose pour le pays.

Quel est aujourd’hui, selon vous, le mécanisme à mettre en place pour aboutir à une bonne gouvernance au Burkina Faso ?

Je pense qu’il y a simplement des principes à respecter. Ce n’est pas une question de mécanisme. Quand on parle de gouvernance, le premier principe c’est la responsabilité. Que ceux qui gèrent la chose publique puissent être responsables et capables de rendre compte de ce qu’ils font des ressources publiques.

« Si l’on respecte ces principes alors je pense que nous pouvons faire avancer notre pays vers de meilleurs horizons », déclare le diplomate Poussi Sawadogo

Il y a aussi la transparence. Il n’y a pas de raison que l’on cache à l’opinion nationale ce qui se fait. Et là, je pense que le travail des médias est essentiel pour rapporter ce qui se fait et montrer que les choses bougent. Et également mobiliser les populations, les communautés, les citoyens à accepter payer le prix. Car c’est aussi cela la transparence, d’aider et d’accompagner les gouvernants quand ils sont sur la bonne voie.

Ensuite c’est la participation. Je pense que nous sommes dans une dynamique où il ne faut pas laisser quelqu’un au bord de la voie. On doit engager tous les Burkinabè, chacun en fonction de ce qu’il peut apporter au pays en les motivant à participer activement à aider le pays à sortir de cette crise sans précédent. En ce sens chacun doit être un agent qui veille d’abord sur lui-même pour ensuite veiller sur les autres en vue de favoriser une gouvernance de qualité.

Enfin, c’est l’inclusion. Il faut que chacun puisse se sentir concerné de sorte à bénéficier des profits que génère le pays. Si l’on respecte ces principes alors je pense que nous pouvons faire avancer notre pays vers de meilleurs horizons.

Le retour des exilés politiques, en l’occurrence Blaise Compaoré, est-il capital pour aller à une paix véritable et durable au Burkina Faso ?

Je pense que quand on parle d’inclusion et de participation, cela suppose que toutes les personnes qui peuvent par leurs expériences contribuer à sortir le pays de la crise et même par le simple fait qu’ils soient de ce pays, ne doivent pas être marginalisées.

« Il faut d’abord avoir le réflexe de se demander pourquoi l’on doit discuter ? », a indiqué le Busm Keoogo-naaba Koobo

Oui, il y a le cas du président Compaoré mais il y a actuellement celui du président Roch Kaboré qui est en résidence surveillée. Je pense que si l’on veut enclencher un processus de réconciliation nationale, il faut que tout le monde puisse être autour de la table parce qu’il ne s’agit pas de décider du sort d’un individu mais de décider du sort d’un pays. Et si nous avons une préoccupation fondamentale pour nos enfants et petits enfants, je pense qu’on peut dépasser les questions de personnes pour aller vers la résolution effective des problèmes.

Lire aussi : Initiative paix au Sahel : Le Dr Poussi Sawadogo vante les valeurs du « Kéoogo »

Vous savez en négociation, on dit qu’il y a deux approches. Il y a l’approche de position et l’approche raisonnée. Dans l’approche de position, on a tendance à écarter l’autre partie ou une des parties parce que l’on dit que leur présence est facultative. Mais il faut d’abord avoir le reflexe de se demander pourquoi l’on doit discuter ? Et si on sait que l’on doit discuter pour la paix, on doit faire de telle sorte que tous les fils puissent discuter à cette "table ronde de la paix".

Donc le plus important n’est plus les personnes en fonction de ce qu’elles ont été ou de ce qu’elles sont mais de comment on fait pour sortir dans la situation dans laquelle on se trouve et qui est très inconfortable. Ce n’est donc pas une question d’individus mais de priorité absolue qui est de trouver la paix au Burkina Faso. Et pour retrouver la paix au Burkina Faso, chaque Burkinabè peut apporter sa pierre.

Pour ce qui est de la détention de l’ex président Roch Kaboré, les autorités disent l’avoir mis en résidence surveillée pour sa sécurité. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que c’est eux qui le détiennent et c’est eux qui ont la possibilité d’apprécier. Mais d’un regard extérieur on se demande est-ce que cela en vaut la peine ? Qu’est-ce qui peut menacer sa sécurité s’il n’est pas en résidence surveillée ?

« L’on s’interroge sur la menace que l’ex président Roch Kaboré court en étant chez lui à domicile », souligne l’enseignant-chercheur Poussi Sawadogo

Je pense qu’ils vont communiquer davantage pour donner des arguments qui montrent effectivement que c’est pour sa sécurité. Parce que quand observe avec nos yeux qui ne sont pas ceux d’experts en sécurité, on ne peut pas faire ce lien. Cependant, l’on s’interroge sur la menace qu’il court en étant chez lui à domicile. De toutes les façons normalement en tant qu’ancien chef de l’État, il a toujours au moins droit à une certaine sécurité même s’il était logé dans sa propre résidence pour le protéger en cas de danger.

Quelle analyse faites-vous de la crise au sein de l’ex parti au pouvoir, le MPP ?

Tout le problème du pays se résume aux hommes politiques qu’on a, qui manquent de constance et de convictions. Pour moi, c’est aussi clair que cela. On ne peut attendre mieux de ces gens-là. Puisque ce sont des saprophytes tout simplement qui se sont appropriés le pays pour partager un gâteau. Et comme on leur a confisqué le gâteau, il leur faut se repositionner en espérant qu’un jour…

Quel est votre avis sur le rappel des éléments des forces de défense et de sécurité admis à la retraite pour renforcer la lutte antiterroriste ?

En ma qualité de diplomate, j’enseigne la coopération et je peux mieux m’exprimer sur ce sujet par rapport aux questions militaires. N’étant pas expert des questions militaires, il m’est difficile d’y apporter un jugement. Cela a été la réticence et la même prudence que j’ai observé lorsque l’on voulait se lancer dans la mobilisation des volontaires pour la défense de la patrie (VDP)... Les militaires ont décidé. Attendons de voir ce qu’il va se passer avec le temps.

De nombreux élèves sont aujourd’hui livrés à eux-mêmes suite à la fermeture des écoles du fait du terrorisme, quelle peut-être la solution pour qu’ils ne virent pas dans la délinquance ?

Je pense que les solutions sont déjà en vigueur. J’ai eu à travailler avec une fondation basée au Mali où j’ai mené une petite recherche sur l’éducation en situation d’urgence au Burkina, au Mali et au Niger. J’ai constaté qu’il y a des initiatives en cours sur l’éducation en situation d’urgence qui permettent quand même de rattraper certaines situations de déscolarisation liées à l’insécurité. Donc je pense que des efforts sont faits. Peut-être que les partenaires doivent appuyer davantage ces efforts pour permettre aux régions touchées de pouvoir assurer la continuité éducative pour les enfants qui sont dans des zones à hauts défis sécuritaires à travers des nouvelles technologies ou d’autres approches (l’école par la radio par exemple).

Quel est votre dernier mot pour clore cet entretien ?

Je m’adresse aux nouvelles autorités pour leur dire qu’elles ont la plus grande responsabilité face au péril que nous vivons actuellement. Comme ils le disent régulièrement, ils ne sont pas des politiques et nous savons que le mal du Burkina a été causé par ces derniers et nous ne voulons même pas qu’ils soient politiciens.

Dès lors qu’ils ne sont pas politiciens, ils peuvent se positionner en médiateurs, en facilitateurs pour emmener les politiques à se parler, à sortir de la sphère de la haine, de la rancœur et à pouvoir donc se mettre ensemble.

Avec le soutien des autres communautés, notamment les communautés coutumières et religieuses, les corps professionnels, les organisations de la société civile, que l’on regarde ensemble dans la même direction. Et que l’on tourne la page à toutes ces douleurs qui nous ont été imposées par notre incapacité à nous pardonner, de nous accepter afin qu’un Burkina nouveau naisse ; qu’un Burkina de paix et de prospérité puisse commencer à faire son chemin.

Propos recueillis par Hamed NANEMA
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 29 mars 2022 à 12:45, par LAMIZANA Souleymane En réponse à : Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

    Tous mes respects Excellence,
    J’ai lu votre interveiw avec beaucoup d’intérêt et je me réjouis de voir que votre analyse est vraiment très constructive et surtout emprunt de respect.
    Que Dieu et les mânes de nos ancètres nous assistent et surtout que nous burkinabé, comprenons que la solution n’est pas dans la main des partenaires, c’est notre affaire.
    Que Dieu continue de vous éclairer.

    Souleymane LAMIZANA

  • Le 29 mars 2022 à 13:14, par DU BON En réponse à : Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

    Le retour de la Paix pourquoi faire ? La Paix est une chose qui ne vient pas de DIEU TOUT PUISSANT. Et pour preuve DIEU a tout fait JUSTE et BON et en EQUILIBRE.
    Vous avez travaillé pour l’injustice et cela a contribué à nous éloigner de la paix
    Vous avez travaillé pour votre bien et cela a contribué à nous éloigner du BONHEUR
    Vous avez travaillé en intelligence DESEQUILIBRE et cela a contribué à nous DESORGANISER.
    L’homme ne sait que nuire ou détruire et cela perpétue la négativité.

  • Le 29 mars 2022 à 13:31, par Jean En réponse à : Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

    Très poignante, incisive, claire et bien inspirée comme reflexion. Qu’entende et exécute cette sagesse, tout homme de bonne volonté. Amen.

  • Le 29 mars 2022 à 13:52, par Tengbiiga En réponse à : Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

    Je trouve par contre que c’est une interview langue de bois. Il n’y a aucune idée nouvelle dans cette interview.
    Soyons plus innovant. On ne fait pas une interview juste pour la faire.

  • Le 29 mars 2022 à 21:59, par Mechtilde Guirma En réponse à : Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

    « L’international, ce n’est pas une question de morale. C’est une question de rapport de forces et d’intérêts. Donc, à partir du moment où nous aurons une vision claire de notre politique étrangère et qu’on aura des acteurs compétents en la matière, toutes ces critiques vont disparaître […]. Vous savez en négociation, on dit qu’il y a deux approches. Il y a l’approche de position et l’approche raisonnée. Dans l’approche de position, on a tendance à écarter l’autre partie ou une des parties parce que l’on dit que leur présence est facultative. Mais il faut d’abord avoir le reflexe de se demander pourquoi l’on doit discuter ? Et si on sait que l’on doit discuter pour la paix, on doit faire de telle sorte que tous les fils puissent discuter à cette "table ronde de la paix. »

    Excellent Docteur…Naaba. Tous mes respects

  • Le 30 mars 2022 à 09:47, par Bakounine En réponse à : Burkina Faso : « Le retour de la paix nécessite l’implication de l’ensemble des fils », Dr Poussi Sawadogo

    Du vent. Poussi Sawadogo qui a été membre du dernier gouvernement de Blaise Compaoré est dans son rôle pour théoriser sur les vertus de la réconciliation. Ce que M. Sawadogo veut nous dire, c’est qu’il faut impliquer Balise Compaore dans la recherche de la paix au pays, ce qui passerait necessairement par un retour au pays...le plan du CDP est en marche, et on les voit venir. Le peuple est vigilant.

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