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Coup d’État au Burkina Faso : Et maintenant que faire ?

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Publié le mardi 25 janvier 2022 à 23h25min

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Coup d’État au Burkina Faso : Et maintenant que faire ?

Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) a publié un communiqué par lequel il met fin au pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré le 24 janvier 2022. Le pouvoir déchu était tombé symboliquement après l’attaque d’Inata le 14 novembre 2021. Cette défaite et sa cause : des gendarmes affamés, abandonnés par les chefs militaires et qui sont exterminés par l’ennemi ont assommé et anéanti le régime. Roch Marc Christian ne s’en est pas relevé, choqué physiquement et moralement, il a voulu tout chambouler par un changement de paradigme, de gouvernement, mais il est renversé deux mois après.

Le président déchu a fait des erreurs dans cette guerre que notre pays subit, et l’armée n’est pas sans reproche non plus. Il ne sert à rien de revenir sur le passé qui montre que notre pays a touché le fond avec un État en déliquescence, une armée divisée et pas en capacité de défendre le territoire. Et ce dernier coup d’État ne sera pas sans conséquences non plus. Les problèmes sont nombreux et la junte ne s’est pas invitée à un dîner de gala, quels sont les énigmes qui sont sur son chemin ?

Maintenant qu’elle s’est installée au pouvoir elle sera confrontée à de multiples défis au plan national, régional et international. Une chose a été démontrée par les derniers évènements : il est plus facile de renverser un régime que de gagner la guerre contre les groupes terroristes. Une journée aura suffi pour retirer le pouvoir des mains du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Mais diriger un pays est une autre paire de manches, et surtout un pays en guerre contre des groupes armés.

Les observateurs se posent des questions sur la composition du MPSR qui a pris le pouvoir. Toute l’armée suit-elle ce mouvement ? Qu’est-ce que la junte fera des officiers supérieurs qui travaillaient avec le pouvoir MPP ? Que fera-t-elle de ceux qui sont arrêtés et qui sont en jugement ? Le procès Thomas Sankara et les douze autres personnes assassinées reprendra-t-il ?

Les décisions qui seront prises sur ces sujets ne seront pas anodines et seront des marqueurs du régime. Les réseaux sociaux avaient annoncé la libération du général Gilbert Diendéré dès les premiers coups de feu au camp Sangoulé Lamizana. Si le général Gilbert Diendéré est libéré, le message que les gens liront est que la restauration prônée est celle du régime du dictateur Blaise Compaoré. Si le pouvoir a échoué au niveau de l’armée, il y a des responsabilités pour les politiques et les militaires. Concernant le drame d’Inata, les responsabilités n’ont pas été situées publiquement. Notre armée est en crise et c’est ce qui explique ce coup d’État. Quelles solutions le nouveau pouvoir va apporter à cette incapacité des militaires à vaincre ? Avec qui la junte va-t-elle diriger le pays ? Les coups d’État ne sont pas les moments les plus favorables pour la création de la cohésion sociale, car ils écartent par la force ceux qui ont obtenu la caution du peuple.

Le Burkina cerné de toutes parts par la CEDEAO

Des inquiétudes subsistent au plan international sur le retour à un ordre constitutionnel normal. En faisant signer une lettre de démission au président Roch Marc Christian Kaboré, selon le modèle des putschistes maliens, c’est un hommage au lieutenant-colonel Assimi Goïta. Le Mali sera-t-il le modèle à suivre ? Très tôt le nouveau pouvoir en place sera confronté à l’établissement d’un calendrier électoral.

Il serait dommage qu’il engage un bras de fer avec la communauté internationale, car le Burkina n’est pas le Mali, on n’aura aucune porte de sortie si un embargo est décidé contre le pays. Nous sommes totalement enfermés par des pays de la CEDEAO et de l’UEMOA. Le Mali dirigé par des militaires est aussi sous embargo. Quelle sera la porte d’accès à la mer du pays dans ces conditions ? Les coûts de transport des marchandises dans ces conditions seront rédhibitoires si c’est en traversant le Mali que nous aurons une opportunité d’accéder à la Mauritanie, la Guinée et l’Algérie. Le Mali est en discussion avec la médiation onusienne pour lever son embargo, que ferons-nous s’ils réintègrent la CEDEAO ?

Nous avons près de deux millions de personnes déplacées internes, des zones où les récoltes ont été brûlées, où les paysans n’ont pas pu cultiver et où la saison des pluies n’a pas été bonne. Ces personnes sont en état de choc et ne savent pas que le pouvoir a changé de mains. Penser à elles et à leur sort est aujourd’hui entre les mains de ceux qui ont pris le pouvoir.

Sana Guy
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