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Procès de l’affaire Justin Zongo [ Acte 1] : Les trois inculpés rejettent en bloc les accusations »

Publié le mardi 23 août 2011 à 04h12min

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Comme annoncé, les policiers Belibi Nébié, Fayama Bema et Narcisse Roger Kaboré, accusés de coups mortels et de complicité de coups mortels, ont comparu ce lundi devant la Cour d’Appel de Ouagadougou, dans le cadre du procès de l’affaire Justin Zongo. Appelés successivement à la barre, les inculpés ont tous plaidé non coupables, même s’ils reconnaissent chacun avoir eu affaire au regretté élève.

« Je ne reconnais pas les faits (complicité de coups mortels) qui me sont reprochés », a indiqué d’entrée de jeu l’officier de police Narcisse Roger Kaboré, invité le premier à la barre par le président du tribunal, Dofini Ouarayo.
Considéré comme celui qui aurait incité ses subordonnés à commettre des coups mortels sur Justin Zongo, Kaboré, il dit ignorer les violences subies par le regretté jusqu’à ce que le procureur du Faso l’en informe le lendemain de sa rencontre (celle-ci a eu lieu le 17 janvier 2011) avec Justin Zongo. Selon ses explications, c’est à la cinquième convocation que Justin, contre qui l’élève Amie Zongo avait porté plainte pour des coups et blessures volontaires, s’est finalement présenté au commissariat de police. Après l’avoir auditionné, il aurait donné l’ordre à un subordonné, en l’occurrence, Belibi Nébié, de le garder à vue.

Pourquoi Belili Nébié a poussé Justin Zongo

Aminata Zongo

Dans sa comparution, à la suite de l’officier Kaboré, l’assistant de police Belibi Nébié niera lui aussi les faits en son encontre, à savoir coups mortels sur Justin Zongo. « Je refuse l’accusation » a-t-il répondu laconiquement au président du tribunal. Et de clarifier les circonstances dans lesquelles il a mis feu Zongo au violon. Il aurait refusé d’enlever la corde de sa culotte et d’entrer dans le violon malgré les supplications. Ce que l’assistant Nébié s’est chargé lui-même de faire. Toute chose qui aurait irrité Zongo qui refusait catégoriquement d’entrer dans le violon, s’agrippant aux barres pour ne pas y entrer. Nébié a alors réussi a détaché une de ses mains des barres et a essayé de l’entraîner vers l’entrée du violon. Justin s’est ensuite retourné pour regarder Belibi qui l’a aussitôt poussé. Un geste qui l’aurait fait cogner la barre. A sa sortie du violon le même jour du 17 janvier, Nébié aurait remis à Zongo ses effets et celui-ci lui aurait signifié que tout allait bien. « Depuis le 17 janvier, je ne l’ai plus revu ». Nébié n’a pas fait partie de l’équipe des policiers qui sont allés chercher plus tard Justin dans son établissement le 2 février pour l’amener au commissariat.

Bema Fayama lui en faisait partie mais il ignorait au départ le motif de l’interpellation et que c’est sur place qu’il s’est renseigné. « Je ne reconnais pas les faits », indiquera Fayama à la barre, lui qui concède toutefois avoir administré une gifle à Justin, quand celui refusait avec arrogance d’obtempérer malgré leurs efforts de le raisonner et de le rassurer du fait que tout allait bien se passer à la police.

Le témoin Marcel Kaboré en vedette

Que s’est-il passé quand vous lui avez administré la gifle ? Est-il tombé ?, a voulu comprendre le président Ouarayo. « Moi j’ai 28 ans et Justin en avait 24. Pensez-vous qu’avec cette proximité d’âge une gifle de ma part pouvait faire tomber Justin ? », a rétorqué en substance l’accusé. Pour lui, Justin Zongo n’avait rien quand ils l’ont conduit au commissariat vers 10 h le 2 février 2011 et qu’il serait monté lui-même dans le véhicule. Il a en outre dit sa surprise lorsqu’on l’a dit plus tard que Justin est revenu vers 16 h au commissariat avec des « sparadraps » sur les joues alors qu’il n’avait rien dans la matinée. En clair, Fayama, tout comme ses prédécesseurs à la barre, dit n’y être pour rien dans ce qui est arrivé le 20 février 2011 à Justin Zongo, mort dans des circonstances encore troubles.
C’est sur cette ligne en défense que le président du tribunal prononcera à 15 h la suspension du procès pour une heure.

Cela dit 26 témoins ont répondu présents. Parmi eux l’élève Amie Zongo et Dr Berthe Souly/Ouattara qui avait attesté que Justin était mort de méningite. Mais, pour ce début du procès, celui qui a réussi à voler la dette aux autres témoins, c’est incontestablement l’élève Marcel Kaboré. Il a en effet entraîné la suspension de l’audience pendant une trentaine de minutes pour s’être disparu entre-temps dans la nature au moment de l’appel. C’est un peu plus tard, qu’il réapparaîtra en plein procès, alors que les avocats de la partie civile s’inquiétaient pour son intégrité physique.

Evidemment, comme c’est souvent le cas en pareille circonstance, les avocats ne se sont pas fait des cadeaux. Dans un premier temps, c’est Me Moumouny Kapiho de la défense qui a tente de remettre en cause la qualité des éléments de la partie civile. Des avocats de la partie civile charge à leur tour la défense, la qualifiant également d’irrégulière. Finalement, c’est le président qui intervient pour calmer le jeu et permettre la poursuite de l’audience, indiquant que ce n’était pas encore le lieu de soulever des exceptions.

« Tout va dépendre » selon le ministre de la Justice

L’ambiance était surchauffée avec la mobilisation massive des élèves et étudiants malgré cette pluie matinale. Avant le début proprement dit du procès (il y a eu dans un premier temps une audience solennelle à laquelle le ministre de la Justice, garde des sceaux, Jérôme Traoré a assisté), ils avaient pris d’assaut la porte de la salle d’audiences du Tribunal de grande instance qui leur était restée hermétiquement fermée. Finalement, c’est le ministre Traoré en personne qui donne l’ordre de les laisser entrer. Une décision saluée à sa juste valeur par des salves d’applaudissements des bénéficiaires.
Ceux-ci se sont littéralement rués à l’entrée de la salle, entraînant une bousculade monstre, et endommageant au passage des bancs. La salle s’est vite révélée petite et beaucoup étaient obligés de suivre le procès débout.

Une fois à l’intérieur, les soutiens de Justin font sentir leur présence au point d’inquiéter sérieusement Me Kapiho qui se voit obliger d’intervenir à maintes reprises pour plaider en faveur d’un climat serein et propice à la manifestation de la vérité et du droit. Il est soutenu par le président du tribunal qui a demandé au public de faire preuve de retenue pour que le procès se déroule dans le respect des droits des inculpés et l’équité.

Quant au verdict du procès, les observateurs les plus optimistes l’annonçaient pour très tard dans la nuit, voire pour ce matin, au regard du nombre important des témoins (26 personnes), des avocats. Bref, « Tout va dépendre », pour reprendre le mot du garde des sceaux à la presse à l’issue de l’audience solennelle.
Les inculpés, faut-il le rappeler, risquent jusqu’à 20 ans de prison.

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

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