LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Ce sont nos choix qui montrent qui nous sommes, bien plus que nos capacités.” Joanne K.Rowling

AFFAIRE JUSTIN ZONGO : Le procès d’un certain Burkina

Publié le jeudi 25 août 2011 à 02h35min

PARTAGER :                          

Le dossier Justin Zongo, du nom de l’élève burkinabè dont le décès dans des circonstances nébuleuses, avait suscité de violentes manifestations de ses camarades à travers le pays, a enfin connu un dénouement. Le procès qui a connu des reports avant de se tenir le 22 août dernier à Ouagadougou, a livré son verdict. Même en l’absence d’une autopsie, et en se basant sur ses enquêtes et les rapports médicaux qui font état de méningite et de traumatisme dont aurait été victime l’élève de Koudougou, l’autorité judiciaire a pu dire le droit. Preuve, si besoin en est, qu’il suffit de quelques moyens et de suffisamment de volonté politico-judiciaire pour que les dossiers ne traînent plus dans les tiroirs.

En plus de la célérité dans le jugement de cette délicate affaire, les peines qui ont été infligées aux ex-prévenus jugés coupables de « coups mortels et complicités de coups » sortent tout de même de l’ordinaire. L’on se rappelle qu’au tout début de l’affaire, il y a eu tout un cafouillage autour des circonstances du décès de Justin Zongo. Si fait que l’on n’espérait pas forcément grand-chose de ce jugement, et certains n’ont même pas hésité à affirmer que le dossier en question était « vide » ou que les trois policiers inculpés seraient purement et simplement relaxés. Les déclarations de certaines autorités locales qui avaient d’office pris fait et cause pour les policiers incriminés, traduisaient à souhait la délicatesse de l’affaire. Sans être un véritable coup de théâtre, la condamnation de 8 à 10 ans d’emprisonnement ferme des bourreaux de feu Justin Zongo n’en est donc pas moins un cas rarissime au pays des Hommes intègres.

Il convient donc de souligner la réaction conséquente de l’autorité centrale qui a vite fait de maîtriser la situation en reprenant le dossier en main jusqu’à lui permettre d’aboutir.

Mais au-delà de l’accalmie que ce verdict peut contribuer à instaurer dans le milieu scolaire et estudiantin, que peut-on en tirer comme leçons et enseignements ? Un regain de confiance et d’intérêt pour le pouvoir judiciaire, si minime soit-il, pourrait donc renaître des cendres du dossier Justin Zongo chez les justiciables. Car, ceux-ci étaient tellement habitués à voir des dossiers classés sans suite qu’ils en étaient arrivés à s’interroger sur le rôle de la Justice sous la 4e République. Celle-ci était donc vue comme une institution aux ordres, juste bonne pour formaliser ou entériner les desiderata de l’élite dirigeante. L’on peut donc espérer une réconciliation entre la Justice burkinabè et les citoyens pour qui elle représentait, non pas un recours pour le plus faible, la veuve ou l’orphelin, mais plutôt une arme aux mains des plus riches et des plus forts. L’appareil judiciaire peut donc bénéficier, à travers ce procès, d’un minimum de crédit sur lequel il doit s’appuyer pour redorer son blason. Même si cette indépendance regagnée est quelque peu biaisée par une implication politique du gouvernement au regard de la spécificité du contexte de crise dans lequel s’est tenu ce procès.

Cet engagement de l’exécutif étant d’ailleurs consécutif à la mobilisation populaire et de la société civile. Toute chose qui revêt un caractère pédagogique en ce sens que, d’une part, les Burkinabè se rendront davantage compte que seule la lutte paie. D’autre part, les agents de sécurité comprendront, à travers la condamnation de leurs camarades, que les commissariats de police, les gendarmeries et autres services d’investigation ne sont pas pour autant des lieux de tortures. Même avec une convocation en main, un être humain, peu importe son âge ou sa condition sociale, doit être traité comme tel, dans le respect strict de sa condition humaine et de ses droits y afférents. Et c’est en cela aussi que l’aboutissement de cette affaire judiciaire permet, osons l’espérer, de tourner la page d’un Burkina où le "deux poids deux mesures" avait pignon sur rue. Le procès de Justin Zongo serait alors le signe annonciateur d’un certain Burkina, un Burkina où la boutade « on te fait et il n’y a rien », sera à jamais bannie du langage de ceux qui sont investis d’un pouvoir de décision ou d’action.

Un Burkina où tous les citoyens seront égaux devant une Justice qui n’a de comptes à rendre qu’à la Constitution, qui l’a instituée et qui régit son fonctionnement. C’est ainsi que la suite à donner aux dossiers encore en instance, notamment ceux concernant la répression des manifestations consécutives à la mort de l’élève de Koudougou, sera assez déterminante dans l’image que l’on gardera de la justice et de la gouvernance burkinabè. Si la même diligence est observée dans le traitement de ces affaires et de celles ayant un quelconque rapport avec la récente crise sociale nationale, c’est la paix nationale précaire qui s’en trouvera consolidée.

« Le Pays »

PARTAGER :                              

Vos réactions (20)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Affaire Justin Zongo : Le point des dossiers connexes
Affaire Justin Zongo : Les enseignements d’un procès
AFFAIRE JUSTIN ZONGO : Le procès d’un certain Burkina
Affaire Justin Zongo : la justice va trancher