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Burkina/Maurice Yaméogo : Itinéraire d’un politicien "en errance" devenu président

Publié le lundi 16 septembre 2024 à 22h30min

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Burkina/Maurice Yaméogo : Itinéraire d’un politicien

La politique en Haute Volta avant l’indépendance n’a pas été un long fleuve tranquille. L’arène politique était le théâtre de combats houleux et coriaces, entre partis et individus, idéologies et visions. Du communisme à la démocratie en passant par le fédéralisme, Maurice Yaméogo, sans parti fixe, ni idéologie cohérente, a quelque peu erré à la recherche d’un avenir politique radieux. Il a été élu à la tête du gouvernement le 4 septembre 1958, après la mort de Daniel Ouezzin Coulibaly. Comment celui qui a proclamé l’indépendance de la Haute Volta a pu accéder à la tête de la République en 1958 ?

La carrière politique de Maurice Yaméogo a été mouvante. Pour les élections à l’Assemblée territoriale de la Haute Volta, Maurice Yaméogo a envisagé, au départ, de rejoindre le Parti démocratique africain (PDA), section locale du Rassemblement démocratique africain (RDA) de Philippe Zinda Kaboré. Voyant les échecs que ce parti culmine, il fait volte-face et se tourne vers l’Union voltaïque (UV) de Henri Guissou qui venait d’obtenir trois sièges, devançant ainsi le PDA-RDA. A l’occasion des élections pour le Grand conseil de l’AOF, il mise tout pour se faire élire. Ne voyant pas sa chance dans le parti auquel il venait d’adhérer, il s’entend avec le Père Goarnisson, un Européen sollicité par le collège des autochtones pour un poste de grand conseiller, pour se faire élire à sa place. Ce dernier accepte de retirer sa candidature et, le 28 juillet 1948, Maurice Yaméogo est élu Grand conseiller de l’AOF à 26 ans, à Dakar. Ce fut la belle époque pour lui à Dakar. Mais cette période sera de courte durée.

Aux élections législatives du 17 juin 1951, à cause de dissensions internes qui existent au sein de l’Union voltaïque, Maurice Yaméogo sort perdant et fait encore un glissement vers le RDA. Il retourne alors à Ouagadougou comme simple commis expéditionnaire, sous les ordres du gouverneur Albert Mouragues. Ce dernier est anti-communiste et n’apprécie pas les liens flous que Maurice Yaméogo entretient avec le RDA. Il est muté à Djibo, mais reviendra après une année à Ouaga pour devenir billeteur du service de santé. Maurice Yaméogo ne désespère pas et crois toujours à un avenir politique meilleur. Il réintègre l’UV grâce à son ami Joseph Ouédraogo. Mais les deux factions de l’UV éclatent en Mouvement populaire d’évolution africaine (MPEA) avec Nazi Boni d’un côté et en Parti social d’éducation des masses africaines (PSEMA) de Joseph Conombo.

Maurice Yaméogo n’intègre aucun clan et présente une liste spéciale aux élections législatives du 2 janvier 1956 qui se solde par un échec.

Le 29 septembre 1956, le PSEMA de Joseph Conombo fusionne avec le Parti démocratique voltaïque-RDA (PVD-RDA) pour former le Parti démocratique unifié (PDU), dont le leader est Ouezzin Coulibaly. Malgré ses liens avec ces deux formations, Maurice Yaméogo a déjà fait le choix pour un autre parti et est devenu contrôleur financier au sein du Mouvement démocratique voltaïque (MDV), fondé en juillet 1956 par Gérard Kango Ouédraogo et le capitaine Michel Dorange, un Français. Aux élections législatives du 30 mars 1957, la liste du MDV présentée par Maurice Yaméogo à Koudougou remporte les élections devant le PDU, à la surprise générale. C’est le début d’une carrière politique ascendante pour Maurice Yaméogo.

Ces élections ont abouti à la formation d’un gouvernement local, conformément à la loi cadre. 70 députés territoriaux ont été élus. Le PDU en comptait 39, le MDV 26 et le MPEA de Nazi Boni cinq. Le PDU et le MDV choisissent de former un gouvernement de coalition avec sept ministres pour le parti de Ouezzin Coulibaly cinq ministres pour le MDV. Maurice Yaméogo obtient ainsi le portefeuille de l’agriculture dans le premier gouvernement, celui du 17 mai.

Mais par la suite, de vives tensions secouent le PDU, à cause du refus de Joseph Conombo, leader du PSEMA, d’affiler le parti au RDA. Conombo quitte la majorité gouvernementale avec six autres députés pour reconstituer le PSEMA. Ouezzin Coulibaly, quant à lui, transforme le PDU en Union démocratique voltaïque (UDV) affiliée au RDA. À la suite de ces événements, l’UDV-RDA perd la majorité absolue tandis qu’un groupe de parlementaires anti-Ouezzin se forme en décembre 1957 autour du PSEMA, du MPEA et du MDV. Ainsi, bien que membre du gouvernement, Maurice Yaméogo se retrouve cette fois-ci dans l’opposition parlementaire.

Le 17 décembre, Joseph Conombo, en l’absence de Nazi Boni, dépose au nom du nouveau groupe parlementaire, une motion de défiance contre le gouvernement, qui est adoptée. Ouezzin Coulibaly refuse cependant de démissionner en utilisant une interprétation de la loi-cadre. Elle prévoit expressément qu’en cas de vote de défiance, le gouvernement « peut » démissionner et non pas qu’il « est démissionné » d’office. La Haute-Volta tombe dans une impasse politique.

En janvier 1958, Ouezzin Coulibaly utilise Maurice Yaméogo pour débloquer la situation. Ce dernier entraîne avec lui les députés MDV de Koudougou : Nader Attié, Gabriel Traoré, Denis Yaméogo, Mathias Sorgho, Alhamdou Pathé et Ouidi Blaise Tougouma. En ayant cette nouvelle majorité, l’UDV-RDA dissout le gouvernement le 22 janvier 1958. Un nouveau gouvernement se met en place le 2 février, composé uniquement de membres du parti majoritaire. Dans la foulée, Maurice Yaméogo est propulsé n°2 du régime avec le poste stratégique de ministre de l’intérieur. Le 7 septembre 1958, lors du décès de Ouezzin Coulibaly, Maurice Yaméogo assurait l’intérim de chef du gouvernement et sera élu président de la jeune République Haute Volta en décembre 1958.

Références :
- Histoire de la Haute-Volta de 1897 à 1947. Création, dislocation et reconstitution, Magloire Somé, Yacouba Banhoro
 Joseph Roger de Benoista « La Haute-Volta, du référendum à l’indépendance », dans Burkina Faso : cent ans d’histoire,1895-1995, Karthala, 2003, p. 1009
 Roger Bila Kaboré, Histoire politique du Burkina-Faso :1919-2000, Paris, Éditions L’Harmattan, 2002, 667 p.
 Joseph-Roger de Benoist, L’Afrique occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à L’indépendance (1960), Dakar, Nouvelles éditions africaines, 1982, p. 219
 Alain Foka, Maurice Yaméogo : Archives d’Afrique (émission radiophonique de RFI), mai 2007.
 Wikipédia, Maurice Yaméogo

Wendkouni Bertrand Ouédraogo
Lefaso.net

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