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Mme Joselyne Vokouma, gouverneur des Cascades : « Je travaillerai à restaurer l’image de l’Etat dans la région »

Publié le mardi 29 décembre 2009 à 01h14min

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Mme Joselyne Vokouma/Boussari, précédemment secrétaire générale du ministère de la Promotion de la femme a été nommée gouverneur de la région des Cascades en octobre dernier. Elle a pris fonction le 1er décembre à une période charnière pour Banfora : le cinquantenaire de la commune. Dans l’interview qu’elle nous a accordée, Mme le gouverneur se prononce sur le jubilé d’or de la capitale des Cascades et ses priorités à la tête de la région.

Sidwaya (S.) : Vous avez suivi de bout en bout les festivités du cinquantenaire de la commune de Banfora qui est en même temps le chef lieu de la région des Cascades, qu’est ce que tout cela vous inspire ?

Mme Jocelyne Vokouma/Boussari (J.V.B.) : Quelque part ici dans la commune, tout évolue à souhait. Dans la dynamique historique de cet anniversaire, nous sommes tous interpellées en tant qu’acteurs régionaux, de la nécessité de se mettre ensemble pour continuer à bâtir ce que nos prédécesseurs ont commencé.

Vous avez vu des baptêmes de rues, ce sont là des reconnaissances pour les œuvres accomplies. Comme la plupart des discours l’ont souligné, en 1959, Banfora n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Le souhait est que d’ici le centenaire, Banfora soit encore mieux et n’ait plus rien à envier aux grandes capitales du pays.

C’est une célébration dans la joie, car nous sommes heureux que Banfora ait eu 50 ans, l’âge de maturité qui va permettre de réfléchir pour que la ville soit meilleure les années à venir. On ne peut que féliciter et saluer tous les partenaires qui ont pris part à cette célébration, en particulier ceux qui sont venus d’Europe pour communier avec les témoins de ce processus historique.

S. : Il a surtout été question de cohésion sociale au cours de la manifestation, est-ce cela le problème majeur du développement de la région des Cascades ?

J.V.B. : Quand on parle de cohésion, c’est une manière de rappeler comment c’est nécessaire et important que les gens se mettent ensemble pour qu’il y ait développement.

C’est un enjeu majeur, car nous sommes dans un contexte de diversité politique, socioculturelle qui fait que tout le monde ne voit pas les axes de développement définis de la même manière. Raison pour laquelle, il faut trouver un compromis. Quand on parle de développement c’est quoi ? C’est de l’idéologie, une science, des idées par le biais de laquelle on tend vers un objectif. Parlant donc d’idées, il faut songer à un idéal de consensus.

Cela pour dire qu’une seule idée ne peut pas mener Banfora au succès escompté. Il faut conjuguer les idées, les fédérer afin que cela donne naissance à une idée maîtresse qui sera l’axe que tout le monde suivra. Tout ce que nous faisons est principalement entaché par une spécificité qui est l’imperfection humaine. L’absolu n’existe nulle part. Il n’ y a qu’en infléchissant les positions qu’on a des chances de se retrouver au même niveau pour accepter d’aller dans un seul sens. S’il y a un développement à apporter, c’est ce que je crois.

S. : Vous avez été installée dans vos fonctions de gouverneur des Cascades, il y a trois semaines ; quelles seront vos priorités à la tête de cette région ?

J.V.B. : Je saisis l’occasion pour remercier les plus hautes autorités de notre pays qui ont placé leur confiance en moi. Je veux parler du chef de l’Etat, Son Excellence M. Blaise Compaoré, du Premier ministre Tertius Zongo et du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

C’est une grande charge qui m’oblige à œuvrer pour la mériter. Pour cela, en terme de priorité, je travaillerai à restaurer l’image, l’autorité de l’Etat qui est l’une de nos missions essentielles. Nous ferons en sorte que les populations soient fières de leur Etat, du travail que l’Etat fait en leur faveur dans un contexte de participation active.

Tout ce que je ferais en tant que gouverneur aura toujours un impact sur l’image de l’Etat dans sa globalité. En terme de priorité, il va falloir amener les agents, les collaborateurs à savoir faire rayonner l’image de l’Etat dans leur environnement selon une certaine approche positive.

L’exemple le plus concret que je prends d’habitude est que si un de mes agents pose aujourd’hui un acte dans cette ville ou dans les environs, on dira que c’est un agent du gouvernorat. Ça va vite les étiqueter. Nous devons aussi rassurer les populations que l’Etat est là pour les servir et non le contraire. C’est une femme qui a remplacé une femme, ne l’oublier pas.

Nous vivons cela comme un honneur fait à toutes les femmes du Burkina Faso et il faut travailler à mériter cette grande confiance. Quelque part aussi c’est mon rôle d’actionner, d’impulser, de coordonner les actions prioritaires qui sont définies par les populations. Le cadre associatif est très développé tant chez les femmes, les hommes que chez les jeunes et il faut les accompagner. Nous avons déjà commencé à œuvrer dans ce sens et ils l’ont compris.

S. : Vous avez été accueillie si je peux ainsi dire par un sit-in des enseignants ; quels types de partenariat comptez-vous développer avec les partenaires sociaux de la région ?

J.V.B. : Je pense d’abord que tout le monde a des problèmes. Il n y a pas un corps particulier qui est épargné aujourd’hui. De sorte que mon approche, j’ai déjà dit aux jeunes, sera le dialogue. Effectivement j’ai été accueillie par une situation similaire et lorsque j’ai lu le contenu des revendications, je me suis dit qu’on aurait pu parler. C’est quand le dialogue est rompu qu’on utilise ces méthodes. La source de tout cela c’est le manque de moyens.

Tout est aujourd’hui une question d’argent. Même quand vous mobilisez les gens pour faire quelque chose qui fait l’honneur et la fierté de la région, les problèmes d’argent et de perdiems s’invitent. Ça nivelle même les capacités productives d’une nation. Le sit-in était très pacifique, pourquoi on n’aurait pas pu s’asseoir dans un bureau pour en parler. Du coup, je me dis que le dialogue a fait un peu faillite. Je suis très pacifiste de nature et je l’ai dit aux jeunes.

Je suis venue pour les mobiliser, les former aux enjeux de la paix de sorte qu’ils soient capables de porter la charge des perspectives. Le maire de Trino en Italie (NDLR : il était le représentant des partenaires de la commune de Banfora au cinquantenaire) a dit dans son discours que ce sont les valeurs de son éducation qui l’ont poussé à vouloir faire du bien, à être en lien avec Banfora.

S. : A votre installation, votre ministre de tutelle vous assignait deux missions spécifiques : le raffermissement des relations et une coopération administrative avec les localités frontalières des pays voisins. Comment comptez-vous vous y prendre ?

J.V.B. : Lorsque vous êtes une région frontalière, vous êtes obligée de jouer la carte de la coopération frontalière pour assurer une vie paisible aux populations de part et d’autre des frontières. Nos voisins auraient dû être là même à mon installation, c’est comme ça que ça se faisait, mais le temps ne nous a pas permis de les inviter. S’ils n’ont pas pu venir, à une occasion, chez eux nous irons.

Ce sera l’occasion de définir ensemble les axes de coopération qui vont nous permettre de faciliter l’intégration de nos populations respectives. Notre région est beaucoup influencée par la culture malienne et ivoirienne. S’il y a une pratique en cours chez nous et dont l’origine est du Mali ou de la Côte d’Ivoire, qu’on permette à ceux d’ici d’aller en voyage d’études découvrir la réalité de ces pays.

J’ai mené un plaidoyer dans ce sens auprès du maire de Trino qui est d’accord. Avec les jeunes ivoiriens, il faut que des lycées correspondent par exemple. Banfora est une ville ouverte. Il y a un melting pot à l’américaine qui montre la richesse de ce peuple. Durant mes premiers moments à Banfora, j’ai eu l’impression d’être à Marseille dans le sud de la France où j’ai fait mes études.

Curieusement, il y a un vent qui souffle ici et le même souffle dans le sud de la France, le Mistral. Je suis partie récemment inaugurer une plate-forme multifonctionnelle au profit des femmes de Sidéradougou. L’association qui gère cette infrastructure s’appelle « windpenga ». C’est du mooré et dans Sidéradougou, c’est joli. Le maire m’a confié que c’est une zone de transit, de migration où toutes les communautés se croisent. Venant d’une zone mooréphone, je ne me sens même pas étrangère de ce fait.

Ce n’est pas dans toutes les localités qu’il est facile pour les étrangers de s’installer. D’autre part, les populations des Cascades d’ici étaient en totale adéquation avec la thématique du 11-Décembre 2009 qui était « Intensification des productions agricoles de saisons sèches ». Alors qu’ailleurs si ce n’est pas l’eau de pluie qui arrose le maïs, les gens ne le mangent pas. C’est un élément de fierté qui montre que j’ai suffisamment de tremplin pour bien sauter. Mais jusqu’à quelle hauteur, je ne sais pas.

S. : Vous avez également promis d’œuvrer pour que la décentralisation ne soit pas une notion théorique. En quoi faisant ?

J.V.B. : D’abord, il faut suivre le processus. Si je dois croiser les expériences, pour avoir servi au niveau central, les enjeux ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit des directions centrales ou des directions déconcentrées.

Ces dernières portent une double responsabilité, car ils répondent des autorités régionales et des autorités centrales. Au niveau déconcentré et pour beaucoup de fois, les collectivités veulent vivre une indépendance parfois un peu précoce alors qu’elles sont sous la responsabilité des gouvernorats. Il faut donc expliquer certaines choses pour être bien comprise. Si un maire a un problème, nous devons être informés ici d’abord avant la partie centrale.

Mais il y a des tendances à l’autonomie qu’il faut coordonner. Le processus ne prendra son cours normal que lorsque les mairies, les gouvernorats et les hauts- commissariats feront un seul bloc décentralisé. Dans l’esprit des techniciens, ils se sentent plus dépendants de la partie centrale que de la partie déconcentrée. Ils répondent de deux maîtres alors que toutes leurs activités sont menées sous la coordination du gouverneur.

Ce sont des formations qu’il faudra initier pour que chacun comprenne sa vraie place en fait. La partie centrale instruit par la porte ministérielle, la partie décentralisée doit pouvoir aussi parler par une seule issue, le gouvernorat. Nous n’avons pas encore cette dynamique logique.

S. : En tant qu’activiste de la promotion des droits de la femme issue du ministère éponyme, est-ce une chance pour les femmes des Cascades de vous avoir comme gouverneur ?

J.V.B. : C’est une chance pour les hommes et les femmes. Après avoir servi longtemps au poste de secrétaire générale du ministère de la Promotion de la femme, c’est devenu une habitude. Même si la vendeuse d’orange gère mal son enfant, je vais la rappeler à l’ordre.

C’est une chance certes, pour les femmes, mais pas contre les hommes. Le professeur Joseph Ki Zerbo a dit que l’histoire ne sera jamais humaine que si elle marche sur ses deux jambes et qu’elle est aujourd’hui unijambiste.

C’est-à-dire que les choses ont toujours fonctionné sur une seule jambe, pour parler des hommes qui sont restés principalement au devant des choses. Avec un pied, on ne peut pas faire ce que deux pieds peuvent faire. On parle souvent lors des cérémonies de Moussodougou, le village des femmes en langue dioula, une commune non loin d’ici. C’est beau tout ca. Le maire de Banfora m’a dit que c’est lorsque Samory Touré traversait la zone que les hommes ont fui, et il n’y avait que les femmes qu’il a vues en passant.

C’est ainsi qu’il a nommé cette localité Moussodougou. Ça veut dire qu’à un moment donné, les hommes ont fui leur responsabilité pour laisser les femmes à qui ils doivent leurs vies. Il serait bon qu’on organise un 8-Mars là-bas. A Banfora, je sens une joie chez les femmes, un épanouissement que je dois accompagner.

S. : Quels sont les tout prochains chantiers auxquels vous allez vous y atteler ?

J.V.B. : Nous avons l’opération carte d’identité, l’opération jugements supplétifs sur lesquelles la question des femmes revient. La loi a prévu qu’elles aillent à leurs lieux de naissance pour faire établir leurs actes de naissance. Autrement, il n y a pas de solutions possibles. Nous allons développer des initiatives pour aider les femmes à acquérir cette pièce qui leur confère une certaine identité.

Nous allons utiliser le canal de la tradition orale pour recueillir les témoignages qui vont servir à établir les papiers. Elles sont 51 % de la population et il faut accélérer l’accès des femmes à ce jugement supplétif pour leur permettre d’avoir leurs cartes d’identité. La seule chose qui m’alourdit un peu les pieds, c’est le délai impartie. Combien de femmes pourrions-nous mobiliser d’ici mi-février ?

Entretien réalisé par Mahamadi TIEGNA ( camerlingue78@yahoo.fr)

Sidwaya

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