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Inondations : « Les catastrophes seront de plus en plus courantes et nous devrons apprendre à vivre avec », dixit Nathanaël Tapsoba, gestionnaire des catastrophes naturelles

Publié le dimanche 26 juillet 2020 à 13h26min

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Inondations : « Les catastrophes  seront de plus en plus courantes et nous devrons apprendre à vivre avec », dixit Nathanaël Tapsoba, gestionnaire des catastrophes naturelles

Fin Juin 2020, le gouvernement a alerté les gouverneurs des régions et les Maires des communes sur la nécessité de mesures d’anticipation face aux risques d’inondations et autres calamités liées à la saison hivernale en cours. Au micro de Lefaso.net, Nathanaël Tapsoba, expert en gestion des catastrophes naturelles, humaines et technologiques revient sur l’origine de ces calamités et les défis liés aux inondations. Entretien.

Lefaso.net : Comment analysez-vous les prémices d’inondations qui ont cours dans certaines localités du Burkina Faso ?

Nathanaël Tapsoba : Je crois savoir qu’au Burkina Faso, à chaque saison des pluies, il y a des inondations. Maintenant, quelles sont les dispositions prises au niveau de l’Etat, des régions, des provinces et au niveau local avec les communautés à la base ou les populations pour anticiper et réduire les risques ? Voilà la question. Les mesures prises par le gouvernement pour réduire les risques d’inondations sont à saluer, et je voudrais féliciter et encourager tous les acteurs qui travaillent dans l’ombre pour élaborer des plans à la disposition des décideurs.

Toutes ces mesures auront un effet positif si les décideurs associent les communautés ou populations aux prises de décisions. Elles sont les premières concernées. Il faut par exemple la formation et la responsabilisation de ces communautés ou populations sur le phénomène d’inondation, la lutte contre l’incivisme (jet des ordures dans les caniveaux et/ou au lit des cours d’eau, ramassage du sable par les enfants dans ces lieux).

Pour comprendre les prémices d’inondations, il nous faut remonter dans le passé pour actualiser les inondations présentes et futures (c’est du passé que l’on construit le présent, et c’est du présent que l’on construit le futur).

S’agit-il de catastrophes naturelles ou humaines ?

Avant de répondre à la question, je crois qu’il est nécessaire de définir ce qu’est une inondation et les différents types d’inondations.

Selon les spécialistes, une inondation demeure une submersion ou un débordement temporaire et ponctuel d’une zone ou d’un espace d’eau naturelle ou artificielle vers une zone sèche ou humide.

Les inondations sont pour la plupart dues à des phénomènes et conditions météorologiques ou à des ruptures de canalisations de conduits des eaux.
Il y a différents types d’inondations, je citerai quelques types pour ce qui est du Burkina Faso, à savoir, l’inondation en forme lente, l’inondation en forme brutale ou rapide, l’inondation en forme pluviale par des ruissellements, l’inondation en forme marine et l’inondation en forme glaciale ou hivernale.

L’inondation en forme lente consiste en une sortie d’une rivière, d’un barrage lentement et surement de son lit pour inonder les plaines sur une longue période. L’inondation en forme brutale ou rapide consiste en des averses violentes et intenses avec un temps rapide de telle sorte qu’il est difficile de donner l’information aux communautés de base ou aux populations, comme ce que nous voyons actuellement au Burkina Faso.

L’inondation en forme pluviale par des ruissellements consiste en une étanchéité des sols due aux constructions des voies routières, des bâtiments et autres qui créent une limitation ou une saturation de l’eau pour infiltrer le sol, en particulier, en milieu urbain.

L’inondation en forme marine consiste en une inondation des côtes, des rivières, des barrages, des fleuves, des mers ou des Océans suite à des effets naturels autre que la pluie. L’inondation en forme glaciale ou hivernale consiste en la fonte des glaciers ou de la neige, etc.

De ce fait, on pourra dire que les inondations sont soit des catastrophes naturelles (le cas des saisons pluvieuses, le débordement des océans, des fleuves ou des rivières suite à un tsunamis ou autres) ou soit des catastrophes humaines (le cas des tuyaux ONEA ou châteaux qui débordent suite à une erreur humaine, ou par actes terroristes ou inciviques, l’urbanisation des cours d’eau par la construction anarchique de bâtiments, de routes sur le nid des cours d’eau ou le jet des ordures dans les caniveaux).

Donc, l’inondation peut être vue comme une catastrophe naturelle ou humaine suivant le facteur ou la cause qui est à l’origine de l’inondation.

Comment expliquez-vous ces aléas climatiques ?

Je crois que les inondations aux Burkina Faso seront de plus en plus dues au réchauffement climatique et aussi à l’incivisme des communautés ou populations. Suivant les saisons et dans les années à venir, nous assisterons malheureusement à ces genres de catastrophes et on verra des choses plus graves d’année en année. Je lance alors un appel aux populations et au gouvernement de prendre plus de mesures pour prévenir et réduire les risques.

Et comment prévenir justement ces inondations ?

Je crois que l’on ne peut pas prévenir les inondations parce qu’elles sont dues à plusieurs facteurs. Par contre, on peut réduire les risques et les dégâts en se préparant aux pires et en faisant des exercices de simulation et par des formations et en étant civique et responsable des actes que nous posons chaque jour.

Quand je prends l’exemple d’une ville comme Ouagadougou où le gouvernement, les mairies, les partenaires au développement et les services techniques font de leur mieux pour mettre à la disposition de la population des caniveaux et que cette même population revient jeter des ordures ou bloque les canaux des cours d’eau par le fait de l’incivisme et autres, cela est difficile à comprendre. Comment voulez-vous encore que l’on parle de disponibilité des moyens ? C’est difficile, il va falloir éduquer les populations avant la construction des caniveaux ou que faut-il faire ?
Tant qu’on ne sortira pas de ces situations d’incivisme, d’occupation illégale des cours d’eau, nous demeurons toujours inondées.

Quelles sont les responsabilités des maires, des services techniques et des gouverneurs ?

En me basant sur des conventions et résolutions signées par le Burkina Faso sur la protection des populations ou communautés contre les catastrophes, les responsabilités relèvent exclusivement des gouvernants (Président du Faso, Conseil des ministres, Gouverneurs, Maires et services techniques). Ainsi, le Burkina Faso a été réceptif à la mise en place de structures pour venir en aide et protéger ces populations.

C’est dans ce cadre que les services techniques qui conseillent les décideurs élaborent des plans et schémas pour prévenir ou anticiper sur les catastrophes. Parfois, quand les services techniques soumettent leur proposition de plan, le politique ne comprend pas les besoins exprimés et montre alors son aveu d’incapacité à assister et secourir les populations (il faut une volonté politique pour la gestion des catastrophes). Les gouverneurs et les maires sont le bras de l’Etat pour déclarer et activer les mesures de protections des populations lors des catastrophes.

Et pour ce qui est des responsabilités des populations ?

Quand un incident arrive, la plupart du temps, vous êtes appelés à vous débrouiller seul avant l’arrivée des secours ou du gouvernement. C’est dans ce cadre que les populations doivent s’informer, se former et organiser des comités de base pour se secourir d’abord et sous la supervision de l’Etat garant des populations. La responsabilité des populations consiste à observer et appliquer les décisions prises par les gouvernants, être civique, et exprimer leurs besoins aux services techniques qui, après étude, sont chargés de transmettre les doléances aux décideurs.

Y-a-t-il des risques d’aggravation de la crise du Covid-19 au Burkina Faso ?

Pour dire vrai, les risques d’aggravation de la crise du Covid-19 au Burkina Faso demeurent à cause de la chute des températures et d’autres facteurs. Il faut noter que le Covid-19 reste dans un cycle de cent ans, du fait que les êtres humains (hommes et femmes) traitent la nature qui se rebelle contre eux. Si nous remontons dans le passé, nous verrons que tous les cent ans, il y’a une pandémie. Je prendrais quelques exemples à partir du 13ème siècle, mais on pourrait aller au delà du 13ème siècle.

En 1220, il y a eu l’invasion Mongole qui a brûlé et rasé l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan, la Russie, l’Ukraine, la Pologne et la Hongrie.

En 1320, il y a eu la peste noire avec comme symptôme des maux de tête, la fièvre, des frissons, des taches noires et violettes sur la peau suivies de la mort en moins d’une semaine.

En 1420, il y a eu une peste que la science n’a jamais pu nommer.

En 1520, il y a eu la variole qui a fait entre deux et trois millions et demi de morts.

En 1620, il y a eu l’arrivée des Anglais, des européens aux USA avec une maladie sans nom qui a détruit une bonne partie de l’Amérique du Nord.

En 1720, il y a eu la peste de Marseille qui s’est propagée rapidement et qui a fait plus d’un million de morts.

En 1820, il y a eu le choléra qui a fait aussi plusieurs millions de morts.

Entre 1918 et 1920, il y a eu la peste pneumonique ou la grippe espagnole (H1N1, SRAS et autres) avec plus de cinq cent millions de personnes infectées et plus de cent millions de morts. C’est la peste la plus meurtrière de l’histoire après 1320.

Entre 2019-2020 : il y a eu la pandémie du Covid-19 toujours en cours.

En 2120, il y aura encore une pandémie du genre pneumonique. Alors rendez-vous en 2120 pour la suite des pandémies.

Au regard de ce qui précède, les pandémies viennent pour faire plusieurs milliers voire millions de morts avant de s’arrêter et pour rétablir l’équilibre de la nature et/ou de l’écosystème. Chacun de nous doit être prévoyant, civique et respecter les mesures sanitaires mises en place par les professionnels de la santé.

Comment le Burkina Faso pourrait-il faire face à ces aléas, en cette période de Covid-19, de crises humanitaires et sécuritaires ?

Le Burkina Faso fait tout ce qui est de son pouvoir pour régler les choses, mais il faut que les populations comprennent que même des pays plus nantis que le nôtre ne peuvent pas toujours régler ces situations (Covi-19, crises humanitaire et sécuritaire) rapidement comme le souhaitent les populations. Les services techniques, les gouvernements prennent des mesures pour aider les populations et c’est aussi aux populations d’accompagner les gouvernements dans les mesures prises pour éviter de mourir.

Votre message à l’endroit des populations qui sont dans les zones inondables ?

Mon message à l’endroit des populations en général et en particulier celles qui sont dans les zones inondables demeure de se former et de créer des comités de gestion des catastrophes en utilisant la méthode de la prévention-sensibilisation qui consiste en la phase d’apprentissage, de changement de comportement des vieilles habitudes en de nouvelles plus adaptées au contexte actuel.

La réduction du risque consiste à réfléchir sur comment réduire les impacts d’inondation ou autres catastrophes. La préparation consiste à toujours se préparer en faisant des exercices de simulation et autres pour être mentalement et physiquement prêt quand la catastrophe vient.

La réponse consiste à comment intervenir et agir pendant l’inondation ou la catastrophe.

Et enfin la récupération consiste à la phase physique, mentale, matérielle, et économique pour nous rétablir dans la mesure du possible.

En principe, dans chaque secteur ou structure gouvernementale ou privée, il devrait y avoir des comités de gestion des crises ou catastrophes capables de prévenir et de dire aux décideurs les risques que pourraient engendrer ces crises et aussi procéder à des confinements et/ou des évacuations des populations ou des travailleurs quand un incident arrive.

Les catastrophes, elles, seront de plus en plus courantes et nous devrions apprendre à vivre avec. Je demeure disponible à accompagner les populations ou les structures étatiques, privées ou internationales dans la mise en œuvre des plans d’urgences, des études et autres formations.

Interview réalisée par Edouard Kamboissoa Samboé

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