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Kalifa Traoré, Professeur-didacticien : « Penser qu’on est le seul dans son domaine est un échec »

Publié le samedi 3 août 2019 à 21h50min

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Kalifa Traoré, Professeur-didacticien : « Penser qu’on est le seul dans son domaine est un échec »

C’est un enseignant qui fait parler en bien de lui dans le milieu, tant au Burkina que hors des frontières nationales. Lui, c’est Professeur Kalifa Traoré, Secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales. Premier mathématicien entièrement formé à l’Université de Ouagadougou, il est celui-là même qui a présenté une thèse de Doctorat sur les mathématiques chez les Siamou (une des ethnies du Burkina) ; un travail de recherche qui lui a d’ailleurs valu le prix de la meilleure thèse 2006-2007 au Canada (prix Diefer Dunkerbel). C’est en spécialiste (didacticien) que l’homme a bien voulu, à travers cette interview, partager son point de vue sur des sujets liés à l’enseignement au Burkina.

Lefaso.net : Peut-on avoir une idée succincte de votre parcours professionnel ?

Pr Kalifa Traoré : Je suis mathématicien de formation, au départ, premier docteur en mathématiques entièrement formé au Burkina Faso, dans les années 90. J’ai enseigné les mathématiques, notamment l’algèbre à l’Université de Ouagadougou (Université Joseph Ki-Zerbo). Après, je me suis retrouvé à Koudougou à l’Ecole normale supérieure de Koudougou en son temps comme secrétaire général. On m’avait affecté à Koudougou pour enseigner la didactique des mathématiques, aux stagiaires, notamment les encadreurs pédagogiques.

Quand on m’affectait à l’ENSK, je ne savais pas ce qu’était la didactique, je n’en avais jamais entendu parler en tant que discipline. C’est sur place que j’ai dû comprendre que c’est un domaine en construction. C’est dans ce sens que je suis parti d’abord pour un stage en Belgique, puis au Canada pour des études doctorales en didactique des mathématiques. Je suis rentré en 2006 comme un des premiers didacticiens au pays (au niveau universitaire) toutes disciplines confondues.

En 2009, je suis passé maître de conférences (c’est à partir de ce moment qu’on peut ouvrir un laboratoire). En 2010, j’ai donc ouvert le laboratoire interdisciplinaire de didactique des disciplines avec la collaboration de jeunes assistants et maitres assistants et c’est à partir de ce moment que nous avons commencé à former des docteurs, des étudiants en Master. Au niveau des postes, j’ai été directeur des études de l’INSE, secrétaire général de l’ENSK (Ecole normale supérieure de Koudougou).

J’ai ensuite été directeur de l’Institut universitaire de technologie de l’Université de Koudougou, vice-président chargé des enseignements et de l’innovation pédagogique, directeur de cabinet au niveau du MESS (ministère de l’Enseignement secondaire et supérieur), puis deux mois comme directeur de l’ENSK avant de me retrouver à ce poste comme secrétaire général du MENAPLN (ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la promotion des langues nationales). Mais, j’occupe toujours la direction du laboratoire inter-disciplinaire des didactiques des disciplines et je suis secrétaire général de la Société ouest-africaine de didactiques des disciplines.

Combien de didacticiens compte-t-on en Afrique de l’ouest ?

Le nombre est plus difficile à déterminer, quand on parle de didactique et de didacticiens. Mais, en mathématiques, c’est sûr que nous nous connaissons. Je peux estimer à une vingtaine les enseignants et ou chercheurs en didactique des mathématiques. Au niveau du Burkina, c’est autre chose, parce que c’est seulement en 2010 qu’on a commencé à former les gens ici.

Combien vous ont devancé en Afrique de l’ouest ?

A ma connaissance, il y avait une seule personne en didactique des mathématiques. Mais la grosse difficulté qu’il y a dans ce domaine, c’est qu’il faut comprendre que la didactique des mathématiques, ce n’est pas les mathématiques. La didactique ne s’intéresse pas prioritairement aux mathématiques, mais aux apprentissages, aux enseignements. Il ne s’agit pas des sciences exactes, mais des sciences humaines. Pour devenir didacticien, il y a plusieurs chemins ; il y a des gens qui vont s’intéresser aux mathématiques du préscolaire, ou du primaire.

Ces derniers n’ont peut-être pas besoin de faire de grandes études en mathématiques pour être didacticien. Je suis peut-être le premier didacticien de maths au niveau de l’Afrique au sud du Sahara, qui ai fait un doctorat en maths C’est rare de trouver des gens qui ont un doctorat en maths et qui reviennent faire un autre doctorat en didactique. Il y a d’autres professeurs titulaires, mais qui n’ont pas fait des études supérieures en mathématiques. Ce qui peut les limiter sur certaines questions.

Comment se prépare la relève, surtout quand on sait que nombre de professeurs au Burkina préfèrent être uniques dans leur domaine de compétence ?

Pour moi, on a une obligation de faire monter tout le monde, en tant que professeur titulaire dans le domaine. On se sent responsable de travailler à la relève. C’est pourquoi, je dis qu’en 2009, dès que je suis passé maître de conférences, l’année qui a suivi, on a créé le laboratoire inter-disciplinaire de didactiques des disciplines. J’étais le seul maître de conférences et il y avait des assistants et maitres assistants avec moi. Aujourd’hui, nous sommes deux professeurs titulaires, deux maîtres de conférences et quatre ou six maîtres assistants et plus d’une vingtaine de doctorants.

Ce serait échouer que de penser de la sorte. Penser qu’on est le seul dans son domaine est un échec. Mon premier étudiant est actuellement maître assistant. C’est d’ailleurs lui qui est devenu directeur adjoint de l’ENSK. Mon souhait, c’est de partir à la retraite tout tranquillement, quand il va passer maître de conférences et professeur titulaire. A son tour, en montant, il va former des gens.

Actuellement, il y a professeur Bationo qui fait la didactique de l’allemand, lui aussi a formé un certain nombre de docteurs. Les deux maitres de conférences encadrent tous des doctorants et bientôt on pourra assister à leur soutenance. Nous travaillons donc à ce que la relève soit assurée dans nos disciplines et qu’on ait aussi des docteurs en didactique dans toutes les disciplines. Pour moi, on doit travailler dans ce sens.

Comment peut-on définir, pour le commun des mortels, ce qu’est la didactique et quelle est sa place dans l’enseignement ?

En français facile, la didactique, c’est tout ce qui concerne les processus d’enseignements et d’apprentissage d’une discipline donnée ; que ce soit à l’école ou hors de l’école. Tout ce qui touche au problème d’enseignement et apprentissage. C’est l’amélioration de la qualité des apprentissages. Comment faire en sorte pour que l’élève/l’étudiant apprenne mieux. Vous savez très bien que, à titre d’exemple, un élève qui est démotivé désiste tout de suite, ça va jouer sur son apprentissage.

Donc, le didacticien doit réfléchir rapidement à comment faire pour que l’apprenant soit motivé pour apprendre. Le didacticien va s’intéresser aussi à la formation des enseignants ; tout ce qui peut faire entrave à l’apprentissage, qui peut jouer sur la qualité de l’enseignement de la discipline (parce qu’il y a certaines difficultés qui sont inhérentes à la discipline). Mais, il y a des difficultés qui sont d’ordre didactique, c’est-à-dire liées au programme, au fait de l’homme, aux méthodes, etc.

Mais les difficultés liées à la discipline elle-même sont d’ordre épistémologique, c’est lié à la nature même de la connaissance. C’est pourquoi, le professeur doit connaître l’histoire de la discipline. L’exemple, c’est avec le cas du zéro. Quand vous dites : ajouter zéro à un nombre, ça ne change pas le nombre, il y a problème et cela peut conduire les enfants dans des problèmes ; parce qu’il peut comprendre que si on ajoute zéro, ça ne change pas.

Ajouter ici, c’est additionner en réalité. Mais est-ce que l’enfant comprend ça ainsi ? Non ! Un enfant peut mettre 1 et 0 à côté, ce qui va être 10 (et non 1). Donc, l’enseignant a besoin de comprendre tout cela. Sinon, ça pose des problèmes et plus tard, ça va jaillir sur les enfants. Donc, en français facile, c’est tout ce qui peut être comme réflexions ou actions pour améliorer les enseignements et apprentissages dans une discipline donnée.

Une interview avec par moments, une phase pratique, une parenthèse de démonstration

Quelle est la différence qu’on peut faire entre la didactique et la pédagogie ?

C’est vrai que ça peut porter à une certaine confusion. Le pédagogue, lui, va parler des conditions d’apprentissage en général. Mais le didacticien va parler de la discipline. La pédagogie ne rentre pas dans le contenu disciplinaire. Mais la didactique et la pédagogie se complètent.

Les mathématiques constituent la bête noire de nombre d’élèves, comment expliquez-vous cela ?

Pour moi, il faut d’abord jouer sur la formation des enseignants. C’est très important. Nous-mêmes avons été formés par des maîtres et comment nous ont-ils formés ? C’est de cette même manière que nous aussi formons. Beaucoup de gens font des mathématiques, parce qu’ils seront des utilisateurs de cette discipline (la grande majorité est dans le cas). La question fondamentale qu’on doit se poser tout le temps, c’est pourquoi on enseigne tel contenu pour telle personne.

Autrement, la question fondamentale, c’est quelles mathématiques pour les futurs enseignants (je ne parle pas de diplôme, je parle de la matière). C’est important, parce que cela va éviter qu’au niveau supérieur, on apprenne aux futurs enseignants, de mauvaises mathématiques c’est-à-dire des mathématiques inutiles pour leur profession. Celui qui a fait par exemple la série A ne va pas faire des études mathématiques, ça c’est sûr.

Donc, il apprendra les mathématiques parce qu’il en sera utilisateur. Il y a ceux qui font les maths pour devenir mathématiciens. Je pense qu’il faut nécessairement faire la différence entre les deux types. Voilà pourquoi, je pense qu’il faut démythifier et démystifier les mathématiques (certains enseignants créent un mythe autour des mathématiques).

Au regard des difficultés que les gens ont en la matière, est-ce qu’on peut dire que les mathématiques sont réservées à une catégorie de personnes ?

Non. Mais, il y a des contraintes institutionnelles. Si aujourd’hui, on vous donne des problèmes de CP1, c’est évident que vous allez traiter. Mais quand vous étiez réellement au CP1, il y a des problèmes qu’on n’arrivait pas à traiter. On ne peut donc pas dire que c’est réserver à une catégorie de personnes, mais il y a des gens qui ont des prédispositions, qui apprennent beaucoup plus vite les formules, les méthodes et autres. Donc, si l’enseignant n’arrive pas à adapter sa méthode à la compréhension, c’est compliqué. Quand je dis cinq mangues coûtent 40 francs, combien coûte une mangue ? Tout de suite, chacun va répondre.

Mais si je dis : attention, vous avez une heure pour répondre, les 8 francs qu’on allait trouver vont être mis en doute ; parce que chacun va se dire que si on a donné une heure, c’est parce que c’est plus difficile. C’est cela le problème, il faut que les enseignants comprennent que leur attitude, leur manière de faire, influencent les réponses des apprenants, influencent leur apprentissage. Si on dit que les mathématiques sont difficiles, inaccessibles, effectivement, elles vont devenir difficiles et inaccessibles.

Je me rappelle en première année à l’université de Ouagadougou, des professeurs disaient qu’il faut redoubler avant de passer en classe supérieure. Voilà, tout de suite, ça limite vos efforts parce que vous avez en tête qu’il faut redoubler. Même aujourd’hui, il y a des enseignants qui ont cette attitude. C’est pourquoi, j’ai utilisé le terme ‘’démystifier’’. Mais cela demande de la formation.

Quand on regarde les professeurs aujourd’hui, on constate que certains ont des problèmes de contenu. Combien de choses inutiles ont-ils eu à apprendre à l’université et combien de choses utiles auraient-ils dû apprendre et qu’ils n’ont pas apprises ? C’est un peu dans ce sens qu’il faut réfléchir afin de pouvoir orienter les gens où ils ont le plus de potentialités et adapter les mathématiques à leur besoin. Les mathématiques dont ont besoin les maçons, plombiers…ne sont pas forcément ce dont ont besoin un ingénieur, un informaticien, un médecin, etc.

Je pense donc que le problème se situe véritablement à ce niveau. Tout le monde peut apprendre les mathématiques, quand bien même la vitesse d’apprentissage diffère d’un apprenant à l’autre. Mais les problèmes institutionnels sont de sorte qu’au bout d’un an, quand vous n’avez pas pu apprendre quelque chose, on dit que vous avez échoué. Quand vous prenez la série C, ce sont les meilleurs élèves en maths qu’on y envoie.

Mais quand vous prenez les notes, ce sont les maths qui les font échouer au Bac. Je pense qu’il faut revoir les programmes, que les gens acceptent de sortir de la routine. Mais actuellement, il faut signaler qu’il y a quand même une volonté politique d’encourager l’enseignement des mathématiques, des sciences en général.

Justement, on constate que depuis un moment, le gouvernement œuvre à ouvrir à travers le pays, des établissements d’enseignements technique et scientifique. Malheureusement, la tendance des élèves est toujours orientée vers l’enseignement général. Finalement, la politique du gouvernement ne risque-t-elle pas de ne pas connaître un aboutissement ?

Je vais répondre en tant que technicien, pas en tant que secrétaire général du ministère. Il y a un engouement, mais on met des conditions pour pouvoir arriver dans ces établissements. Il y a des gens qui demandent, mais qui n’arrivent pas à partir. Ça, ce sont les lycées scientifiques, qui ne sont que deux d’ailleurs (Ouaga et Bobo). Mais au niveau du ministère, il y a un projet de construction de lycées scientifiques un peu partout (c’est sûr que la demande va être forte).

Moi, mon inquiétude, c’est surtout les enseignants qu’on va y envoyer. Il ne faudrait pas que les enseignants qui y partent maintiennent dans l’esprit qu’il faut redoubler pour comprendre les maths. Les enfants qui partent là-bas sont parfois des enfants qui ne connaissent pas l’échec scolaire. Donc, s’ils échouent une fois, c’est compliqué pour eux. Les gens partent dans les autres séries parce que très souvent, ils ont peur, on les effraie. Ça fait qu’il y en a qui se mettent en tête que c’est inaccessible.

Dans le temps, c’était généralement ceux qui échouaient dans l’enseignement général ou qui étaient plus âgés qu’on envoyait dans l’enseignement technique. Donc, beaucoup de gens ont cette image à l’esprit, alors qu’aujourd’hui, ce n’est plus le cas. En plus de cela, je pense que les moyens seront mis pour équiper ces établissements en laboratoire et bien d’autres outils afin que les apprenants puissent manipuler et être dans la culture scientifique.

Il y a aussi la qualité des manuels scolaires qui est beaucoup discutée… !

Le gros problème, c’est la formation. C’est vrai que souvent, on manque de matériels de laboratoire, mais le peu qu’on a, est mal utilisé. Parfois, les enseignants n’ont même pas été formés pour les utiliser. Voilà pourquoi, je parle de formation. Aujourd’hui, à l’université, je ne pense pas que les gens font encore de la manipulation, à cause des effectifs pléthoriques.

Donc, les enseignants sont très peu formés en la matière. Mais actuellement, au ministère, il y a quand même une politique de construction de laboratoires et de recrutement de laborantins. Je me dis donc que ça va bouger à un moment donné.

En tant que professeur et didacticien, quel est le commentaire que vous faites du mauvais résultat scolaire ?

En tant que didacticien, je ne peux pas me lancer dans des commentaires. Pour moi, il faut un certain nombre d’éléments ; parce qu’il y a beaucoup de facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. Quand je prends l’exemple du BEPC, l’année dernière, je ne me souviens plus du taux, mais c’était un peu relevé, autour de 40% d’admis. Beaucoup de gens ont dit que c’était bien, mais pour moi didacticien, ce n’était pas bien. A plus forte raison si on descend en-deçà de ce taux.

Il y a beaucoup de raisons possibles à cela. Mais si on repart dans le passé, on se rend compte que le taux de succès au BEPC tournait autour de 35%. Mais, comme l’an passé, ça a monté jusqu’à 40%, quand ça chute pour revenir au niveau d’avant, ça choque tout le monde. J’insiste que même 50%, ce n’est pas bon pour moi, en tant que didacticien. Maintenant, comment expliquer cela ? L’an passé, il y a des gens qui m’ont posé la question par rapport au taux. Il faut évaluer les apprentissages et non un morceau de programme.

Il faut qu’on arrive à faire en sorte que quelqu’un ne gagne pas un examen par coup de chance et que quelqu’un n’échoue pas par coup de malchance. Quand l’apprenant a appris juste un petit morceau (il ne connaît rien d’autre) et que le sujet tombe sur ça, il va être admis par coup de chance. Par contre, si ce que l’apprenant a regardé, même si c’est 75% du programme, si le sujet tombe sur les 25% qu’il n’a pas regardé, il va échouer par malchance. Il y a des réflexions qui sont faites dans ce sens ; parce qu’il faut que ce soit le programme qu’on regarde.

Donc, en tant que technicien, c’est ce que je peux dire. Mais, il est évident aussi que tout ce qui s’est passé au cours de l’année scolaire, peut influencer les résultats. C’est quand il y a une composition que les gens commencent à bosser, à veiller. Donc, il y a tous ces aspects et je le répète, les raisons sont multiples. Malgré tout, il y a des établissements qui ont fait 98, voire du 100%. Au niveau du CEP, il y a des écoles qui ont fait du 100%, mais il faut que ce taux soit du 100% honnête (et j’insiste sur le mot honnête).

Je parle en tant que didacticien, parce qu’il faut réfléchir aux critères de bon enseignant. Est-ce que le bon enseignant ne peut être que celui qui tient le CMII, alors que les enfants ont été préparés bien avant. Il faut qu’on travaille à faire en sorte que l’excellence ne tue pas l’excellence.

Que peut-on faire pour que la tendance change ?

Par rapport à l’échec, il ne faut pas mettre cela sur les maths (même s’il est vrai que très souvent, tout le monde met les problèmes sur les maths). Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte et je pense qu’il faut revoir de fond en comble le système d’évaluation, les programmes. De toute façon, les gens sont en train de travailler dans le sens des réformes des curricula. Il faut qu’on se donne à fond pour regarder les choses en face.

Il faut qu’on contrôle, qu’on renforce l’encadrement pédagogique, le suivi. C’est pour cela d’ailleurs qu’au niveau de l’enseignement du primaire, les circonscriptions d’enseignement de base (CEB) vont être réorganisées (elles auront rang de direction avec plus de moyens). Au niveau des enseignants, la formation continue doit être de mise et le contrôle des établissements doit se faire en permanence.

On apprend avec vous qu’au-delà du contenu, l’enseignant doit avoir des prédispositions personnelles. Quels peuvent être vos conseils à l’endroit des jeunes enseignants ?

La première des choses qu’il faut faire, c’est la formation. Beaucoup de gens sont devenus enseignants, pas par vocation. Ce n’est pas seulement dans l’enseignement, même dans bien d’autres secteurs de la vie, des gens y sont allés par défaut parfois. Mais quand ça arrive, la première des choses, c’est de travailler à accepter cela, travailler à aimer ce que tu fais. Pour moi, les conseils que je peux donner, c’est cela. Aimer ce que tu fais et se donner les moyens d’y parvenir, en faire un défi personnel.

Aux élèves qui ont envie d’emboîter vos pas de mathématicien ?

Qu’ils soient persévérants et n’aient pas honte de présenter leurs erreurs. Ils doivent dire ce qu’ils pensent. C’est cela qui va permettre de les aider. Derrière les erreurs, il y a toujours une logique et les gens doivent comprendre la logique qui se cache derrière les erreurs des élèves. Les élèves ne doivent pas avoir peur de se tromper. Les maths sont présentées aux apprenants sous leur forme achevée. Quand on veut poser, on dit que par un simple calcul, on trouve ça.

On oublie que pour pouvoir aboutir à la forme achevée, ce sont des mois de recherche, on a gaspillé des brouillons pour cela. Mais l’apprenant, quand il se trompe, il croit que c’est parce qu’il ne vaut rien. Alors que non, ce n’est pas cela. C’est cela qu’il faut faire comprendre aux apprenants. Que les parents continuent à encourager les enfants, à leur permettre d’avoir confiance en eux. L’exemple des 8 francs que j’ai donné plus haut veut dire que les commentaires que vous avez envers les enfants face aux sujets impactent leur état d’esprit.

Interview réalisée par Oumar L. OUEDRAOGO
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