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Lancina Ki, directeur général de la Maison de l’entreprise du Burkina Faso : « Nous avons entrepris de dynamiser davantage nos appuis au secteur privé »

Publié le vendredi 25 janvier 2019 à 00h26min

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Lancina Ki, directeur général de la Maison de l’entreprise du Burkina Faso : « Nous avons entrepris de dynamiser davantage nos appuis au secteur privé »

Créée en septembre 2002, la Maison de l’entreprise du Burkina Faso (MEBF) a pour mission principale de rénover et de moderniser le dispositif d’appui au secteur privé. Depuis lors, elle a géré une dizaine de projets et programmes pour une enveloppe de plus de 47 milliards de F CFA. 2018 a été une année bien remplie pour la MEBF ; 2019 se présente aussi sous de bons auspices avec d’importants défis à relever, notamment l’opérationnalisation du plan stratégique 2019-2023. Depuis le 1er mars 2018, c’est Lancina Ki, précédemment directeur de l’Industrie et de la promotion du secteur privé à la Commission de l’UEMOA, qui dirige la MEBF. En ce début d’année 2019, il a accordé une interview à votre journal en ligne Lefaso.net. Les missions de sa structure, les défis, les perspectives pour booster la compétitivité de l’entreprise burkinabè, sont entre autres les questions abordées avec lui dans cet entretien. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Pouvez-vous nous présenter la Maison de l’entreprise du Burkina Faso ?

Lancina Ki : La Maison de l’Eentreprise du Burkina Faso (MEBF) est née d’un partenariat entre le secteur privé et le gouvernement pour trouver des réponses adéquates aux principales préoccupations du secteur privé. Cette structure a été mise en place par le secteur privé, à travers principalement la Chambre de commerce et d’industrie, le Conseil national du patronat burkinabè et appuyée par l’Etat et des partenaires techniques et financiers qui ont une vocation à développer le secteur privé burkinabè.

Les agents qui y sont ne sont pas des agents affectés par l’Etat, c’est la MEBF qui a recruté son personnel pour exécuter une mission bien précise. Au sein de la Maison de l’entreprise, il y a des services qui accomplissent des services de l’Etat comme le Guichet unique du commerce et de l’investissement qui est animé par des agents de l’Etat.

Depuis fin 2002, année de la création formelle de la MEBF, à ce jour, l’équipe exécutive de la MEBF, sous les orientations du Conseil d’administration, travaille à remplir les objectifs principaux allant dans le sens de la facilitation des formalités d’entreprises et d’actes de construire avec les guichets CEFORE et CEFAC, de l’accompagnement des dirigeants d’entreprises par l’animation d’un dispositif d’accueil, d’écoute et d’orientation vers les programmes d’appui au secteur privé, financés par des partenaires techniques et financiers.

A cela s’ajoute l’ingénierie que la MEBF a développée et mise à disposition de nombreuses initiatives d’envergure nationale, à savoir les projets et programmes de développement relatifs à l’entreprenariat des jeunes et des femmes, à la croissance économique dans le secteur de l’agriculture, au déploiement des pôles de croissance. Entre 2003 et 2018, nous avons géré une dizaine de projets et de programmes pour une enveloppe de plus de 47 milliards de F CFA.

Je signale également que la MEBF joue un rôle d’interface majeur avec les administrations, les institutions d’appui au secteur privé et les prestataires de services en matière d’information économique, de conseils, de formation et de formalités de création d’entreprises.

Quelles sont les missions assignées à la Maison de l’entreprise du Burkina Faso ?

La mission principale de la Maison de l’entreprise du Burkina Faso est d’être une structure au service du secteur privé burkinabè. C’est faire d’abord des prestations qui sont une réponse aux préoccupations du secteur privé. Et cela nous amène à être un service où s’accomplissent les formalités administratives.

Deuxièmement, nous sommes ce service qui développe et met en œuvre des projets que les partenaires techniques et financiers veulent déployer au profit du secteur privé. Nous avons également comme troisième axe à savoir l’appui-conseil qui sert à répondre à des préoccupations ou questions que les membres du secteur privé pourraient se poser.

Par ailleurs, nous organisons des sessions de formation à l’endroit de tout nouveau créateur d’entreprise et des sessions d’informations pour que le secteur privé puisse disposer de l’information dont il a besoin. Par exemple, pour toute nouvelle loi des finances adoptée, il y a des conséquences au niveau fiscal et il faut que nos membres du secteur privé sachent quelles sont les implications de cette nouvelle loi sur leurs activités en termes de fiscalité.

En résumé, nous avons des actions d’accomplissement des formalités administratives, des actions d’accompagnement en termes d’appui-conseil, de mise en œuvre des projets qu’on nous confie et enfin des actions d’information et de formation à l’endroit des acteurs du secteur privé et toute autre activité allant dans le sens du développement du secteur privé. Et nous accompagnons aussi le gouvernement sur un volet important, celui relatif à l’amélioration du climat des affaires.

Quelles sont les entreprises qui peuvent être membres de la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso ?

La Maison de l’entreprise du Burkina Faso est une association de droit privé. Elle est reconnue d’utilité publique depuis le 19 avril 2010. La MEBF est forte aujourd’hui de plus de 800 membres et reste ouverte à toute entreprise ou association professionnelle légalement créée et désireuse d’en être membre. Comme pour toute association, il y a des droits d’adhésion qui sont de 150 000 F CFA pour tous et des cotisations qui sont fixées entre 75 000 F CFA et 200 000 F CFA, en fonction de la taille de l’entreprise ou du groupement professionnel. Les adhésions sont soumises à l’Assemblée générale pour examen et validation.

Je profite informer que nous avons entrepris de dynamiser davantage nos appuis aux membres avec des services plus innovants répondant à leurs besoins.

Nous sommes en 2019, quel bilan peut-on établir des grandes activités réalisées l’an dernier ?

2018 a été une année très remplie à la Maison de l’entreprise du Burkina Faso. Nous avons bouclé la dernière ligne droite de notre plan stratégique 2014-2018. Nous avons couvert tout le territoire avec les Centres de formalités des entreprises (CEFORE) ouverts dans les treize régions du Burkina Faso.

Il y avait deux régions qui n’avaient pas d’antenne régionale de la Maison de l’entreprise. Il s’agit du Centre-Sud et du Plateau Central dont les chefs-lieux sont respectivement Manga et Ziniaré ont maintenant chacune une antenne régionale. Nous avons poursuivi nos efforts de formation, d’information et d’orientation au profit de milliers de promoteurs. De nouveaux services ont été lancés.

Je veux citer le Pantouflage pour la reconversion souple des retraités dans une vie d’entrepreneurs, le Service de facilitation au financement (SEFAFI) pour mieux accompagner les entreprises auprès des institutions bancaires. Nous avons, avec le soutien du gouvernement, pu rendre effective la sécurisation du Registre de commerce et du Crédit mobilier, afin de lutter contre la falsification et de tout usage frauduleux répudiable en affaire.

Il me plait aussi de citer au titre des acquis de 2018, la tenue de la 13e édition des Journées de l’entreprenariat burkinabè qui a permis de mobiliser douze donateurs avec une enveloppe globale de 101 500 000 F CFA au profit de 34 lauréats de la Compétition des plans d’affaires. La Maison de l’entreprise du Burkina Faso a décerné onze prix financiers d’une valeur de 10 millions de F CFA et douze prix non-financiers d’une valeur de 24 millions.

L’opinion publique a été aussi témoin de la mise en œuvre du Statut de l’entreprenant intervenu en 2018 et qui a permis l’enregistrement de 300 promoteurs de micro-entreprises en qualité d’entreprenants et le renforcement de leurs capacités grâce à des formations sur l’esprit, la création et la gestion d’entreprise.

A ce bilan non-exhaustif, j’ajouterai l’ouverture du Centre d’incubation féminin en entreprenariat agricole dans le Centre-Est, avec l’appui de la CEDEAO, qui nous donne une satisfaction totale, ainsi que le Cash transfert et le Fonds à coûts partagés en lien avec l’appui de la Banque mondiale aux services critiques dans le cadre du Projet pôle de croissance de Bagré.

Sur quelles activités la MEBF mettra l’accent au cours de 2019 ?

Les activités qui ont été lancées en 2018 vont atteindre leur vitesse de croisière en 2019. Pour le dispositif de facilitation de l’accès au financement mis en place en 2018, en 2019 nous y mettrons un accent particulier. Nous allons également mettre en place en 2019 un dispositif que nous avons appelé « pantouflage » qui consiste à préparer et à accompagner ceux qui sont à la retraite ou qui vont à la retraite, à la gestion de leur entreprise.

Aujourd’hui, beaucoup de gens vont à la retraite, solides. Et au lieu d’aller dormir et compter sur la pension, beaucoup entreprennent et c’est pour cela que nous avons créé le pantouflage qui va consister à les accompagner jusqu’à ce que leur entreprise soit créée en leur donnant tous les outils dont ils ont besoin.

Nous sommes aussi en train de finaliser un grand projet pour 2019 avec le ministère des Ressources animales sur financement de la Banque mondiale. Dans ce grand projet, nous mettons en œuvre le volet accompagnement pour le développement de l’entrepreneuriat.

Enfin, nous sommes en train de mettre au point un nouveau plan stratégique qui couvrira la période 2019-2023. Les prochains mois, l’accent sera mis sur le renforcement des services d’appui en direction des membres et des petites et moyennes entreprises, surtout celles évoluant dans les secteurs émergents. Les autorités burkinabè sont à pied d’œuvre pour relancer l’économie nationale et la MEBF joue sa partition en renforçant son soutien aux entreprises dans l’agrobusiness, les mines, l’export, les services et l’accès aux financements.

Quel dispositif est mis en place, au sein de la MEBF, pour accompagner les jeunes qui désirent se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Un jeune qui désire se lancer dans l’entrepreneuriat n’a même pas besoin d’être déclaré membre de la Maison de l’entreprise avant d’être pris en charge. Il accomplit ses formalités et nous mettons à sa disposition un ensemble d’accompagnement pour qu’il puisse bien démarrer son entreprise.

J’évoquais les Journées de l’entreprenariat burkinabè (JEB) organisées depuis treize ans par la MEBF, en collaboration avec nos partenaires. Cet événement constitue une tribune de reconnaissance et de récompense des porteurs de projets avec la précieuse contribution des structures de financement, des professionnels de l’appui-conseil aux entreprises, des partenaires techniques et financiers et de certaines grandes entreprises citoyennes qui portent leur intérêt sur l’entreprenariat des jeunes.

Par édition, pas moins de 5 000 jeunes participent à des conférences, rencontrent des institutions financières et des structures d’appui, toutes choses qui leur permettent d’en savoir plus sur les offres de services d’appui financier et non-financier au secteur privé. La compétition des plans d’affaires organisée en marge des JEB sert à challenger les porteurs de projets à fort potentiel de développement auxquels la MEBF apporte son concours en termes d’accompagnement pour leur mise en œuvre.

En plus des JEB, la MEBF tient mensuellement une réunion d’information sur la création d’entreprise ouverte gratuitement à tout porteur de projet et promoteur.

A cette occasion, un éclairage est fait sur les modalités d’accompagnement de la Maison de l’entreprise du Burkina Faso. L’autre dispositif est le Séminaire de management de la Nouvelle entreprise destinés aux nouveaux créateurs d’entreprises et visant à leur enseigner le b.a-ba en matière de gestion : comment conduire leurs entreprises, quelles sont les précautions qu’il faut prendre, quelles sont les difficultés que son secteur d’activité connaît, pour qu’ils aient tous les outils de gestion de leurs entreprises. A chaque fois qu’il y a des sessions la salle est pleine. Plus de 8 000 personnes ont bénéficié de ces formations au cours de l’année 2018.

Maintenant, si dans la vie de leurs activités ils ont besoin de conseils spécifiques sur un certain nombre de préoccupations, nous avons une direction d’appui-conseil qui peut les accompagner et leur donner les informations dont ils ont besoin.

Quelle appréciation faites-vous de la compétitivité des entreprises nationales (très peu sont cotées en bourse et très peu exportent leurs produits) ?

C’est vrai qu’ils ne sont pas nombreux au niveau international, mais il faut le reconnaitre, les entrepreneurs burkinabè sont vraiment des battants. Dans un environnement qui n’est pas simple, les acteurs ou les chefs d’entreprise burkinabè sont des gens à saluer par leur dynamisme.

Et contrairement à ce que vous pensez, de plus en plus les entreprises burkinabè s’exportent surtout dans la sous-région. Si on prend le secteur financier, il y a au moins trois banques internationales ou sous-régionales qui ont été créées sur initiative d’hommes d’affaires burkinabè.

Nous avons des hommes d’affaires très aguerris qui se battent, mais nous avons une grande difficulté qui est le coût des facteurs de production qui a toujours été présenté comme un facteur négatif sur la compétitivité de nos entreprises. Dans tous les écrits, vous verrez le coût de l’électricité, le coût du loyer de l’argent et bien d’autres facteurs qui entravent leur compétitivité. Nous souhaitons qu’on examine suffisamment la question, afin d’apporter des réponses adéquates à la situation.

Dans le classement du monde des affaires (Doing Business), le Burkina avait toujours été l’un des meilleurs réformateurs. Mais ces dernières années et particulièrement le rapport de la Banque mondiale qui est sorti au mois de novembre 2018, le Burkina a reculé presque sur tous les indicateurs sauf sur l’indicateur des paiements des impôts pour lequel nous sommes restés stables.

Au regard de ce résultat, il faut que tous les acteurs se mettent ensemble pour lutter pour l’amélioration du climat des affaires dans notre pays. C’est dans ce cadre que le gouvernement a mis en place un comité de pilotage qui est présidé par le Premier ministre lui-même pour examiner la situation et trouver des solutions.

Le rapport Doing Busines est très important parce que c’est ce document que les investisseurs étrangers regardent pour aller investir dans un pays. Le climat des affaires et celui de la sécurité ont subi de dures épreuves mais c’est surtout celui des affaires qui compte parce qu’on a beau décrier une situation sécuritaire, si l’homme d’affaires sait qu’il fera fructifier son affaire, il y va.

Quels sont les principaux problèmes de l’entreprise burkinabè ?

Les défis auxquels font face les entreprises sont aujourd’hui nombreux. L’entreprise au Burkina évolue dans un contexte pas toujours facile. La conjoncture économique, l’insécurité, les difficultés d’accès aux marchés et aux capitaux, la concurrence des produits étrangers, la fraude, la faiblesse des infrastructures économiques… La MEBF a commandité une étude sur la mortalité des entreprises qui a révélé un taux global de 16,37% des entreprises créées au CEFORE entre 2006 et 2013.

Des recommandations sorties de l’étude, on peut citer, entre autres, celles relatives à l’intensification des efforts pour réduire les contraintes d’accès au financement qui entravent le développement des PME ; au renforcement des capacités managériales des promoteurs et des porteurs de projets ; au développement des centres d’incubation d’entreprises et de pépinières orientés sur les secteurs de transformation, afin de susciter l’innovation.

Sur ces trois axes, en synergie d’action avec d’autres structures d’appui au secteur privé, dont la Chambre de commerce et d’industrie, la MEBF y déploie des actions pour pallier les principaux problèmes.

Quelles suggestions avez-vous à l’endroit des autorités de tutelle et du secteur privé ?

La Maison de l’entreprise du Burkina Faso participe au Comité de pilotage et de suivi de l’amélioration du climat des affaires au Burkina Faso mis en place par le gouvernement en décembre 2017. Aux côtés des autres partenaires étatiques et privés, nous militons avec nos idées et nos services à poursuivre la mise en œuvre des réformes déjà engagées, à adopter et à mettre en œuvre de nouvelles réformes sur lesquelles nous participons à renforcer la communication auprès du grand public en général et auprès des promoteurs en particulier.

L’amélioration du climat des affaires requiert l’engagement de toutes les administrations, afin que le secteur privé puisse avoir les moyens de créer la richesse et des emplois, pour le bonheur de tous. Un secteur privé dynamique ouvre la porte pour le développement d’un pays.

A l’endroit du gouvernement, je saluais tout à l’heure le dispositif qui a été mis en place pour l’amélioration du climat des affaires, alors je l’encourage à toujours aller dans cette lancée, afin de promouvoir le développement des investissements dans notre pays. Nous l’encourageons aussi à améliorer les dispositions fiscales. Le gouvernement a fait des progrès très importants pour faciliter le paiement des impôts et nous souhaitons que cet effort se poursuive toujours.

A l’endroit du secteur privé, c’est d’encourager tout un chacun à se formaliser pour qu’un environnement sain puisse être créé pour les entreprises. Je les invite également à se démarquer de toute pratique frauduleuse. Les pratiques frauduleuses tuent les entreprises et leur environnement et si l’on arrivait dans notre pays à combattre rigoureusement la fraude, tout le monde en sortirait gagnant. Je les invite enfin à se rapprocher de la Maison de l’entreprise, c’est leur maison, c’est mis en place pour eux et il faut qu’ils y viennent.

Vos vœux pour 2019

Mes vœux pour 2019 pour l’ensemble des Burkinabè et du secteur privé en particulier, c’est des vœux de paix, des vœux de santé. S’il y a la paix et la santé, chacun pourra vaquer à ses occupations et profiter des opportunités pour rendre son année fructueuse et pleine de réussite. Que Dieu accorde la paix à tous les Burkinabè !

Propos recueillis par Moussa Diallo et Etienne Lankoandé (stagiaire)
Lefaso.net

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