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Paramanga Ernest Yonli : le réformateur de l’Administration burkinabè (2)

Publié le lundi 13 juin 2005 à 07h34min

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Nommé Premier ministre du Burkina Faso le 7 novembre 2000, Paramanga Ernest Yonli va s’attacher à mettre en place un gouvernement "d’ouverture" (un tiers des postes ministériels étaient détenus par des membres de "l’opposition") en mesure de faire face à une situation difficile. Yonli fera face.

Et le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti gouvernemental, remportera les législatives du 5 mai 2002 (1’ ancien premier ministre Christian Roch Kaboré prend la présidence de l’Assemblée nationale). Six semaines plus tard, un nouveau gouvernement sera nommé, un "gouvernement de combat", celui du "développement économique et social, du renforcement de la paix sociale et de la consolidation des acquis démocratiques".

Exit l’opposition ; c’est une équipe resserrée (31 contre 36) avec quelques représentants de la société civile et deux poids lourds de la vie politique burkinabè nommés ministres d’Etat : Youssouf Ouédraogo, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, et Salif Diallo, ministre de l’Agriculture.

"La première année d’exercice du gouvernement n’aura pas été de tout repos, soulignera la lettre d’information du Première ministère dans son édition du 26 juini9 juillet 2003. Elle a été surtout consacrée au parachèvement de l’édifice institutionnel suite aux réformes politiques et institutionnelles entreprises par le gouvernement précédent et au lancement des chantiers de développement inscrits dans le Programme pour un développement solidaire du chef de l’Etat". Son rédacteur ajoute : "L’état de grâce pour ce gouvernement n’a duré que deux mois à peine après sa formation".

Le 1 er août 2002, Balla Keïta, secrétaire général du P DCI (1e parti créé par le général Gueï à la suite de son accession au pouvoir à Abidjan), est assassiné à Ouagadougou où il s’est installé. C’est le point de départ de la sous-régionalisation de la crise ivoirienne qui va s’exacerber avec la tentative de coup d’Etat du 18-19 septembre 2002, provoquant un afflux de réfugiés à sa frontière avec la Côte d’Ivoire et des tensions économiques qui s’ajoutent aux tensions diplomatiques.

Pendant ce temps, Yonli doit poursuivre la mise en place des institutions, le dialogue social, la décentralisation des activités, le soutien de la croissance économique, etc.
La crise ivoirienne va occuper une part essentielle du discours du Premier ministre sur la situation de la Nation prononcé devant l’Assemblée nationale au début de l’année 2003 (cf LDD Burkina Faso Oi8/Lundi 3i mars 2003).

Mais Yonli n’oubliera pas d’aborder, plus longuement encore, la tâche qui a été la sienne au plan intérieur. "Il est illusoire, disait-il alors, de penser qu’on peut réduire la pauvreté par des actions économiques et une politique fiscale. Il faut améliorer et renforcer les capacités de production par une bonne éducation et une meilleure condition sanitaire de l’ensemble de la population. Ce sont nos priorités".

Il définissait alors cinq lignes d’action : travailler à accélérer la croissance ; approfondir les réformes économiques de façon à réduire la pauvreté ; assainir l’économie pour maintenir un cadre macro-économique stable ; développer les institutions à travers une réforme de l’Etat et une meilleure répartition des rôles entre l’Etat et les autres acteurs du développement national ; bâtir et consolider la bonne gouvemance afin de préserver les acquis de paix sociale et de fortifier les acquis démocratiques.

La crise ivoirienne sera gérée avec ce qu’il faut de rigueur et de sérénité par le chef de l’Etat et le chef du gouvernement. Non sans qu’elle ait quelques effets collatéraux assez inattendus (notamment "l’affaire Hermann Yaméogo" et la mise en cause du Burkina Faso dans des opérations de déstabilisation au Togo et en Mauritanie - cf LDD Burkina Faso 044 à 048/Lundi Il au Vendredi 15 octobre 2004). Me recevant, le jeudi 28 avril 2005, lors de son passage à Paris, Paramanga Ernest Yonli, m’affirmait que "l’on devait se féliciter que la médiation du président Thabo Mbeki ait permis de franchir une étape importante" dans l’évolution de cette crise.

Certes, il y avait de l’hésitation dans la formulation de son propos (on dit chez moi : "Quand on connaît ses Saints, on les honore") traduisant son souci de trouver les mots justes, mais il ne manquait pas de souligner que, "désormais, qu’il s’agisse du président Laurent Gbagbo, des partis d’opposition, des Forces nouvelles, chacun a en vue une échéance présidentielle en octobre 2005, échéance qui doit être rendue possible. Ce n’était pas le cas dans un passé tout à fait récent. Maintenant, les protagonistes de la crise ivoirienne, les partenaires de la communuauté internationale et de la région ouest-africaine doivent travailler à définir les actions utiles en amont pour permettre des élections équitables et transparentes".

Le Premier ministre ne manque pas de rester circonspect. "Cela ne présage pas, me précise-t-il, des difficultés qui pourraient réapparaître. Il y a les questions du désarmement, de la démobilisation, du cantonnement des milices qui doivent encore être réglées avant que l’on entame le processus électoral. A chacun d’y apporter sa contibution afin d’accélérer le
processus". En Côte d’Ivoire, les exactions à l’encontre des populations considérées comme "burkinabè" se sont "estompées" selon le mot même du Premier ministre.

Il souligne cependant que "dès lors que des tensions apparaissent à Abidjan, notamment entre les milices et les forces classiques de sécurité, ce sont toujours les immigrés qui en sont les victimes. Mais tout cela s’estompe au fur et à mesure que nous avançons dans le temps,. et si le dialogue continue, ce sont des frictions qui vont disparaître d’elles-mêmes parce qu’il va falloir se consacrer à des tâches bien précises et, tout d’abord, assurer la sécurité du processus électoral".

L’effet le plus visible de la crise ivoirienne c’est, tout d’abord, le retour d’un nombre conséquent de Burkinabè de Côte d’Ivoire. Selon le Premier ministre, de 1999 (avec la crise de Tabou) jusqu’à ces derniers mois, c’est plus d’un million de personnes qui ont ainsi rejoint le Burkina Faso pour s’y mettre en sécurité. "Personne n’avait parié sur notre capacité à pouvoir supporter ce choc, m’affirme Yonli [beaucoup avaient même parié sur le contraire, espérant ainsi déstabiliser le régime de Ouaga]. C’est pour nous une source de fierté. La société burkinabè dans sa totalité a montré en cette occasion qu’elle avait des capacités jusqu’alors insoupçonnées d’adaption à des situations à la limite du chaos.

Le gouvernement a mis en place un dispositif
qui a facilité le retour de ces populations. Elles ont été accueillies, à la frontière, dans des centres de transit où elles ont passé 24, 48 ou, au maximum, 72 heures, avant d’être ramenées dans leurs villages. Dans une deuxième étape, nous avions mis en place un système de solidarité collective afin de faciliter leur réinsertion. Un programme doté d’une dizaine de milliards de
francs CFA (dont 4,5 milliards ont été effectivement d’ores et déjà absorbés) a consisté à les repositionner au Burkina Faso, dans un type d’activité exercé en Côte d’Ivoire. Ce programme se poursuit. Et il donne satisfaction à tous.

Beaucoup de ces gens avaient appris, en Côte d’Ivoire, des métiers et ils sont appelés, aujourd’hui, à utiliser dans leur pays d’origine cette expérience acquise ailleurs. Le Burkina Faso a toujours su que sa principale richesse naturelle, c’étaient les hommes et les femmes de ce pays".
L’affaire ivoirienne (qui n’est pas encore solutionnée d’ailleurs) a été une rude affaire pour Ouaga. Et alors que les plus optimistes veulent voir dans son évolution actuelle l’amorce d’un réglement pacifique, voilà que la sous-région se trouve confrontée à une nouvelle échéance. La mort du président Eyadéma qui permet à toutes les ambitions de s’exprimer. Et va provoquer une nouvelle crise dans un pays qui est, lui aussi, un partenaire économique significatif.

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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