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« Une si courte lettre » au président Roch Marc Christian KABORḖ : Parlons maintenant du président Michel Kafando (4/5)

Publié le samedi 20 août 2016 à 00h12min

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« Une si courte lettre » au président Roch Marc Christian KABORḖ : Parlons maintenant du président Michel Kafando (4/5)

J’entends déjà des voix qui s’élèvent et qui réclament l’audit de la Transition. Ils sont sans doute légion ceux-là qui rêvent de confondre, mieux : de voir comparaître Michel KAFANDO et l’équipe qu’il a dirigée devant je ne sais quel Tribunal. Ils prendraient ainsi leur revanche contre ce tombeur de rois, lui qui, à l’instar de l’aiguille de la boussole, a voulu indiquer aux uns et aux autres le Nord. Dieu sait si sa tâche n’a pas été des plus aisées.

Que peut-on dire qui soit objectif sur Michel KAFANDO ?

J’entends déjà des voix qui s’élèvent et qui réclament l’audit de la Transition. Ils sont sans doute légion ceux-là qui rêvent de confondre, mieux : de voir comparaître Michel KAFANDO et l’équipe qu’il a dirigée devant je ne sais quel Tribunal. Ils prendraient ainsi leur revanche contre ce tombeur de rois, lui qui, à l’instar de l’aiguille de la boussole, a voulu indiquer aux uns et aux autres le Nord. Dieu sait si sa tâche n’a pas été des plus aisées.

Voilà un homme qui, à plus de 70 ans, après une carrière bien remplie, a accepté de renoncer à sa retraite tranquille (Ô, cruel destin, comme tu sais te jouer parfois de la volonté humaine !). Il accepta pour ainsi dire d’aller au charbon, passant sous silence les raideurs de son corps vieillissant et cachant avec pudeur les multiples blessures de son âme, blessures causées par la grande expérience des hommes, pour ne plus écouter que la voix de sa conscience, laquelle lui rappelait sans cesse, dans la plus profonde des solitudes, combien le don de soi et l’amour de la patrie peuvent, mieux que tous les honneurs et les plaisirs de la vie, être source de bonheur. A-t-il eu à lire les stoïciens de l’antiquité gréco-romaine, pour s’inspirer de leur sagesse ? Je n’en sais rien. Mais qu’il me suffise simplement de rappeler qu’une telle vision du monde s’était donné pour seule devise cette formule : « Sapientia tota ipse conversa » (Une sagesse entièrement tournée sur elle-même) ; cela consiste à faire le choix de la profondeur abyssale de l’intériorité, laquelle ne peut, en aucun cas, être confondue avec le solipsisme béat, ni avec l’autosatisfaction, et encore moins avec l’aveuglement.

Pour ne pas donner l’impression que les louanges que j’adresse au personnage sont sans fondement, comme si je n’étais qu’un simple griot en mal de reconnaissance, j’essayerai de ponctuer mon propos de quelques faits concrets.

J’ai pu voir le Président Michel KAFANDO, au moins une fois dans ma vie, par une journée chaude d’été, le 3 juin 2015, lors de son passage à Paris. Cette rencontre a eu lieu à l’Ambassade du BURKINA FASO, au 159 du Boulevard Haussmann. Nous étions plus de 500 personnes à le rencontrer, pour lui demander quelque éclaircissement sur ladite Transition qu’il dirigeait.

En réalité, nous nous attendions à peu de chose, chacun étant habitué à la langue de bois des hommes politiques. Qui plus est, cet homme avait passé le plus clair de son temps dans les couloirs feutrés de la diplomatie. Et pourtant, la vie nous réserve parfois de ces surprises … Alors que nous nous croyions réunis dans une sorte d’intimité coupable, comme pour laver notre linge sale en famille, la surprise est venue d’un Ivoirien.

Il avait parcouru des milliers de kilomètres pour voir le désormais président, Michel KAFANDO ! La voix, presque en sanglots, du fait de l’émotion, il déclina publiquement sa dette énorme envers cet homme. Des gens reconnaissants, il y en a fort peu dans le monde des humains, mais il en existe, par moments. Dès lors, il nous fit comprendre qu’aux pires moments de la guerre fratricide dans son pays, il était venu se réfugier chez nous, sachant combien les Burkinabè sont accueillants. Cependant, les réalités humaines sont ce qu’elles sont. On n’est jamais mieux que chez soi. Très vite, cet exilé dut faire face à de nombreuses difficultés ; se confiant à quelques rares intimes, ses soucis parvinrent aux oreilles du citoyen Michel KAFANDO, qui l’appela en personne et qui l’invita à venir le voir. Puis, après lui avoir demandé ce qui pourrait lui être le plus utile, il l’aida, financièrement et administrativement, à réaliser son vœu le plus cher : se rendre aux Etats-Unis d’Amérique … D’où sa conclusion : « Cet homme [parlant de Michel KAFANDO] est quelqu’un de très humain ; vous avez la chance de l’avoir comme président ».

Hélas, nul n’est prophète chez lui. Cela, Michel KAFANDO, ne le savait que trop. Ainsi, comme pour redonner du souffle aux centaines de femmes et d’hommes transis par l’émotion, suite à cette confession publique de cet illustre inconnu, le Président de la Transition, avec la modestie que chacun lui reconnaît, trancha simplement par cette petite phrase : « Tant que vous pourrez aider un homme, faites-le ! » Puis, il passa pudiquement à autre chose.
J’aime autant dire que chacun s’était fait une petite idée du personnage : il n’est pas homme à s’accrocher au pouvoir. Il en donna la preuve.

Le doyen de la cérémonie prit publiquement la parole (quelqu’un de bien connu, un ancien diplomate …), pour demander au président Michel KAFANDO de rester 6 mois de plus au palais de Kosyam – cela s’est passé avant le putsch du 16 septembre 2015 –, pour mener à bien sa mission. Ce dernier répondit avec véhémence : « Non, je suis vraiment pressé que cela finisse ! »

Le mystère ne faisait alors que s’épaissir : comment un Moaaga digne de ce nom peut-il être allergique à la chefferie !?

Est-il vraiment nécessaire de rappeler que chez les Moose tout le monde est chef ? Par exemple, il y a le chef des jeunes : le Kamb-Naaba, alors que chacun sait que tous les jeunes du monde sont épris de liberté, donc un peu enclins à l’anarchie. Qu’à cela ne tienne ! Les Moose sont kantiens dans l’âme : « Même un peuple de démons est gouvernable » (cf. Projet de paix perpétuelle). On peut donc en conclure que tout Moaaga rêve d’être chef de quelque chose. Il y aura ainsi le chef de ceux qui n’ont plus aucune chance de devenir encore chefs un jour : le Nakombs-Naaba.

Le cas Michel KAFANDO pose donc un sérieux problème.

Je parlais tantôt de philosophie. Il m’arrive encore de relire les vieux cahiers jaunis de ma jeunesse, pour essayer de m’abreuver à la source vive où essayait de nous conduire mon ancien professeur de philosophie de la classe de Terminale, Monsieur ZOMBRA. Je le salue au passage, et je lui exprime ici toute ma reconnaissance.

Du peu que j’aie compris de la philosophie, on peut dire que Michel KAFANDO a trop lu les écrits de saint Augustin. Prenons par exemple en considération ce genre de formule : « Deux amours ont bâti deux cités. L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre. L’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. L’une se glorifie en elle-même ; l’autre dans le Seigneur » (cf. La Cité de Dieu, livre XIV).

Voilà qui sonne faux, voilà qui sonne creux dans l’oreille d’un Moaaga. La logique des Moose est tout autre : « Naam ka gaôr n puit ye » (La chefferie est loin d’être une friandise qui se partage).

On en arrive alors à se demander si le Président Michel KAFANDO, ce président d’une saison, est un vrai Moaaga. Au lieu d’aller consulter le Moro-Naaba, qui lui aurait certainement prodigué quelques bons conseils, qui lui aurait fait comprendre qu’un vrai Moaaga ne doit jamais renoncer à la chefferie, il en était à aller rendre visite aux moines bénédictins de Koubri, qui, eux, lui enseignaient des paroles fort incompréhensibles, du genre : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». Et que sais-je encore !? Miséricorde !

Et pourtant, j’ai presque envie de féliciter Michel KAFANDO. Oui, moi aussi, j’ai mes moments d’égarement, mes moments de faiblesse. Et je suis loin d’être le seul.

En effet, cet homme, bien qu’il soit devenu un citoyen ordinaire, comme nous autres, bien qu’il en soit maintenant à s’occuper des dindons, des pintades, des moutons et des ânes, à Komsilga, bien qu’on cherche à le traîner dans la boue, n’en mérite pas moins notre reconnaissance.

Il est de ceux qui savent situer les principes au-dessus de tout ; il est de ceux qui, comme Juvénal, savent qu’une vie ne vaut rien lorsqu’on a perdu ses raisons de vivre. C’est pourquoi je l’inscris parmi mes modèles. J’aurais presque aimé qu’il fût de la même famille que moi … Quoique … Et notre famille est grande, puisque de Komsilga à Kongoussi, en passant par Ouagadougou, de Maânga à Boulsa, en passant par Zam et Zempaosgo, tout le monde l’appelle affectueusement « M Ba Michel ».

A lire et à entendre ce que l’on dit maintenant de lui, j’imagine sa peine : « Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! », aurait dit Corneille (cf. Le Cid). Toutefois, de l’avis de ceux qui le connaissent, il n’est pas homme à se laisser abattre.

Je donnerais tout l’or du monde pour pouvoir manger, ne serait-ce qu’un jour de ma vie, à la table d’un Michel KAFANDO, partager avec lui, non pas une biche braisée, non pas des douceurs inconnues de je ne sais quel pays lointain, qui soumettraient mon palais moaaga à une rude épreuve. Je rêve de partager, avec lui, un bon plat de tô. Mais, sérieux comme il l’est, je sais que je ne peux pas trop compter sur lui pour honorer ce clin d’œil. Si, par hasard, son épouse venait à me lire, qu’elle veuille bien enregistrer ma commande, puisque ce tô, je voudrais le déguster avec de la sauce de gombo, accompagnée de koumba.

Dans cette perspective, j’aimerais faire une petite précision : à tous ceux qui me reprocheront de tomber aussi bas, je ne puis que les inviter à quitter la mare où coassent les crapauds, pour se situer Outre-Rhin, là où la belle plume de Goethe, en son Second Faust, me sert de refuge, pour une fois que j’ose m’aventurer hors de la Terre sacrée de mes ancêtres : « Dasein ist Pflicht, und wär’s ein Augenblick » (Vivre la vie est un devoir, ne durât-elle qu’un instant) ... Sans sombrer dans l’hédonisme, il convient de souligner que tous les plaisirs terrestres ne conduisent pas inexorablement au vice.

Ecrou (ecroupromo71@yahoo.fr)

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