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Professeur Adama Lingani : « L’insuffisance rénale n’est pas une maladie, mais est la conséquence de plusieurs maladies »

Publié le samedi 5 mars 2016 à 01h02min

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Professeur  Adama Lingani : « L’insuffisance rénale n’est pas une maladie, mais est la conséquence de plusieurs maladies »

Ces dernières années, de plus en plus de personnes souffrent de l’insuffisance rénale. C’est donc dire qu’elle est en vogue, mais reste tout de même méconnue du grand public. Dans la plupart des cas, c’est quand on en est soi- même malade ou quand un proche en souffre qu’on s’intéresse à la maladie. Dans le souci d’éclairer la lanterne des internautes, nous avons rencontré le spécialiste de ce domaine au Burkina. Pr Adama Lingani nous a répondu sans langue de bois. Lisez plutôt.

Leaso.net : Qu’est-ce que l’insuffisance rénale ?

On parle d’insuffisance rénale lorsque le rein n’est plus en mesure d’assurer ses capacités d’épuration, c’est à dire éliminer les déchets produits par les aliments que nous consommons comme la viande, le poisson, les œufs, le haricot…, mais aussi les déchets générés par certains organes de l’organisme lui-même.
En plus de cela, les reins ont pour fonction de maintenir l’organisme constant (par exemple les quantités d’eau, de sel, de calcium, de magnésium, de potassium présentes dans l’organisme doivent être constantes). Autre fonction, c’est que les reins contribuent à maintenir la tension artérielle dans les limites normales avec les substances qu’elles sécrètent. En sus, les globules rouges, pour être produits par la moelle, ont besoin d’une substance qui est produite par les reins. En gros, plusieurs fonctions, celles d’épuration, de métabolisme sont jouées par les reins mais, c’est surtout lorsque la fonction d’élimination n’est pas assurée que l’on parle d’insuffisance rénale.

Quelles sont les différentes sortes d’insuffisance rénale ?

Il y en a deux sortes à savoir l’insuffisance rénale chronique et l’insuffisance rénale aigue.
On parle d’insuffisance rénale aigue lorsque la personne était en bonne santé et qu’une maladie ou des conditions X contraignent les reins à ne plus fonctionner normalement. Ces conditions peuvent être sans lésions des reins puisque pour fonctionner normalement, ils ont besoins de sang (le sang doit circuler à une certaine pression, donc si vous avez une pression qui est basse les reins vont souffrir et vice versa si la pression est très élevée). En dehors de cela, on peut avoir des maladies qui atteignent le tissu rénal et l’empêchent de fonctionner naturellement.
Dans le cas de l’insuffisance rénale chronique, c’est un processus à long terme qui détruit les reins, parfois de manière insidieuse non connue, ou bien souvent c’est la phase aigüe qui devient chronique.

Quelles sont les différentes causes de l’insuffisance rénale ?

Elles sont multiples suivant qu’elles soient aigues ou chroniques. Les plus importantes sont l’hypertension artérielle (souvent la cause de 30 % des cas). Ensuite, il y a le diabète. Dans les pays développés, il est à 25 % des cas d’insuffisance rénale chronique. En outre, il y a les malformations qui peuvent être liées à des problèmes génétiques, ou des malformations de l’arme urinaire (qui peut déboucher sur une insuffisance rénale chronique). Par ailleurs, il y a les toxiques (des médicaments ou des végétaux, ou bien les venins de serpent), les infections qui sont une grande cause d’insuffisance rénale. En sus, il y a les calculs, c’est –à- dire quand pour X raison, les reins se mettent à produire des cailloux à l’intérieur de l’organisme et que si toutefois cela obstrue, l’urine ne vas pas couler et les reins vont souffrir.

Comment se manifeste l’insuffisance rénale ?

Elle diffère suivant que ce soit le stade aigue ou celui chronique, ou selon l’importance de la perte de la fonction rénale. Notons que l’insuffisance rénale n’est pas une maladie mais est la conséquence de plusieurs maladies.
Premièrement l’insuffisance rénale aigue lorsqu’elle survient, les signes sont associés à celui de la maladie causale qui peut être liée soit à une infection, à un cas de paludisme grave, une anémie ou soit à des cailloux qui ont obstrué.
Quand par exemple ce sont des calculs, la personne peut uriner avec du sang. Lorsqu’elle est aigue et sévère, elle se manifeste par des vomissements, des nausées, le manque d’appétit, la perte de poids, la diminution des urines qui peuvent amener le patient à faire des œdèmes. En bref, une personne peut avoir l’insuffisance rénale aigue sans qu’il y ait des signes. Par contre, c’est quand elle s’avère grave que les signes se manifestent. Et, ces signes sont détectés à partir des prélèvements sanguins qui vont montrer qu’il y a une augmentation des substances qui devraient être éliminées par les reins.
Dans le stade chronique, c’est un processus lent, progressiste de destruction du parenchyme rénale.

A quel stade de la maladie, le patient doit être obligé de subir les séances de dialyse ?

C’est au stade terminal puisqu’à ce moment-là, le malade a moins de 10% de sa fonction rénale. Et pourtant à 10% de sa fonction rénale, la compatibilité avec la vie devient impossible puisque les déchets assimilable aux toxines vont s’installer et si on ne prend pas la personne en dialyse, cela va évoluer vers des troubles neurologiques (l’insomnie, l’agitation, les convulsions et même le coma).
Dans l’insuffisance rénale aigue, il y a aussi nécessité de faire la dialyse lorsqu’on voit qu’il y a modification de certaines substance dans le sang qui mettent en jeu le pronostic immédiat du malade ; cela permet de le soustraire de la mort imminente et permettre aux reins de fonctionner normalement sans avoir encore recours aux séances de dialyse.
Par contre dans le cas chronique, la dialyse va se substituer au manque de la fonction rénale en essayant d’éliminer les toxines.

Expliquez en termes simples, le rôle de la dialyse sur l’organisme du patient

La dialyse est une modalité thérapeutique de traitement de l’insuffisance rénale aigue et chronique. Elle consiste à soustraire du sang des déchets accumulés qui naturellement doivent être éliminés par les reins.
Le procédé consiste à aspirer le sang du malade, qui par la suite va circuler dans un système de tuyauterie pour arriver dans un dispositif que l’on appelle le dialyseur (lieu où se passe l’essentiel des mécanismes) avant d’être restitué une fois l’épuration terminée ( l’épuration dure 4h en cycle continu). Par exemple, la créatinine qui est un déchet peut être à 1300 et pendant la dialyse, si tout se passe bien, ça peut diminuer jusqu’à 400. Mais du fait que les reins ne fonctionnent pas, quand le malade a fini sa dialyse, vu que l’organisme continue de produire progressivement, les déchets vont raugmenter jusqu’à la prochaine dialyse pour que l’on les ramène encore à un niveau plus bas. En conclusion donc, le malade dialysé est toujours un insuffisant rénal.

Quels sont les moyens de prévention de ‘l’insuffisance rénale ?

Le meilleur marqueur de l’insuffisance rénale chronique est d’évaluer la fonction rénale pour savoir si l’individu à une fonction rénale globale qui est normale. Je profite pour souligner que l’on peut avoir une maladie rénale chronique due à une atteinte du parenchyme rénal sans pour autant avoir une insuffisance rénale chronique.
Pour diagnostiquer la maladie rénale chronique, il y a des marqueurs comme la présence de sang dans les urines, les lésions de parenchyme observées par biopsie. Cependant, le meilleur marqueur pour diagnostiquer l’insuffisance rénale c’est d’évaluer la fonction rénale. Donc, on parle d’insuffisance rénale chez nous quand il y a augmentation de créatinine et souvent de l’urée. Leurs taux dans le sang dépendent de l’alimentation, de l’état de la personne, sa capacité à gérer le stress…
La prévention de l’insuffisance rénale chronique, revient à la prévention de toutes les autres maladies causales (diabète, hypertension, infections, obésité…).
Au niveau de ceux qui sont déjà malades, la prévention consiste à bien traiter les maladies (veiller à la tension artérielle pour ceux qui en souffrent par exemple) ; aussi une gestion efficace des médicaments doit être faite par les médecins. Et lorsqu’il y a insuffisance rénale, vu qu’elle évolue suivant des stades, il faudra tout mettre en œuvre pour que la pro mulsion soit ralentie (si la personne devrait vivre 2ans, faire en sorte de rallonger ça à 5ans).
Dans le cas de l’insuffisance rénale chronique, c’est revenir encore sur les causes des maladies. Par exemple, pour quelqu’un qui est né avec une vessie malformée, il s’agira de faire une intervention chirurgicale pour que les urines puissent être évacuées.

Quels sont les facteurs de risques

Là c’est comme ce que j’ai déjà souligné plus haut ; ils renvoient aux causes des maladies qui peuvent aboutir à l’insuffisance rénale. Et, à ces causes s’ajoute aussi le facteur âge puisqu’à partir de 40 ans, l’Homme perd 10 % de sa fonction rénale tous les dix ans. De plus, les maladies citées plus haut sont généralement des maladies dues au vieillissement.

Quelle est l’ampleur du phénomène au Burkina ?

Au Burkina, nous ne connaissons pas l’ampleur du phénomène, mais si nous voyons au plan international, au moins une personne sur dix à une maladie rénale chronique ; 10% des gens de ces pays développés là souffrent d’une insuffisance rénale vu qu’elle est liée à l’âge.
Chez nous, nous n’avons pas de données mais on pense que chaque année, 100 à 150 personnes par million d’habitants ont une insuffisance rénale, et c’est parmi eux que l’on va dénombrer ceux-là qui ont une insuffisance rénale chronique. Pour notre expérience au CHU-YO, sur 800 personnes à peu près, ¾ des malades y souffrent.

Avez-vous un dernier mot à l’endroit de la population ?

J’invite la population à éviter l’auto médication parce que ce sont des traitements néphro toxiques, à prendre les dispositions pour prévenir les maladies non transmissibles, particulièrement l’hypertension artérielle, le diabète…, manger ce qu’il faut à l’organisme, avoir une activité physique et surtout boire suffisamment d’eau du matin au soir.
Lorsqu’on est hypertendu, il faut prendre régulièrement ses médicaments et veiller à ce que la tension soit normalisée, et pour tous ceux qui ont une maladie chronique, il faut suivre correctement son traitement.

Annick Kaboré (stagiaire)
Lefaso.net

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