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PLAINE RIZICOLE DE LA VALLÉE DU KOU : Du sable dans le riz des producteurs

Publié le mardi 14 août 2012 à 00h39min

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La vallée du Kou fait partie des tout- premiers périmètres aménagés du Burkina Faso. Cette plaine rizicole située dans la région des Hauts-Bassins est aujourd’hui menacée de disparition en raison de l’ensablement de sa source d’eau.

Arouna Tao, producteur exploitant, est inquiet de l’avenir de la vallée du Kou dans la commune de Bama à 30 km de Bobo-Dioulasso. Venu de son Yatenga natal depuis les années 80, il ne peut plus cultiver le riz aujourd’hui comme auparavant, à savoir deux fois dans l’année. A défaut de pouvoir semer du riz, par manque d’eau, il y sème du maïs à chaque saison sèche. En début juillet, le producteur Tao désherbait son champ pour le repiquage du riz. A côté, un autre champ emblavé en patate douce est en maturation.

En principe, ces deux spéculations (maïs et patate douce) ne devraient pas être exploitées sur la plaine du Kou, aménagée en 1968 pour la production du riz, soit deux fois l’année. La présence de ces cultures sus-citées dans la plupart des champs témoigne, si besoin en était, du problème crucial d’eau en saison sèche. Les producteurs utilisent ces cultures à la place du riz parce qu’elles résistent mieux au manque d’eau. En effet, précise M. Tao, si le riz a besoin d’être irrigué toutes les 48 heures, tel n’est pas le cas de la patate qui peut tenir deux semaines sans être arrosée. Une triste réalité provoquée par l’ensablement de la source du Kou. Abdoulaye Ouédraogo, président de l’Union des coopératives de la plaine est un homme à la parole volubile.

Il soutient que le canal principal alimente, en temps normal, la plaine a un débit de 3000 m3 d’eau par seconde. Cependant en saison sèche, ce débit est de 1200 m3 par seconde. Cet état de fait joue sur la distribution de l’or bleu entre les différentes parcelles des exploitants. « Etant donné que le débit devient faible, la répartition de l’eau pose problème », explique Abdoulaye Ouédraogo. Pour lui, les producteurs sont tenus de repartir équitablement l’eau alors que la fertilité des sols varie d’une parcelle à une autre. Face à une telle situation, les producteurs ont mis en place un système de distribution rotatif de l’eau. « Au lieu que tout le monde se serve de l’eau au même moment, les 10 canaux secondaires que comptent le site sont repartis en deux groupes. Les 5 canaux sont ainsi utilisés pendant deux jours par une moitié des producteurs et l’autre groupe attend son tour », indique-t-il.

Lacina Sanou est un vieil homme de 69 ans aux pas toujours alertes. Il est chargé de la distribution de l’eau sur la plaine depuis son aménagement. En homme bien averti sur la gestion de l’eau de la plaine, il soutient que le problème remonte depuis 1987, début de l’ensablement de la source du Kou. De sa propre expérience de producteur, le problème d’eau ne s’est jamais autant fait sentir comme à la présente campagne sèche. Du reste, selon le vieux Sanou, la quantité d’eau devant atteindre le site est prélevée pendant son passage par des producteurs n’exploitant pas sur la plaine rizicole. « Si vous suivez le cours de l’eau du canal principal de la plaine jusqu’à sa source, vous remarquerez la présence de bananeraies, des champs d’oignons et de tomates exploités par des personnes extérieures », explique-t-il d’un air inquiet.

En vue de trouver des réponses aux difficultés que vivent les producteurs de la plaine, le Collectif revalorisons le Sourou (COREK) est né en octobre 2011. De l’avis de son président, Alphonse Tougouma, l’installation anarchique sur le long du canal trouve son explication dans la dissolution de la grande coopérative en 1995. « Et comme il n’y avait plus de suivi dans les activités de la plaine, les gens ont commencé à siphonner le canal pour irriguer leurs bananeraies et papayers », soutient-il. Ainsi, de son avis, le peu d’eau qui devait atteindre la plaine est utilisé par ces individus à des fins personnelles. Et de marteler clairement ceci : « En réalité ceux-là mêmes qui utilisent l’eau de la plaine, surtout à partir de Diaradougou, sont des barons du régime en place ».

Les effets de l’ensablement

Le manque d’eau en saison sèche joue négativement sur le rendement de la plaine. Le fait que certains producteurs cultivent la patate douce joue sur le chronogramme de repiquage du riz. Car selon les explications du président de l’Union des coopératives, le producteur de ladite spéculation ne récolte ses tubercules au fur et à mesure qu’un client se présente pour l’achat. Cette situation explique que le repiquage du riz tarde à commencer sur certaines parcelles. Par ailleurs, aux dires de certains exploitants, le rendement en riz a considérablement baissé. En effet, Lacina Sanou se rappelle cette vieille époque où la plaine était très généreuse. « En vérité, la vallée du Kou est en train de régresser en rendement. Aux premières heures de l’aménagement, je pouvais récolter 4 à 5 tonnes sur ma parcelle d’un demi-hectare, mais aujourd’hui cela est impossible ».

Le producteur Idrissa Sawadogo, originaire de la province du Zondoma (région du Nord) y a établi ses pénates depuis 1977. Embouchant la même trompette, il soutient avoir récolté 5 à 6 tonnes de riz paddy à l’hectare dans le temps, cela avant que l’ensablement de la source d’eau n’entraîne le tarissement du site. « Mais depuis les années 1995, avoir 3 tonnes par hectare est une chose qui arrive rarement », regrette-t-il.

Lors de la récente saison sèche, Idrissa Sawadogo, affirme avoir emblavé son champ en maïs. Même si toutefois, il déplore que cette spéculation lui rapporte peu par rapport au riz. L’abandon de la culture du riz en campagne sèche est aussi ressenti par l’Union des étuveuses de riz de la plaine. Sans avancer de chiffres, la présidente des étuveuses, Mariam Sawadogo, professe avec un pincement au cœur que la quantité de riz paddy livrée par les producteurs à sa structure a beaucoup baissé ces dernières campagnes sèches. Quant aux membres du COREK la production du riz a chuté de 50%. D’ailleurs, pour eux, les pertes subséquentes à l’ensablement du Kou sont estimées à 1,5 milliard de FCFA par an. Interrogé pour en savoir davantage sur ces chiffres donnés par le Collectif, le directeur régional de l’Agriculture et de l’hydraulique des Hauts-Bassins, Maurice Traoré, se garde de toute confirmation.

« Je n’ai pas connaissance de ces chiffres », s’exprime-t-il. Mais M. Traoré reconnaît que l’impact négatif de l’ensablement est considérable pour la région et pour tout le territoire national. Concernant la plaine du Kou, M. Traoré confie qu’il est souvent difficile pour les producteurs de valoriser le tiers du périmètre en saison sèche. « Sur 1200 hectares, ils (Ndlr : les producteurs) n’exploitent souvent que 300 hectares en saison sèche ; le reste constitue une perte importante », précise Maurice Traoré. Le chef technique de la plaine, Marius Sanou, relève pour sa part que le stress hydrique a touché 130 hectares lors de la campagne écoulée. Cependant, le problème n’entame pas la volonté de l’Etat à soutenir les exploitants en semences améliorées et en intrants. « Avec l’appui de l’Etat, nous avons pu augmenter la productivité. N’eût été l’impact du manque d’eau, les exploitants pouvaient récolter 8 000 à 9 000 tonnes de riz paddy », affirme le chef technique.

257 millions de F CFA pour sauver le Kou

Les producteurs, conscients que le salut de la plaine ne viendra que de leurs propres efforts, ont initié des contributions pour le désensablement de la source du Kou. Selon l’agriculteur Lacina Sanou, les cotisations des exploitants ont permis de réunir près de 10 millions de FCFA pour le curage du Kou. « L’Etat nous a promis à maintes reprises de désensabler la source d’eau et jusque-là rien n’a été fait. C’est pourquoi, nous nous sommes cotisés pour trouver une solution à notre problème », se plaint M. Sanou. Mais le hic, poursuit-il, la somme a été jugée trop insuffisante par les autorités régionales. Le directeur régional de l’Agriculture des Hauts-Bassins reconnaît avoir été informé de la somme réunie par les exploitants.

Cependant, estime-t-il, le problème d’ensablement du Kou dépasse le simple cadre des producteurs. « Ce ne sont pas seulement les activités de la vallée qui sont menacées par l’ensablement mais celles de toute la ville de Bobo », souligne Maurice Traoré. En outre, cette méforme de la source d’eau provoque même des inondations dans la ville de Bobo-Dioulasso, en période pluvieuse. « On a vécu des coupures d’eau ces derniers temps (Ndlr : 3 et 4 juillet 2012) à cause d’une inondation des équipements de pompage de l’ONEA. Et cela est une des conséquences de la sortie du Kou de son lit », explique M. Traoré. Ainsi, face au problème, révèle-t-il, il y a eu la mise en place des comités locaux de l’eau. De même, des cadres de concertation ont été organisés en vue de proposer des solutions pour sauver le Kou.

En effet, la dernière grande rencontre en date a été la tenue du forum régional sur la protection des berges du Kou organisé en septembre 2011. « Ce forum qui a été présidé par le ministre de l’Agriculture visait à débattre de la problématique de l’ensablement et de toutes ses conséquences économiques et aussi proposer un plan d’urgence pour sauver ce cours d’eau », souligne le directeur régional de l’Agriculture des Hauts-Bassins. Le coût de ce plan d’urgence est estimé par le directeur regional de l’Agriculture à 257 millions de FCFA. L’urgence de la situation a amené le ministre de l’Agriculture à demander un financement auprès de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). « Aux dernières nouvelles, cela est en bonne voie et je pense que d’ici à la fin de l’année en cours, quelque chose sera fait pour sauver le Kou », indique Maurice Traoré, tout confiant. Mais en attendant, ce sont les producteurs qui paient au prix fort l’ensablement de cette source d’eau du Kou.

Nombamba Didier OUEDRAOGO (ouedi2006@yahoo.fr)


La vallée du Kou, un site fortement peuplé

Selon les responsables du Collectif revalorisons le Kou (COREK), le site aménagé connaît un véritable boom démographique. En effet, selon eux, à l’aménagement de la plaine (1970), la population était estimée à 6 000 mais a atteint de nos jours 80 000 âmes, alors que les superficies exploitables n’ont pas varié. Cela a entraîné un surpeuplement du site. De l’avis du président du COREK, Alphonse Tou, l’Etat n’a pas eu une vision futuriste. « En concevant le site, il (l’Etat) devait se demander en son temps ce qu’il allait devenir dans 40 ans », martèle M. Tougouma. Maintenant que le problème du peuplement se pose, le gouvernement devrait procéder à une extension de la plaine.

Car, de son point de vue, beaucoup de jeunes qui sont nés sur le site ne savent que cultiver le riz alors que de plus en plus il manque d’espace. Et le premier responsable du COREK d’attirer l’attention des autorités de ce pays : « Pour les plaines de Bagré, Sourou et de Ziga, il faut que l’Etat burkinabè ait une vision futuriste en vue de les éviter le même sort que la plaine du Kou ».

N.D.O

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 14 août 2012 à 15:40, par Aboubakar Sidik En réponse à : PLAINE RIZICOLE DE LA VALLÉE DU KOU : Du sable dans le riz des producteurs

    3000 m3/s dans un canal du Burkina Faso, ça fait sourire. Avant d’écrire des inepties pareilles, saisissez la Direction Régionale de l’Agriculture et de l’Hydraulique des Hauts-Bassins.

  • Le 16 août 2012 à 07:01, par hubert En réponse à : PLAINE RIZICOLE DE LA VALLÉE DU KOU : Du sable dans le riz des producteurs

    Attention a l’effet recherche avec un titre de l’article. Que peut-on entendre ici ? Peut-etre meme du riz mal conditionne si on ne lit pas jusqu’au bout l’article ? Ce titre peut-etre prejudiciable aux producteurs de la vallee du Kou.

  • Le 26 août 2012 à 20:45, par sanon En réponse à : PLAINE RIZICOLE DE LA VALLÉE DU KOU : Du sable dans le riz des producteurs

    Après lecture d’une version électronique qu’un collègue a bien voulu me faire parvenir, je voudrais faire quelques observations
    1. Mon nom de famille est SANON et non SANOU
    2. Ma fonction est « Chef de Périmètre » et non « Chef Technique »
    3. Les débits sont erronés : à l’aménagement, le débit avoisinait 2500 -3000 LITRES / SECONDE. A nos jours en fin Mars, le débit oscille entre 800 et 1000 LITRES/ SECONDE
    4. Sois cohérent dans tes sigles : le « COREK » est ce le « Collectif revalorisons le Sourou » ou le « Collectif revalorisons le Kou »
    5. Le titre de ton article sème la confusion. Sans lire l’article en totalité, le titre : « PLAINE RIZICOLE DE LA VALLÉE DU KOU : Du sable dans le riz des producteurs » pourrait faire penser à un problème de qualité et donc de conditionnement. Je ne pense pas que les Etuveuses de la Vallée du Kou apprécieraient ce titre. Un titre par exemple comme « Bientôt plus de production de riz en saison sèche à la Vallée du Kou ? serait plus évocateur du problème d’ensablement et d’insuffisance de débit qui sont traités dans l’article.
    6. La baisse du rendement sur la plaine
    L’insuffisance de débit n’est pas la seule cause de la baisse de rendement sur la plaine. AUTREMENT en campagne humide tous les producteurs feraient 6 à 7 tonnes / Ha comme le permettent les technologies telle la Gestion Intégrée de la Production et des Déprédateurs(GIPD), le placement profond de l’Urée(PPU) ou le système de riziculture Intensive(SRI) que les services techniques vulgarisent sur la plaine mais qui sont très peu adoptées.
    Le producteur Idrissa Sawadogo, originaire de la province du Zondoma (région du Nord) qui a établi ses pénates depuis 1977 à la Vallée du Kou (je te cite) dit certainement vrais lorsqu’il avance que (je te cite) « depuis les années 1995, avoir 3 tonnes par hectare est une chose qui arrive rarement » mais à mon avis il a tord de généraliser sur l’ensemble de la plaine. En effet il existe bel et bien des producteurs atteignant 5 à 6 T de paddy / Ha aussi bien en campagne humide que sèche. La différence entre le premier (Idrissa SAWADOGO) et les seconds réside en la discipline dans la production, particulièrement le choix d’une technologie novatrice et performante et au respect de ses exigences.
    Pour ce qui est de la discipline dans la production, Je t’invite à faire un tour sur la plaine ces jours et tu constateras que jusqu’en fin Août, des superficies non négligeables ne sont pas encore mises en culture. Pourtant La période préconisée par le calendrier agricole se situe entre le 4 et 19 Juillet 2012. Ce n’est pas l’eau qui à manqué !!!
    Tu pourrais peut être te pencher sur ces aspects dans ton prochain article sur la plaine de la Vallée du Kou
    7. Je voudrais attirer ton attention sur le fait qu’il soit peu probable d’obtenir des débits semblables à ceux des années 1968 - 1980 même en saisons humides et encore moins en campagne sèche( même après un désensablement si aucun ouvrage de mobilisation des eaux n’est réalisé en amont pour stocker les eaux de pluie) en raison du niveau des précipitations qui est en baisse continue, l’état des sources d’eau de la Guinguette, le développement des activités agricoles en amont de la prise(Diarradougou, Dinderesso, Nasso, Kokorowé etc.) et les besoins en eau toujours croissants de la ville de Bobo Dioulasso.
    8. En mon humble avis , le salut réside en un changement de mentalité et de comportement(gestion rationnelle et judicieuse des quantités d’eau qui arrivent sur la plaine, respect du calendrier agricole et d’irrigation, introduction de cultures moins consommatrices d’eau et adoption de technologies novatrices et performantes de productions( priorité à la fumure organique, utilisation de semences améliorées et à hauts rendements, utilisation de variétés précoces en saison sèche, production selon l’approche de la Gestion Intégrée de la Production et des Déprédateurs(GIPD), le placement profond de l’Urée( PPU) et le système de riziculture intensive( SRI))
    Malheureusement, les producteurs, en dépit des efforts des techniciens en poste sur la plaine, restent figés sur les années 1968-1970 (tant en ce qui concerne les débits que les techniques de production) considérant la production rizicole presque comme une activité de cueillette devant être toujours assisté par l’Etat.
    Il est encore loin, très loin l’esprit d’entreprise agricole sur la plaine. Dommages !!!
    9. Toutefois Merci pour l’article. Espérons que malgré les insuffisances ci-dessus mentionnées tu auras réussi à attirer l’intérêt des décideurs sur UNE des nombreuses difficultés de la plaine rizicole de la Vallée du Kou.

    Bien à toi et à bientôt.
    Le Chef de Périmètre de Bama

  • Le 30 août 2012 à 16:17, par REALISTE En réponse à : PLAINE RIZICOLE DE LA VALLÉE DU KOU : Du sable dans le riz des producteurs

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