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Yacouba Traoré, une passion pour la télévision

Publié le mardi 7 octobre 2008 à 09h44min

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Yacouba Traoré

Passionné de télévision depuis son enfance, Yacouba Traoré dit être un pur produit de la Télévision Nationale du Burkina qu’il dirige depuis février 2005. Cet artiste dans l’âme est venu dans la communication par accident même s’il affirme qu’il comptait embrasser le métier de journaliste après l’obtention d’un diplôme de troisième cycle.

Son projet initial sera interrompu par l’avènement de la révolution d’août 1983. En effet, à cette époque, le troisième cycle est supprimé à l’université de Ouagadougou par le Comité de Défense de le Révolution (CDR). Pour l’étudiant qui venait d’obtenir sa maîtrise en lettres modernes l’espoir n’était donc plus permis de continuer ses études.

Mais voilà qu’un beau matin, Yacouba Traoré est convoqué avec quelques autres étudiants fraîchement sortis de l’université (Michel Ouédraogo, actuel DG du FESPACO et Issaka Linguani du journal L’opinion) par le secrétariat du CDR. Là, on leur annonce manu militari que dès ce moment ils devenaient des journalistes. A régime d’exception, mesures d’exceptions est-on tenté de dire. C’était pour la bonne cause car il fallait des hommes pour la propagande révolutionnaire. Le jeune maîtrisard est alors envoyé à la télévision nationale du Burkina où il va vivre une passion qui l’animait depuis l’enfance.

Yacouba Traoré savait qu’on ne devenait pas journaliste du jour au lendemain. Pour preuve ses débuts n’ont pas été du tout faciles : « Je me rappelle que j’ai rédigé un article qu’on a qualifié de texte littéraire. C’est bien plus tard que j’ai compris que le journalisme n’était pas de la littérature. »

Tout en sachant qu’on les avait envoyés pour défendre les idéaux de la révolution, il se disait aussi que pour défendre ses idées, il lui fallait également disposer d’un certain savoir dans le domaine, c’est-à-dire d’un savoir technique qui s’acquiert soit sur le terrain ou à l’école. Son ambition était donc de se former et de se perfectionner. L’occasion s’est présentée quand il a été nommé attaché de presse à l’ambassade du Burkina Faso en France en 1995. « C’est à Paris que j’ai véritablement fait des études en sciences de l’information et de la communication » déclare t-il avec une petite lueur dans les yeux. Cette formation sera sanctionnée par un DEA avec option média et multimédia. Quelques années après son retour au pays, il sera nommé à la tête « de la chaîne au cœur des grands évènements » qu’il dirige avec passion.

Un artiste à la télé

Yacouba Traoré considère les 200 agents de la télévision nationale comme étant tous des artistes au sens propre comme au figuré : « Dans notre profession, on dit que le journaliste c’est 50% d’artiste et 50% de technicien. Au niveau de la télévision on atteint 60 à 75% ». Ainsi, il se définit lui-même comme un artiste : « Si je n’avais pas été artiste, c’est-à-dire journaliste, j’aurais été footballeur ou cinéaste réalisateur ». Cette âme d’artiste fait qu’il ne rencontre pas de difficultés majeures dans l’exercice de sa fonction. Selon lui, la difficulté se trouve plutôt au niveau de la matière pour alimenter les programmes. La conséquence est qu’il est difficile de produire des programmes fixes. Cette difficulté est rencontrée par toutes les télévisions africaines qui ont toutes peu de moyens pour y faire face. C’est pourquoi, il envisage avec le réalisateur Jean-Marc Bado de produire la première série télévisuelle de l’histoire de la télévision burkinabé pour septembre 2009. Ce sera une série d’environs 100 épisodes.

Même si le directeur de la télévision nationale du Burkina connaît le nom de chacun de ses 200 agents, il pense que certains ne méritent pas de faire ce métier car ils y sont venus non par vocation mais par opportunisme. Car cette situation crée des blocages tels le manque d’esprit télévisuel.

Yacouba Traoré aime ce qu’il fait et comme toutes les choses qu’il aime il le fait avec passion. Au quotidien il anticipe, conçoit et surtout voit ce qu’il peut faire pour ne pas ennuyer les téléspectateurs. Il se projette dans l’avenir et ne le fait pas seul. L’équipe qui l’épaule voit avec lui quels genres d’innovation ils peuvent apporter à la chaîne pour qu’elle puisse tenir la concurrence qui devient de plus en plus difficile. D’ailleurs cet esprit qui l’anime l’a amené à apporter de nombreuses innovations tant dans le contenu des programmes, des infrastructures et de la ligne éditoriale de la télévision. En effet, c’est sous l’ère de Yacouba Traoré que la TNB a connu sa première rentrée télévisuelle, sa cour réaménagée et le programme a été rendu plus attrayant a travers de nouvelles émissions. C’est également sous l’ère Traoré que la télévision a commencé à tendre réellement vers un média de service publique.

Lui-même le souligne, il estime qu’il suit une trajectoire et un rythme qu’il juge bon. Même s’il a souvent peur quand Pascal Thombiano pose des questions chaudes dans son émission « Actu Hebdo ». Il se rappelle en 2007 de l’entretien du Président du Faso avec des journalistes diffusé en direct sur les antennes de la télévision. Après l’entretien, la parole avait été donnée à trois intervenants issus de la majorité, de la société civile et de l’opposition. Il semble que des politiciens de la majorité lui en ont voulu tandis que des confrères de pays voisins l’ont félicité.

Des ambitions et des projets

Cet homme aux idées novatrices est aussi un grand patriote qui veut contribuer au rayonnement de son pays. Pour cela il nourrit de grandes ambitions. Ce boulimique de la télévision se projetant sur ce que font les autres pays de la sous région se dit que le Burkina devrait être à égalité, sinon au dessus. En effet, la RTB émettant depuis le 05 Août 1963 est l’une des premières de l’Afrique de l’ouest. Il est donc inconcevable qu’une chaîne comme la RTI qui depuis sa rentée audiovisuelle de septembre 2006 émette 24 h / 24h avant le Burkina.
Ce constat Yacouba Traoré l’a fait au regard de ce qui se passe dans le pays. Selon lui, le fait que le Burkina soit premier en tout et au finish est dépassé par les autres démontre qu’il y a un gros travail à faire. Et le cas de la télé n’en est qu’un parmi tant d’autres. Ni jaloux, ni impressionné par l’exemple de la Côte d’Ivoire, il veut simplement qu’on lui donne les moyens pour que la télé ne soit pas encore derrière.

Un de ses rêves est d’avoir un programme en continu 24 h / 24 h pour la télé « non parce que les autres l’ont fait mais parce qu’il le faut ». Pour cela il lui faut un second serveur même si certains agents commencent à grogner. Malgré le fait que la télévision soit sur le satellite, Yacouba Traoré n’est pas satisfait. « Ce n’est pas extraordinaire d’aller sur le satellite, le problème est de descendre. On n’y est allé mais on descend mal » déclare t-il. Sa préoccupation est que la télévision est mal reçue ou difficilement recevable en Europe et dans certains Etats américains car les moyens de réception sont lourds, donc un peu chers. La télévision du Burkina vient de rentrer dans un bouquet africain très vu en Europe. Il se dit confiant en l’avenir.

Une autre de ses ambitions est de développer le site web de la RTB. Avec un DEA en multimédia il est conscient de l’importance des TIC surtout dans le domaine de la convergence des écrans. Afin de réussir son pari, il lui faut une véritable rédaction, une équipe bien étoffée, chose qui n’est pas aisée quand il explique que les journalistes de sa télévision n’ont pas conscience de l’importance d’un site pour leur chaîne.

Cette année l’innovation majeure de la rentrée audiovisuelle est le choix de la ville de Bobo Dioulasso. « Ce sera l’occasion de rendre hommage aux pionniers de l’audiovisuel du Burkina Faso dans cette ville et de faire de radio Bobo une station de production d’émissions télévisuelles. Le duplex Bobo Ouaga pourra être pérennisé et on procédera ainsi à des interviews depuis Ouaga d’une personne à Bobo » relève Yacouba Traoré.

Concernant les programmes, le directeur de la télé prévoit une nouvelle émission « Cyber Mag », réalisée en partenariat avec Lefaso.net et qui donnera la part belle aux nouvelles technologies. Pour essayer de pousser les producteurs et les réalisateurs vers le numérique afin de contrebalancer les ténélovelas, la télé est actuellement en négociation avec une société nigériane. Si les pourparlers aboutissent, dorénavant, des fictions nigérianes sous-titrées en français seront diffusées tous les mercredis en soirée africaine sur la RTB. A ce titre, Yacouba Traoré demande aux pouvoirs publics de jouer leur rôle afin que les médias puissent jouer la leur. Le directeur passionné le fait déjà, lui qui se donne corps et âme à sa tâche jusqu’a s’oublier lui-même.

Un homme que ses passions détruisent

« J’ai beaucoup de défauts. Je suis très passionné et impatient. Je n’ai pas d’amour, j’ai des passions. Ça me détruit. J’en ai conscience » voilà comment se décrit Yacouba Traoré. Ses différentes passions, il les paie au prix fort. La passion de la cigarette l’a tellement rongée qu’il a perdu sa voix ; cette voix qui dans le temps a fait les beaux jours du journal télévisé de la RTB. A 49 ans, marié et père de 4 enfants, ce musulman qui a effectué un pèlerinage à la Mecque, reconnaît ne pas avoir de vie de famille : « J’aime ma famille et je sais qu’elle souffre par ma faute mais j’aime aussi mon métier ».

Des qualités, il estime ne pas en avoir. Mais n’est-ce pas déjà de l’humilité et de la modestie que de reconnaître avoir beaucoup des défauts ? « Je me contente d’aimer la télé et je me mets plus au service des autres » c’est peut être une qualité pense t-il. Ce journaliste artiste qui cite Baudelaire et Rimbaud est un scorpion impatient d’administrer son venin. Il se reconnaît dans un bel étalon blanc, fougueux, puissant et épris de liberté. Ce rêveur n’est nullement complexé par son problème de voix car le plus important pour lui, est ce que la tête peut faire. Et ce qu’il veut faire, c’est donner un certain pouvoir à la télévision. Pourvu qu’on laisse ce créateur passionné « planer à sa guise comme l’albatros ».

Marie-Chantal Bouda
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 7 octobre 2008 à 11:20, par Blaise En réponse à : Yacouba Traoré, Directeur de la Télévision nationale du Burkina : « Je n’ai pas d’amour, j’ai des passions »

    On est plus que comblé quand on lit de pareils articles, en tous cas pour ma part. Surtout comblé de savoir qu’il existe des fils du pays soucieux de donner à la télévision nationale toutes ses lettres de noblesse.
    Et je pense qu’il faut des passionnés à sa tête,des gens qui nous font rêver comme des vrais artistes. Il est temps de rompre cet amateurisme dont fait montre notre télévision nationale. Nous sommes sur satellite et il faut y mettre les moyens. Et comme dit le Directeur Yacouba Traoré himself l’essentiel n’est pas d’aller sur satellite c’est de bien descendre. Les images de notre télévision ne sont pas des plus enviées.
    Mais nous notons quand même des efforts et on peut que dire courage aux acteurs de la télé et surtout courage à M. Traoré pour tout ce qu’il fait pour la télévision nationale.

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