LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Georgette Paré : La comédienne va au delà des attentes du réalisateur"

Publié le mardi 29 avril 2008 à 08h20min

PARTAGER :                          

Georgette Paré

Ses talents de comédienne de cinéma ne laissent personne indifférent. Son métier porte ombrage à sa profession d’attaché de presse. "Sidwaya Mag. Plus" l’a rencontrée.

Sidwaya Magazine Plus (S. M. P.) : Présentez-vous à nos lecteurs.

Georgette Paré (G. P.) : Je suis Georgette Paré, comédienne de cinéma et attachée de presse de formation. Cela fait 19 ans que je joue dans les films comme comédienne. Mon métier de comédienne a pris le pas sur ma profession.

S. M. P. Comment êtes-vous venue au cinéma ?

G. P. : Je suis venue au cinéma par le fait du hasard. Je ne suis pas passée par une école de cinéma. Mon réalisateur m’a rencontrée un jour dans la circulation. Il s’agit de feu Abdoulaye De Sow qui a été mon premier réalisateur, c’est lui qui m’a donné la chance d’entrer dans ce métier en 1989 avec le tournage de Yelbédo. Mon métier d’actrice, je le dois à Abdoulaye De Sow.

S. M. P. : Que dites-vous à ceux qui disent que le hasard n’existe pas ?

G. P. : Je ne sais pas quelle définition philosophique donner au hasard mais on peut parler de hasard. En réalité, c’est un hasard qui devrait se réaliser. On s’achemine vers son destin et la plupart du temps, on parle du hasard parce qu’il vous aurait conduit à cela. Forcément, dans ma vie, je devais passer par là. Et il a fallu que je rencontre ce jour-là mon réalisateur. C’était écrit ! Je ne suis pas fataliste. Je me dis que tout ce qui nous arrive devait arriver. Aujourd’hui, pour faire un métier, il faut le choisir et le vouloir. A l’époque, c’était utopique pour la Georgette que j’étais de penser qu’un jour, je serai comédienne de cinéma. Les acteurs européens que je voyais à l’écran étaient loin de moi. C’était pratiquement impossible. Il était écrit quelque part que je devais être prise dans le tas et que je serai mondialement connue par ce métier.

S. M. P. : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en tant que comédienne ?

G. P. : Actuellement, on est confronté sérieusement à un problème de productions. Les productions sont rares et même quant elles sont abondantes, ce n’est pas fameux du point de vue cachet. Et tout ce que souhaite un comédien, c’est de tourner et être bien payé pour pouvoir vivre de son métier.

S. M. P. : Est-ce que vous n’avez pas forgé votre destin ?

G. P. : On forge le destin quand on trouve qu’on a de l’intérêt dans la chose, sinon on subit quelque part le destin. Même si j’avais refusé d’être comédienne, ça ferait partie de mon destin. Tout ce que j’allais mener dans ma vie par le refus ou par l’acceptation de la chose, c’est tout ça qui concourt à faire la vie d’un homme.

S. M. P. : Quels sont vos rapports avec les autres comédiens ?

G. P. : Je n’ai pas de problème avec les autres, bien au contraire ! Quand j’ai fini mes études d’attachée de presse à l’EFAC, j’ai voulu créer une association dénommée Casting, pour répertorier les comédiens africains, faire leur promotion, leur permettre d’avoir des ouvertures sur d’autres productions, afin de se faire connaître. Je suis sensible aux problèmes des comédiens. Parfois, on se retrouve pour chercher les solutions. Mais, la solution ne vous revient pas. Car, ce n’est pas nous qui avons l’argent pour produire le film. Chacun essaie de tirer son épingle du jeu en passant derrière la caméra, pour ne pas rester à la traîne en attendant un éventuel contrat.

S. M. P. : Vous êtes aujourd’hui comédienne de cinéma, est-ce que le métier nourrit son homme ?

G. P. : On a toujours dit que le métier de comédien ne nourrissait pas son homme, c’est vrai, car tout comme le métier d’artiste au Burkina, c’est un métier qui nourrit difficilement son homme. C’est vrai qu’il y a des artistes qui en vivent mais la majorité des artistes ne vivent pas de leur art. Il y a un grand problème qui est là ; malheureusement, personne n’arrive à y remédier. Je suis inquiète par rapport à ce métier que j’ai épousé et qui malheureusement, ne se passe pas comme je le veux. Pourquoi le Burkina qui est reconnu comme étant la capitale du cinéma africain est en train d’aller à la traîne par rapport aux autres cinémas ?

S. M. P. : Que faites-vous en dehors du cinéma ?

G. P. : J’ai ouvert une agence de communication il n’y a pas très longtemps. En dehors du cinéma, mon métier d’attachée de presse m’occupe. Quand je ne suis pas sur un plateau de tournage, je donne un sens à ma carrière. Je jouerai toujours dans les films mais, à côté, je serai obligée de faire autre chose pour vivre. C’est vrai, je ne joue pas beaucoup mais ce n’est pas parce que je suis mauvaise ou compliquée. Seulement, il reste que mes réalisations au cinéma sont limitées mais je ne me plains pas. Quand je fais quelque chose, j’aime bien le faire. A l’heure actuelle, il y a un remue-ménage dans le cinéma que je ne comprends plus. J’attends de comprendre pour me réinvestir.

S. M. P. : Quelles sont les qualités d’une bonne comédienne ?

G. P. : La bonne comédienne c’est celle qui appréhende bien son personnage, qui a une conscience professionnelle et qui va au-delà de l’attente du réalisateur. L’acteur doit apporter sa véritable contribution. Il ne suffit pas qu’on te dise : mets-toi là et c’est tout. Tu dois apporter un plus à ton personnage en rentrant dans la peau du personnage pour ne pas décevoir le réalisateur. Voilà, à mon humble avis, le profil d’une bonne comédienne.

S. M. P. : Vous n’avez pas d’inquiétude sur l’avenir du cinéma africain avec l’arrivée du numérique qui ne coûte pas cher ?

G. P. : Je vous parlerai du cinéma burkinabè que je connais le mieux. C’est vrai que les productions à très bas budgets ont pris le pas sur les grandes productions. Le cinéma d’avant était mieux que celui d’aujourd’hui. Or, il faut avancer. Avant, on était mal payé, maintenant c’est pire. On peut tourner des films à moindre frais mais ces films n’ont pas nécessairement la même qualité que les films à gros budgets qu’on réalisait. Normalement, ces films à moindre coût devraient permettre de nombreuses productions. Ce n’est malheureusement pas le cas. Moi je suis d’accord avec le cinéma que tout le monde fait aujourd’hui mais encore faut-il que ce cinéma nourrisse vraiment son homme et garde un oeil sur le vrai cinéma. Il ne faut pas tout abandonner au profit du numérique. Dans ce métier, il y a de la place pour tout le monde, pour tout type de cinéma, il suffit de classifier les choses. Nous avons connu de grands cinéastes au Burkina. Il ne faut pas qu’on se détache du vrai cinéma. Les générations qu’on forme actuellement vont arriver avec une bonne base et trouveront les moyens pour faire une production de haute facture.

S. M. P. : Doit-on s’attendre à vous voir un jour derrière la caméra pour réaliser un film ?

G. P. : Rien n’est à exclure dans la vie. Cela fait partie de mes projets. J’attends d’avoir les coudées franches et les moyens pour le faire. Je n’ai pas envie de prendre des risques. Je me formerais si je dois réaliser un film.

S. M. P. : Quels sont les films dans lesquels vous avez déjà joué ?

G. P. : (rire) En 19 ans de carrière, j’ai joué à peine dans 20 films, tous genres confondus.

S. M. P. : Quel est votre point de vue sur la fermeture des salles de cinéma ?

G. P. : C’est vraiment dommage pour notre pays qui est reconnu sur le plan mondial comme étant la capitale du cinéma africain. Si les salles sont fermées, cela veut dire qu’il n’y a pas de production. Mais, il se trouve que nos productions ne passent pas dans nos salles, ce n’est pas le manque de production de films qui a fait fermer les salles. Le fait que les salles soient fermées est un véritable problème de coût en termes d’accès. Le public n’a pas accès aux salles faute de moyens. Même si ce ne sont pas nos productions, le public a besoin de cinéma, d’être sensibilisé à la chose et sans salle, le public est sevrré de ce plaisir. Il faut créer l’habitude ; quel que soit le film à voir. J’ai remarqué que le public burkinabè aime les films burkinabè. Je vous assure qu’on est dépassé par l’engouement du public pour la production locale. Le public est gentil et n’a pas une lecture sévère des films qu’on lui propose. Les gens ne demandent qu’à aller au cinéma pour se distraire. La fermeture des salles a porté un coup à la renommée du pays.
En Europe et dans les autres pays développés, le cinéma est une véritable industrie. Dans nos pays, le cinéma est subventionné et de plus en plus la subvention devient rare. Les banques refusent de prêter de l’argent parce que nos films ne sont pas rentables. Avec l’aide de l’Etat et autres partenaires, on boucle difficilement le budget d’un film.

S. M. P. : Votre coeur est-il déjà pris ?

G. P. : (Rire), sans commentaire.

S. M. P. : Pour le plaisir de nos lecteurs.

G. P. : (Rire), c’est mon jardin privé. Je n’étale pas ma vie privée (rire).

S. M. P. : Un mot resté sur le cœur ?

G. P. : Merci à Sidwaya Mag Plus qui m’a donné l’occasion de parler du cinéma, de ma profession. Mon souhait est que le cinéma burkinabè ne meurt pas. Je me sentirais mal si un jour quelqu’un me dit : "arrêtez de parler de la capitale du cinéma africain parce que vous ne l’êtes". Je suis une passionnée du cinéma et chaque fois, j’essaierai d’apporter ma pierre à sa construction. Toute critique constructive portera ses fruits. Que le cinéma burkinabè redevienne plus que ce qu’il a été et que nous soyons toujours au-devant des choses, cela fait notre fierté et je demande à nos autorités de nous soutenir. J’invite les professionnels à ne pas baisser les bras et cela arrangera tout le monde. Que demain, la jeune génération puisse reconnaître les mérites de leurs aînés.

Entretien réalisé par Issaka DABERE (issiaka39@yahoo.fr)
Sidwaya Mag Plus

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique