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Législatives 2007 : Eviter l’usage des gourdins

Publié le vendredi 4 mai 2007 à 08h23min

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En Afrique, d’une manière générale, les élections, qu’elles soient législatives, présidentielles ou générales, ne se passent jamais sans problèmes. Les oppositions qui sont les perdantes à tous les coups, accusent le parti au pouvoir, de fraudes, de bourrages des urnes, de falsifications des résultats.

Il arrive qu’elles s’en prennent au fichier électoral ou à la commission nationale d’organisation desdites élections. Généralement, les uns et les autres en arrivent à des bagarres, où sont employés des gourdins et malheureusement parfois des armes blanches. Les élections municipales de mars dernier, avec les morts et les blessés qui les ont caractérisées, sont un triste exemple pour les Burkinabè, mais surtout pour le pouvoir qui doit tout mettre en oeuvre pour éviter la répétition de tels actes.

Mais, il y a des exceptions pour confirmer la règle qui veut que toute élection fasse l’objet d’un hold up. La République islamique de Mauritanie, en mars dernier, a été cette exception. Dans ce pays qui, il y a moins de deux mois, geignait encore sous les bottes d’un dictateur appelé Maaouya Ould Taya, les deux candidats du second tour se sont affrontés dans un débat télévisé. En Afrique, les présidents sortants qui sont candidats à leur propre succession, envisagent rarement un second tour. On l’a vu au Burkina Faso en novembre 2005 ; le Sénégal vient de nous offrir un exemple aussi avec l’élection de Abdoulaye Wade dès le premier tour. Aujourd’hui, la palme de l’antidémocratisme, qui était naguère détenue par le Togo sous le général Etienne Gnasingbé Eyadéma, revient au géant de l’Afrique de l’Ouest, le Nigeria. Nous sommes ici au coeur de démocraties violemment agitées.

Dans quarante-huit heures, les électeurs burkinabè se rendront aux urnes pour élire les 111 députés de la quatrième législature sous la quatrième République. Les législatives burkinabè se tiennent le même jour que l’élection présidentielle française. Les Français auront à choisir entre une socialiste, une femme, Ségolène Royal et un homme, Nicolas Sarkozy, le président de l’UMP. Les deux candidats qui ont été retenus après le premier tour du 22 avril dernier se sont affrontés dans un débat télévisé durant plus de deux heures, le 2 mai. Il est indéniable que le nombre de Burkinabè qui ont suivi ce débat est plus important que ceux qui ont écouté les messages programmés des partis politiques par le Conseil supérieur de la communication. L’explication, c’est que là-bas, en France, il s’agit d’une véritable confrontation d’idées. Chaque candidat doit convaincre les électeurs sur la manière dont il compte gérer la France, s’il est élu. Les deux challengers ont montré au peuple français leur programme de société. Là-bas les hommes et les femmes politiques ont chacun quelque chose à proposer aux électeurs. Dans ces cas, nous avons à faire à une démocratie sage, une démocratie apaisée, une démocratie à l’abri des turpitudes et des tempêtes contestataires.

Chez nous au Burkina Faso, c’est tout le contraire. Les candidats à la députation, d’une manière générale, tous ceux qui aspirent à un mandat de députation, espèrent s’enrichir s’ils sont élus. La politique est devenue l’échelle la plus sûre et la plus rapide pour l’enrichissement personnel et l’enrichissement de tous les membres de la famille, du clan.

La politique est un tremplin sûr pour un enrichissement rapide. Et la plupart des hommes et des femmes qui se découvrent brusquement des qualités d’hommes politiques n’ont qu’un souci : pouvoir enfin accéder à un niveau social supérieur s’ils sont élus. On entre en politique, pas pour défendre un projet de société, mais dans l’espoir de devenir riche.

Et comme dans de telles circonstances, la fin justifie les moyens, on est prêt à descendre dans la fange. On n’hésitera pas un moment à faire voltiger les gourdins, à choisir l’argument de la force au lieu de la force de l’argument. On développe un argumentaire plat, sans aucune aspérité. Et si cela ne suffit plus, nous sommes en 2007 , on use de la corruption, de l’intimidation, voire des menaces là où les promesses jamais tenues ont achevé de désabuser les populations, perçues par les politiciens comme un cheptel électoral.

Une preuve supplémentaire qui montre qu’en Afrique, les élections sont rarement transparentes : les opposants au président Amadou Toumani Touré contestent le résultat de l’élection présidentielle qui s’est tenue le 29 avril avant la publication desdits résultats.

Par lâcheté ou pour sauvegarde de ses intérêts, la communauté internationale reste muette sur ce que l’écrivain nigérian, Wole Sohinka appelle l’"injure" faite aux Nigérians lors de l’élection présidentielle. Fermant les yeux sur les quelques 200 morts qu’elle passe par pertes et profits, la communauté internationale a avalisé des élections scandaleuses, organisées de manière opaque par le président sortant, Olosegun Obasanjo qui avait voulu tripatouiller la Constitution du Nigeria dans le but de s’offrir un troisième mandat.

Notre pays, le Burkina Faso, qui excelle dans l’organisation sans accrocs majeurs de grands événements, doit gagner le pari suivant : nous éviter de douloureux lendemains d’élections. Il le peut, pour peu que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et tous ses démembrements, à travers le territoire burkinabè, ainsi que tous les partis politiques en compétition, jouent la transparence, l’équité, l’impartialité d’un bout à l’autre de ce scrutin.

Si cela était, elle éviterait à ce pays l’emploi des gourdins et dès le 7 mai, les perdants reconnaîtraient et accepteraient leur défaite ; ils féliciteraient les vainqueurs qui, avec humilité, reconnaîtraient leurs mérites et, en retour, les féliciteraient aussi. La compétition politique ne devrait jamais être un jeu de gladiateurs où la règle d’or est, vaincre ou mourir.

Que tous les compétiteurs sachent qu’une victoire volée est une poudrière sociale.

Le Fou

Le Pays

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