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Contre sommet Afrique-France : La mauvaise conscience des chefs d’Etat

Publié le lundi 19 février 2007 à 09h10min

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A Cannes, on attendait la vedette Chirac. Contre toute attente, les manifestants du contre-sommet ont ravi la vedette au chef d’Etat français en inscrivant dans l’agenda les préoccupations jamais résolues de peuples africains longtemps martyrisés.

Le vrai sommet est donc celui-là, qui aura permis de rappeler aux hôtes français et aux chefs d’Etat africains et du monde entier que les uns trinquent pendant que se meurent les peuples dont ils ont pourtant la responsabilité devant l’histoire.

Cannes devait consacrer le départ de Jacques Chirac. Et les dirigeants africains ont encore montré que, décidément, ils ne pouvaient rien lui refuser. Jusqu’à l’accord sur le Darfour qui est mort-né. De guerre lasse, le président Déby du Tchad n’a-t-il pas préféré s’éclipser sur la pointe des pieds ? Le signataire soudanais n’a-t-il pas, aussitôt après, rejeté toute intervention étrangère sur son territoire ? Nous revoilà à la case départ !

Les déclarations tonitruantes qui ont marqué la fin du sommet ont pratiquement annoncé le départ de Chirac de l’Elysée et qui sait, de la France-Afrique. Ce sont autant de chants de sirènes qui semblent traduire le désarroi de rois nègres devant le départ du parrain. Impuissants devant les faits, ils paraissent déboussolés face à un avenir plein d’incertitudes. Cet attachement des dirigeants africains à la France de Chirac symbolise les survivances des élans colonialistes et paternalistes. Il rappelle étrangement ces liens entre fils et père, célébrés par Bokassa de Centrafrique à coups de sanglots et larmes, à la mort du général de Gaulle.

A ce jour, les sommets France-Afrique ont surtout profité à la France : poids diplomatique certain du fait de l’alignement quasi inconditionnel des sujets africains, dans les tribunes internationales, intérêts économiques évidents, en raison du potentiel de chasses-gardées que constituent nos pays, etc. Tout au moins, ces rencontres auront-elles contribué à réveiller progressivement l’aile anticolonialiste ou ce qu’il en reste à travers le continent. Ainsi, en dépit de tout ce qu’on peut leur reprocher, le Sud-Africain Mbeki, l’Ivoirien Gbagbo et le Rwandais Kagamé ont habilement évité la rencontre de Cannes. Des choses bien plus importantes les retenaient à domicile !

Faut-il s’attendre à d’autres sommets une fois Chirac parti ?Possible. Avec peut-être de légères modifications, compte tenu du profil des successeurs potentiels de Chirac. Ceux-ci auront, en effet, bien du mal à ignorer les sempiternels intérêts d’un lobby fort bien implanté et avisé. Nostalgie oblige, afin de préserver leurs acquis, des responsables africains n’auront également de cesse de revendiquer la poursuite de cette rencontre périodique, quel que puisse être le locataire de l’Élysée. Ils ne seront cependant pas, pour autant, capables de discuter d’égal à égal avec la France comme celle-ci le fait, par exemple, dans ses échanges avec l’Allemagne. Avec les mêmes ou leurs substituts, on reprendra donc probablement le même scénario. D’une manière ou d’une autre.

Toutefois, il faudra compter désormais avec la grande mobilisation des peuples, tant les défis sont nombreux. A cet égard, le contre-sommet de Cannes traduit le souci du peuple français de ne plus se faire complice de ces rencontres qui profitent plus aux dictateurs africains et à leurs amis et protecteurs de l’Hexagone, qu’à toute autre personne. L’information vraie et juste devra donc circuler dans les deux sens pour bien alimenter les circuits appropriés. Car aucun problème n’existe véritablement entre les peuples français et africains. En atteste le renforcement de la coopération à la base : jumelage-coopération, solidarité entre société civile sur tous les plans.

On ne le dira jamais assez, l’Afrique a surtout mal à ses dirigeants. Plus que jamais, l’avènement d’une autre génération de leaders s’avère indispensable. L’actuelle classe dirigeante l’emporte peut-être sur les précédentes générations quant au niveau intellectuel et à la disponibilité des ressources. Mais quel manque de vision et d’abnégation ! Quelle absence de crédibilité et de patriotisme ! Quel manque de tolérance et de courage ! Trop de dossiers noirs jalonnent le parcours de bon nombre de nos chefs d’Etat...Et les peuples africains attendent toujours la réalisation de leur unité !

En partant, Chirac de la France de la révolution de 1789, Chirac du pays de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, laisse chez nos peuples un arrière-goût amer de duperies. Il n’aura jamais vraiment oeuvré à l’avènement en Afrique de régimes réellement démocratiques quand bien même il l’eût voulu. S’étant borné à aborder le sujet du bout des lèvres, Chirac part cependant avec l’avantage d’avoir fait la leçon à ses sujets africains : il faut savoir partir, même quand on n’en a pas envie. Savoir passer la main à temps. Surtout quand, jour après jour, on se sent...vomi par ceux qui, des années durant, vous ont adulé. Savoir partir, comme un vieux lion sans crinière ni crocs ni griffes. Mais avec le peu de dignité qui vous reste, et qu’on saura, malgré tout, vous accorder.

"Le Pays"

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