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Energie nucléaire : Qu’attend l’Afrique ?

Publié le jeudi 11 janvier 2007 à 07h31min

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Jour après jour, la perplexité gagne nos opinions : quelle place occupe réellement l’Afrique dans le débat international sur le nucléaire ? En d’autres termes, ne sommes-nous pas concernés par le bras de fer qui, depuis un certain temps déjà, occupe d’un côté l’Iran et la Corée du Nord, et de l’autre les puissances nucléaires, en l’occurrence les grandes puissances qui disent incarner la "communauté internationale" ?

Les choses se passent comme si les dirigeants africains avaient peur de descendre ouvertement dans l’arène. Comme s’ils craignaient de voir figurer leurs pays respectifs sur la liste noire des pays appartenant au fameux "axe du mal" du président Bush. Il est vrai que les tiraillements actuels autour du nucléaire interviennent dans un contexte international dominé par toutes sortes de tensions. Celles-ci, à tort ou à raison, ont complètement mis sous le boisseau la distinction entre énergie civile et énergie militaire. La nébuleuse qui en résulte rend encore plus suspecte toute tendance à vouloir faire du nucléaire. Certes, la production et la vente d’uranium par le Niger aura servi à nourrir l’imagination des protagonistes de la guerre contre l’Iraq. Mais devons-nous continuer à avaler notre salive au nom, justement, du droit de nos pays de jouir de leurs ressources ? Notre continent renferme encore dans ses entrailles des matières premières susceptibles de produire de l’énergie nucléaire à des fins civiles. Nous avons aussi du soleil à revendre. Et pourtant ! Selon certaines sources, une crise énergétique majeure menace le continent. Dans près de la moitié de nos pays, l’on en ressentirait déjà les effets. Le phénomène irait en s’aggravant. On prévoit même que d’ici 2020, environ 60% des personnes vivant en Afrique subsaharienne pourraient manquer de courant. Le marché du carbone pourrait être une alternative.

L’espoir semble venir d’Alger où, depuis ce matin, et pour deux jours, se tient une conférence régionale sur la contribution de l’énergie nucléaire à la paix et au développement en Afrique. Cette rencontre regroupe des représentants d’une quarantaine de pays. Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, a insisté à ce propos sur l’appui de son organisation. La formation constitue l’un des principaux domaines d’intervention de l’agence, pour qui "le nucléaire nécessite savoir-faire et précaution". Mais pourquoi l’énergie nucléaire à des fins civiles doit-elle nous préoccuper au-delà même des enjeux internationaux ?

L’Afrique doit affirmer haut et fort sa volonté de développer le nucléaire en tant que source alternative d’énergie durable. D’autant que les perspectives ne sont pas si reluisantes en matière d’électricité.

La problématique est encore plus d’actualité en Afrique francophone. Pourtant, même en France, pays qui a toujours servi de repère aux nôtres, on dénombre 24 sites nucléaires qui regroupent 55 réacteurs, lesquels fournissent 75% de l’énergie électrique. C’est-à-dire un réacteur par million d’habitants, soit la plus forte proportion mondiale.

Dans la partie anglophone de notre continent, on fait davantage preuve de pragmatisme en la matière. Ainsi, l’an prochain l’Afrique du Sud va entamer la construction du premier réacteur modulaire, une source d’énergie nucléaire qualifiée de révolutionnaire. Ce réacteur devrait devenir, dans son optique, le moteur énergétique de la reconstruction et de la croissance économiques. L’exemple sud-africain mérite qu’on y réfléchisse. En cela, notre compatriote Zéphyrin Diabré a du mérite. En visionnaire du développement durable, il ne dissimule point son parti pris pour une énergie qui pourrait beaucoup apporter à l’Afrique.

Mais peut-on véritablement s’engager dans le nucléaire sans les ressources correspondantes ? Exception faite de quelques-uns, aucun de nos pays, à l’heure actuelle, ne peut, à lui seul, assurer le financement de projet d’une telle envergure. Autrement dit, il est illusoire de s’engager dans un processus conduisant au nucléaire en dehors de la coopération sous-régionale ou régionale. Pour l’exemple, rappelons que le 9 juin dernier, lors du dernier sommet franco-anglais, le président Jacques Chirac et le Premier ministre Tony Blair s’étaient même mis d’accord sur la création d’un Forum nucléaire franco-anglais visant à promouvoir la coopération en matière de développement et de construction de réacteurs nucléaires. Cela devra permettre aux sociétés françaises d’intervenir dans la construction d’une douzaine de nouveaux réacteurs en Grande-Bretagne.

Il est tout aussi indispensable d’éviter de s’ouvrir à une forme de coopération extérieure qui débouche sur des usines clés en main ou une quelconque forme d’aide liée assortie de charges récurrentes.

Les compétences sont-elles disponibles et comment les mobiliser ? Un tour dans les universités et les centres de recherches du continent confirmera très certainement que nous disposons d’un énorme potentiel de cadres hautement valables. Le plus souvent, malheureusement, ces experts sont sous-utilisés sinon marginalisés pour des raisons pas toujours financières mais davantage politiques ou tout simplement pour des questions de susceptibilité et de problèmes de personnes. De plus, à l’exemple des Etats-Unis où séjourne le savant malien Cheick Diarra, plusieurs pays industrialisés-surtout occidentaux- regorgent d’experts africains dont la contribution en la matière ne sera jamais de trop.

Mais l’Afrique bénéficie pour l’instant d’un appui de taille : celui de l’AIEA qui organise des rencontres périodiques pour permettre aux pays africains - Tunisie, Maroc, Tanzanie, Zambie, Afrique du Sud et bien d’autres - d’harmoniser leur progression. L’Afrique dispose également de structures de concertation à l’échelle du continent comme l’Afra (African Regional Co-operative Agreement for Research, Development and Training Related to Nuclear Science and Technology).

Finalement, il ne tient qu’aux Africains de décider ouvertement de s’engager dans la voie de l’énergie nucléaire à des fins civiles. Cette volonté politique importe beaucoup mais elle est encore très timide dans ses manifestations. Il faudrait pourtant l’affirmer haut et fort et dégager de véritables politiques nationales et régionales de développement du nucléaire. Comme les autres. La politique de l’autruche ne paie jamais. Surtout lorsqu’il s’agit de plonger la tête dans le sable mouvant de la politique internationale faite d’intérêts sordides et de crocs-en-jambe.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 14 janvier 2007 à 10:08, par Asken En réponse à : > Energie nucléaire : Qu’attend l’Afrique ?

    Vous avez tout à fait raison. Le problème de l’Afrique, au-delà de la soi-disant pauvreté est aussi la lâcheté de nos dirigeants, prêts à brader toute parcelle de dignité. Qu’arrivera-t-il si un jour l’Occident venait à manquer d’énergie ? Moi je pense qu’il viendra juste se servir chez nous, quitte à nous recoloniser. L’Afrique doit comprendre qu’il faut réunir les moyens nécessiares pour la mise au point d’une force nucléaire, pas pour l’utilser à des fins militaires, mais pour montrer qu’elle est capable d’en avoir.

    • Le 22 janvier 2007 à 22:47 En réponse à : > Energie nucléaire : Qu’attend l’Afrique ?

      Pour posseder des reacteurs nucléaires il faut des competences , beaucoup d’argent ,
      une source froide ( fleuve , mer ) et aussi une stabilité politique de l’etat avec des
      conditions de sécurité .
      Peu d’etats africains reunissent ces conditions . En plus le nucléaire civil presente
      des dangers : tchernobyl est l’exemple d’un systéme qui a manqué de sûreté ....
      Inutile de chercher le salut dans le nucléaire !!! Le citoyen africain peut par contre
      attendre des innovations qui vont ariver bientot pour l’eclairage par exemple :
      Des lampes à leds ( ou diodes electroluminescentes ) vont arriver trés bientot
      et elles consomment si peu que toute l’afrique pourra bientot s’eclairer à bon compte ...
      La révolution de l’eclairage est en marche .
      François .

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