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Port du casque : Une loi juste, mais mal appliquée

Publié le mardi 5 septembre 2006 à 07h28min

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L’imposition du casque aux conducteurs d’engins à deux roues a tourné à l’émeute le 1er septembre dernier à Ouagadougou. Faut-il s’étonner que les habitants de la capitale aient rejeté avec une telle violence une mesure destinée à les protéger ? Seuls les esprits obtus ou les provocateurs peuvent se dire surpris par cette réaction dont la violence est à la hauteur des ressentiments des usagers de la route.

Sans doute, comme à leur habitude, les autorités ont-elles cru que les populations avaleraient cette enième pilule amère sans broncher, ainsi qu’un animal consentant que l’on conduit à l’abattoir. Il ne suffit pas de se faire élire avec des scores à la soviétique pour se croire tout permis. Encore que sous le ciel africain, la légitimité des régimes restés au pouvoir pendant de longues années est très relative, au regard de la qualité parfois douteuse des scrutins. Mais, même sous nos démocraties tropicalisées, la prise de conscience citoyenne devient telle qu’on ne peut plus indéfiniment brimer les populations.

En tout cas, les dirigeants burkinabè ont commis une erreur grave qui amène à se poser des questions sur leur capacité d’écoute et d’analyse des préoccupations quotidiennes des citoyens. Un dirigeant qui dispose d’une sorte de mécanisme de veille et d’alerte sociale, et qui prend la peine de le consulter, devait savoir que l’obligation du port du casque est une étincelle qui peut mettre le feu aux poudres. Il devait comprendre que la spirale de décisions impopulaires prises ces derniers temps (voir l’éditorial du « Pays » n° 3694 du lundi 26 août 2006), notamment la hausse du prix de l’électricité, ne pouvait que fragiliser davantage le pouvoir d’achat des citadins et susciter en eux un ras-le-bol général. Il y avait donc une grande frustration que, à défaut d’atténuer par des mesures spéciales, les autorités ont exacerbée par une mauvaise application d’une loi.

C’est vrai, le port du casque peut éviter des traumatismes crâniens en cas d’accident. Tout comme il peut créer des problèmes à ceux qui souffrent de sinusite, d’asthme, etc. Mais, comme la capote qui protège des IST et du Sida, son introduction nécessite une large sensibilisation, afin d’inculquer à chaque usager le reflexe et la culture du casque. Cependant, à la différence du préservatif, le casque coûte cher et, surtout, ne semble pas offrir toutes les garanties de sécurité.

Il ne faut pas l’oublier, la mesure touche de plein fouet la frange la plus pauvre de la population qui croupit dans la misère et déploie un trésor d’imagination pour avoir sa pitance quotidienne. Pour elle, il n’y a rien à dire, c’est de la provocation. D’autant que si l’Etat tient tant à la sécurité des usagers d’engins à deux roues, il pouvait subventionner le casque, afin de rendre les prix abordables. Du coup, personne ne pourrait prétexter la cherté des produits vendus sur le marché pour faire de la résistance.

Qui dit prix dit aussi qualité. Une des failles de la politique d’imposition du casque réside dans le contrôle technique des produits qui, pour le moment, sont laissés au libre choix des commerçants pour qui seul le profit compte. Les autorités compétentes devaient au préalable homologuer les casques importés, car il s’agit avant tout de protéger des vies humaines. Il n’est pas rare d’entendre que des casques se sont brisés en chutant d’une table...

Comment reconnaître le bon grain de l’ivraie et s’assurer qu’un casque ne s’abîmera pas au moindre choc ? Mettre de l’ordre dans le marché et rassurer les usagers qu’ils sont vraiment en sécurité, voilà une des missions auxquelles l’Etat devait s’atteler à accomplir sans parler, bien sûr, des tâches quotidiennes dévolues à la police, en matière de sécurité routière. A quoi peut servir un casque si l’indiscipline et l’incivisme continuent à être la règle dans la circulation routière ? De cela, rien.

Les populations, dès lors, ne peuvent que prêter une oreille attentive aux folles rumeurs qui courent, faisant état de la collusion entre milieux d’affaires et certains hommes politiques pour gérer la manne générée par une vente massive des casques. D’autres mêmes vont jusqu’à prétendre que si la mairie de Ouagadougou met un tel zèle à appliquer la loi, c’est à des fins autres que sécuritaires. Vrai ou faux ? Toujours est-il que cette méfiance dénote d’une crise de confiance entre l’Administration et le grand public.

La priorité des gouvernants devrait, en principe, tendre vers l’instauration d’un climat de confiance avec les administrés. C’est un préalable indispensable pour faire passer des réformes, aussi utiles soient-elles, comme le port du casque.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 5 septembre 2006 à 09:38, par les3g En réponse à : > Port du casque : Une loi juste, mais mal appliquée

    Le Journal Le Pays a toujours été bon dans ses analyses. Aucun commentaire ! Merci à vous tout simplement.

    • Le 5 septembre 2006 à 14:37, par indigné En réponse à : > Port du casque : Une loi juste, mais mal appliquée

      Le port du casque nous protège mais je crois qu’il faut laisser les gens l’utiliser comme la capote.Mieux vaut traquer les voleurs de sac à main qui font de plus en plus de victimes en circulation. La ville est un nid de voleurs et de bandits. Il faut quand même avoir des priorités. Les policiers n’ont rien à faire que d’arrêter d’honnêtes citoyens qui cherchent leur pitance ???????

      • Le 5 septembre 2006 à 21:10 En réponse à : > Port du casque : Une loi juste, mais mal appliquée

        Il y’a beaucoup d’autres priorités au Burkina Faso donc arreter de fatiguer pauvres du pays les seuls d’ailleurs encore Intègres dans ce pays.
        Tout parcequ’eux sont dans leur 4x4 climatisées tranquille.
        Comment feront nos Mamans avec leur coiffures africaines ? Il y’a des casques pour elles ?
        Tout cela est une fausse histoire.
        C’est bien beaux de vouloir toujours copier l’Europe mais en Europe tout le monde peut se soigner à l’hopital et presques tous peuvent manger à leur faim donc ça suiffit s’il vous plait.
        Un citoyen

  • Le 5 septembre 2006 à 10:45, par sidi SB En réponse à : > Port du casque : Une loi juste, mais mal appliquée

    on a comme l’impression que les autorités burkinabés naviguent à vue, je crois qu’il faut aller par étapes :
    - Instaurer le port de la ceinture de sécurité obligatoire à tout automobiliste
    - Faire respecter la loi interdisant l’utilisation du portable dans la conduite
    (le bas peuple aura l’impression que l’état ne fait pas de "ségregation écomonique" )
    ensuite
    - Faire une étude sur la qualité des casques déjà en vente sur le marché burkinabé
    - Obliger les commerçants à mettre sur le marché des casques respectants les meilleurs normes de sécurité
    - Obliger les citoyens burkinabés à passer le permis A1
    - subventionner le prix des casques
    A partir de là, on aura l’impression que l’état a joué sa partition et il sera plus facile d’instaurer le port du casque.

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