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Restauration du clitoris : La voie du salut pour les femmes excisées ?

Publié le vendredi 21 juillet 2006 à 09h48min

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Bien que la restauration du clitoris entre dans le programme général des activités des médecins gynécologues-obstétriciens, tous n’ont pas appris à faire cette intervention. En Afrique de l’Ouest, le Burkina est le premier pays à avoir reçu une formation entrant dans ce cadre.

Venu d’Angers (France), Sébastien Madzou, un élève de l’urologue français Pierre Foldes, celui-là qui a mis au point la technique, était récemment dans notre pays pour former quelques médecins burkinabè.

Nous avons rencontré l’un des bénéficiaires de la formation, le Pr Michel Akotionga, qui dit être "prêt à aider". "Nous ne le faisons pas pour de l’argent. Nous n’avons même pas un franc là-dessus", nous a-t-il confié. Il précise qu’à Ouaga, les femmes peuvent s’adresser aux formations sanitaires de Pissy, du secteur 30, de Kossodo et principalement de Yalgado et de El-Fateh Suka.

"Le Pays" : La restauration clitoridienne est-elle, selon vous, vraiment nécessaire ? Augmente-t-elle réellement le plaisir sexuel chez la femme ?

Pr Akotionga : Pour celles qui l’ont subie, elles trouvent que les caresses avant l’acte sexuel leur sont beaucoup plus bénéfiques. Elles disent ressentir du plaisir quand l’on touche la partie restaurée.

De quand date cette technique médicale au Burkina Faso ?

Elle existe depuis le mois de mars 2006. Ce n’est pas un programme à part car nous l’intégrons dans nos activités quotidiennes. Comment cela se passe concrètement ? Nous recevons les femmes en consultation. Nous discutons avec elles pour leur présenter les avantages et les limites de l’intervention. Si, à partir de ce moment, cela convient à la femme, nous lui indiquons les examens de laboratoire à faire. Elle revient ensuite pour une visite pré-anesthésie, puis nous la programmons. A la clinique El-Fateh Suka, la restauration du clitoris s’insère dans le programme général de la réparation de séquelles de l’excision. Tous les mercredis sont consacrés aux problèmes généraux de l’excision. A l’hôpital Yalgado, la restauration du clitoris se fait tous les vendredis matin.

En quoi consiste l’opération ?

Ce n’est pas une greffe comme certains sont enclins à le croire. Le clitoris normal, depuis le gland jusqu’à sa base, mesure 10 cm environ. Les exciseuses coupent, en général, 2 cm environ. Il reste donc entre 6 et 8 cm (ndlr : de clitoris, enfouis). La technique consiste à extérioriser cette partie enfouie sous la cicatrice de l’excision. Nous le faisons soit sous anesthésie générale, soit sous anesthésie loco-régionale.

On fait une injection au niveau de la colonne vertébrale pour désensibiliser toute la partie inférieure du corps (sous l’ombilic) avant l’intervention qui consiste à couper la peau qui a recouvert le moignon (au-dessus du pubis) et à libérer ensuite les tissus cicatriciels. Après cela, nous détachons petit à petit le moignon du clitoris resté, en le tirant vers l’avant jusqu’à ce qu’il soit complètement libéré. Puis, nous le fixons à la peau par devant et de chaque côté.

L’opération se fait-elle donc sans aucune douleur ?

Si toute réparation de séquelles de l’excision est faite sous anesthésie locale, la restauration du clitoris exige encore plus de précaution. Car, il faut éviter qu’il y ait de petites hémorragies qui vont former un caillot (hématome) qui, par la suite, peut s’infecter et compromettre les résultats de l’intervention. C’est pourquoi, en plus de l’intervention sous anesthésie, nous utilisons le bistouri électrique qui permet de coaguler les vaisseaux sanguins et empêcher ainsi les hémorragies.

Seuls donc la clinique Suka et l’hôpital Yalgado font ce genre d’intervention..

Non, il y a également des cliniques privées qui le font.

Combien de centres qui pratiquent cette opération dénombre-t-on à Ouagadougou ?

Une vingtaine de médecins ont été formés à cette technique. Partout, ils professent.

Combien coûte l’opération ?

En ce qui concerne Yalgado, je ne sais pas. Mais à la clinique Suka, la journée d’hospitalisation, les médicaments d’anesthésie, les soins, etc., tous frais compris, l’opération s’élève à 76 000 F CFA.

N’est-ce pas cher dans ce contexte de pauvreté ambiante ?

Non. La restauration du clitoris n’étant pas encore inscrite dans un programme, la clinique El-Fateh Suka supporte les frais. Face aux coûts des produits pour endormir, de l’oxygène, de l’électricité etc., on peut dire que la somme est dérisoire. C’est justement parce que nous sommes dans un contexte de pauvreté que le montant a été fixé à 76 000 F FCA. Dans les cliniques privées, le coût s’élève à 200 000 F CFA. Comparée à ces cliniques, Suka demeure la moins chère.

Cela dit, la présidente de la Fondation Suka (ndlr : Chantal Compaoré, épouse du chef de l’Etat) est en train de chercher des fonds pour venir en aide à toutes les femmes qui ont une quelconque séquelle d’excision, aussi bien le rétrécissement vulvaire, les chéloïdes, l’incontinence urinaire que la restauration du clitoris. Mais, malheureusement, elle n’a, pour le moment, obtenu des fonds que pour les séquelles qui gênent la fonction génitale des patientes. Mais je suis persuadé que la restauration du clitoris se fera gratuitement à Suka comme les autres séquelles de l’excision.

Les femmes affluent-elles suffisamment depuis l’existence de l’intervention ?

Nous avons temporisé. Car, pour une technique aussi nouvelle, il faut avoir du recul et éviter l’euphorie. Nous avons traité des femmes et nous attendons d’avoir leurs réactions. C’est à partir de ce moment que nous pourrons nous situer.

Les femmes viennent-elles alors en nombre limité ?

Non, elles continuent de venir. Mais nous ne retenons que quelques-unes. Quand on se lance dans une nouvelle activité, c’est pour améliorer le confort de la patiente, pas pour créer inutilement encore des plaies et des douleurs.

Le fait de ne retenir que certaines femmes ne crée-t-il pas parfois des frustrées ?

Elles ne sont pas frustrées car nous faisons du conceling. Le dialogue paye toujours. Quand nous expliquons notre attitude à notre interlocutrice, nous trouvons toujours un terrain d’entente. Nous lui expliquons que ce n’est pas que nous lui refusons le service, mais que nous préférons attendre pour être plus efficace. Les femmes sont très compréhensives. L’une d’elles m’a suggéré de prendre tout mon temps, car elle a, de toute façon, bien vécu auparavant, même sans intervention. Toutefois, malgré ces explications, certaines femmes fondent toujours un tel espoir sur cette intervention que si leurs attentes n’étaient pas comblées, la déception serait très grande. C’est pourquoi, nous attendons de cerner tous les contours de la technique.

Combien de femmes avez-vous traitées jusque-là ?

Une cinquantaine (l’interview a été réalisée il y a déjà quelques semaines). Avec le téléphone portable, beaucoup d’entre elles ne se déplacent plus. Nous recevons au moins cinq à six coups de fil par jour.

Quelles sont leurs provenances sociales ?

Elles proviennent de toutes les couches sociales. J’ai opéré deux vendeuses de fruits, des fonctionnaires, des étudiantes, des employées de banque...

Quels sont les motifs invoqués par ces femmes pour se faire traiter ?

Le principal motif, c’est le refus de la mutilation. Une femme a quitté Washington (aux Etats-Unis) pour venir se faire opérer à la clinique Suka. Quand elle a entendu parler de cette technique, elle a trouvé que c’était enfin l’occasion rêvée de se venger de ceux qui lui ont infligé cette infirmité.

Les femmes parlent-elles de leur projet à leur mari et viennent-elles vous consulter à visage découvert ?

Beaucoup associent leur mari car nous leur disons de s’abstenir de rapports sexuels pendant deux mois. Vous comprenez donc que sans l’avis de leur mari, l’intervention risque de créer de gros problèmes à la maison

(ndlr : sourire). Quant à savoir si elles viennent à visage découvert, sachez que le sexe n’est plus tabou au Burkina Faso.

Est-ce arrivé que vous ratiez une intervention ?

Jusque-là, ni moi ni mes collègues n’avons eu de problème. D’autant que nous sommes très prudents et que l’intervention se fait à plusieurs, en présence de deux médecins au moins. Puisque tous sont qualifiés, l’un redresse les erreurs de l’autre. Nous prenons les précautions pour qu’il n’y ait pas de danger.

Les patientes qui reviennent pour le contrôle, se sont-elles, des fois, plaintes ?

La plus grande plainte était relative aux petites douleurs qui suivent aussitôt l’intervention.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué depuis que vous pratiquez ce genre d’intervention ?

C’est la coopération et la détermination des femmes à se faire traiter. Tout en leur disant que cette opération va augmenter leur sensibilité, nous leur disons de ne pas croire qu’on leur greffera un clitoris et de ne pas s’attendre à des miracles (face à des cas de frigidité par exemple qui peuvent avoir d’autres causes que l’excision). Mais, jamais, aucune ne s’est désistée.

Quels rapports entretenez-vous avec le mouvement raëlien qui a lancé son programme "restaurer le clitoris" ?

Je ne connais pas les membres de ce mouvement et je ne pense pas qu’ils m’aient approché.

Ce mouvement demande que le gouvernement rende l’intervention gratuite pour permettre aux femmes excisées qui le souhaitent d’en bénéficier. Est-ce réaliste et réalisable, selon vous ?

Oui, dans la mesure où cette intervention est considérée comme un traitement des séquelles d’excision. Non, parce que la santé a d’autres priorités. Si nous, médecins, avons à choisir entre acheter un tensiomètre pour la salle d’accouchement et une opération clitoridienne, nous opterons pour le premier choix. Car, les besoins de l’Etat sont limités. Il y a plutôt lieu de trouver des bailleurs de fonds aussi bien pour les ONG qui se sont lancées dans la lutte contre l’excision, le Comité national de lutte contre la pratique de l’excision, que pour des centres comme l’hôpital Yalgado. Mais, l’Etat aura du mal. Car, tous âges confondus, 67% des femmes burkinabè sont excisées. Calculez un peu combien de millions de F CFA cela coûterait à l’Etat, si l’opération était gratuite.

Cette nouvelle technique freinera-t-elle, selon vous, l’excision ?

Les adeptes de l’excision sont tenaces puisque subsistent ses formes pernicieuses. Certains trouvent toujours le moyen de perpétuer la pratique sous des formes masquées. Au lieu que les filles soient excisées à l’adolescence, elles le sont à 7 jours. Ou alors au moment où l’enfant ne peut encore se défendre et où ses cris, à cet âge, n’éveillent l’attention de personne. On croira tout juste que c’est un bébé qui a faim ou qui a le corps chaud.

Quels sont les avantages, les inconvénients et les limites de l’intervention ?

Les avantages, c’est d’abord la satisfaction psychologique des femmes qui se trouvaient privées d’un organe et de ses avantages. C’est aussi la sensation qui augmente. Et enfin, la satisfaction générale. Quant aux inconvénients, il n’y en a pas quand la technique est bien maîtrisée. Les limites, c’est que la restauration du clitoris ne résout pas tous les problèmes de sexualité de la femme excisée. Que ce soit clair !

Propos recueillis par Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 21 juillet 2006 à 13:14, par Magid En réponse à : > Restauration du clitoris : La voie du salut pour les femmes excisées ?

    Il existe le même type d’opération pour les hommes qui ont été mutilés sexuellement. Hélas, la restauration du sexe masculin ne se pratique pas encore dans notre pays. La greffe de prépuce se fait de plus en plus en Europe et aux USA, quand vas-t’on lever le tabou au Burkina sur cette pratique aussi Barbare ? Ce site pourrait trés bien faire un reportage sur cette restauration surtout qu’il prone la parité entre les hommes et les femmes...

    Magid

    • Le 19 août 2006 à 15:28, par OUADBA Abdoulaye En réponse à : > Restauration du clitoris : La voie du salut pour les femmes excisées ?

      La restauration du prepuce est également attendu avec impatience au Burkina et partout en afrique et dans le monde où la circoncision existe. Car la circoncision est au même titre que l’excision une mutulation des organes genitaux de l’être humain. Il faut autant lutter contre la circoncision que l’excision. En enlevant le prepuce la sensibilité de l’homme est tellement reduit que pendant les rapports sexuels il est obligé d’être vigoureux, ce dont à pas besoin forcement la femme. Et si elle est aussi excisée, il faut encore des frottements plus intenses pour ressentir le plaisir....Tout cela provoque d’autres complications que seul un medecin pourrait vous expliqué en detail.

      Avec notre niveau de science encore très limité nous ne sommes pas en mesure de juger de la perfection de la Céation. Notre corps a ainsi été créé et chacune des parties de ce corps à un rôle bien precis. Les créateurs les Elohim l’ont voulu ainsi. Respectons les en respectant leur créature dans son ensemble, c’est à dire nous les hommes et tout le monde du Vivant.

      C’est faire preuve d’un orgueil très insultant quand nous osons corriger ce que nos créateurs les Elohim on réaliser. Soyons humble et essayons de leur transmettre notre amour en respectant leur créature aussi bien en ce qui concerne les mutulations genitales que de toutes les autres destructions de la Création (pollution, déforestation, braconnage....etc).

      L’être humain est fondamentalement un être de plaisir, il a été crée par plaisir et pour le plaisir. La circoncision, l’excision et toutes formes de mutulations viennent à l’encontre de ce principe fondamental, empêchant l’Homme de s’épannouir.
      Non à l’Excision
      Non à la Circoncision
      Oui à la restauration du Clitoris
      Oui à la restauration du prepuce

      Adriel

  • Le 19 août 2006 à 18:54, par Michel En réponse à : > Restauration du clitoris : La voie du salut pour les femmes excisées ?

    C’est très important de redonné le plaisir aux femmes qui ont été excisée, car elles ont le droit au plaisir et à l’orgasme et cela change tout pour elles. D’autant plus que les hommes qui ont échouer dans leur protection de la planète, laisserons leur place à des femmes en pleines posessions de leur moyens, en étant redevenues des femmes intégrales.

  • Le 2 novembre 2006 à 13:02, par dada En réponse à : > Restauration du clitoris : La voie du salut pour les femmes excisées ?

    je voudrais savoir s’il ya des gynécologues obstétriciens au sénégal qui ont été formés à cette réparation.
    si oui, donnez nous les informations nécessaires
    nous vous en seront reconnaissants.
    Merci
    les soeurs excisées

  • Le 7 septembre 2014 à 12:27, par kone marina En réponse à : Restauration du clitoris : urgent

    bonjour je suis ivoirienne vivant en Cote d’Ivoire et j’ai ete excisee je souhaiterais avoir des contactes de la clinique SUKA a ouagadougou pour une reparation si possible. merci de me repondre s’il vous plait..

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