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Immersion dans une auberge : « Pour ’’passer’’ c’est 2 500, pour dormir c’est 6 000 », un gérant

Publié le mercredi 7 février 2024 à 22h15min

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Immersion dans une auberge : « Pour ’’passer’’ c’est 2 500, pour dormir c’est 6 000 », un gérant

Une auberge tout comme un hôtel est un lieu où l’on séjourne le plus souvent quand on est de passage dans une ville, le temps de mener ses activités et de retourner chez soi. Mais de nos jours, on s’attire facilement les regards hagards de son entourage à la simple prononciation du mot auberge, tant le sens a pris une autre connotation. En fin de matinée dans une ville située à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, un journaliste de Lefaso.net a pu constater le manège des individus dans ces lieux dont la destination a été détournée à des fins de dépravation de mœurs.

Mon séjour dans cette localité du Plateau central était justifié par mes activités de journaliste. En mission donc pour un reportage qui devait se tenir dans l’après-midi, c’est au moment où le soleil allait se coucher que je terminais ma tâche du jour. Il se faisait tard. Et la seule envie en ce moment-là est de vite se trouver un endroit calme pour rendre rapidement son papier comme on le dit dans le milieu, et reposer sa tête.

Après accostage d’un "autochtone" pour connaître l’auberge la plus proche, on m’indique un endroit qui était à juste 300 mètres du lieu de mon activité. Grande était donc ma joie de pouvoir enfin me poser et attendre le lendemain pour regagner la ville connue pour son ambiance et où les activités se poursuivent de jour comme de nuit : Ouagadougou.

Sur le chemin, mon attention fut d’abord portée sur le fait qu’aucune plaque n’indiquait le lieu de l’auberge. Et une fois sur place, je fus encore étonné de ne voir ni au fronton de la porte, ni à l’intérieur même de l’établissement, le nom de l’auberge dans lequel je devais passer la nuit. Mais la journée avait été difficile. J’étais fatigué et mon corps ne réclamait qu’une seule chose : dormir.

A l’accueil, un jeune homme, court, de teint noir, le visage froissé, légèrement baraqué. Estimation d’âge, un peu plus de vingt ans. "Bonjour", lui dis-je. Puis d’une voix à peine audible, il me renvoie ma salutation. A son accent, on perçoit rapidement que Koffi (nom d’emprunt), n’est pas Burkinabè. Tenaillé par la fatigue je m’empressai de lui dire ce qui m’amenait en ces lieux : « je voudrais savoir s’il y a une chambre libre pour moi ». Puis, regardant son registre et de façon désinvolte, il me répondit de manière impromptue et d’une voix sèche en ces termes : « pour passer c’est 2500, pour dormir c’est 6 000 ». Je restai là, silencieux, la tête dans les nuages, cherchant à déchiffrer cette phrase que je n’avais jamais entendue.

Relevant la tête et me regardant cette fois avec un air beaucoup plus décontracté, il me demanda : « tu n’as pas compris ? » « Non », lui dis-je, avant qu’il n’affiche un sourire au coin de la lèvre et me demander par la suite : « tu n’es pas d’ici ? » « Non. J’ai quitté Ouaga pour une activité. Je rentre demain », lui répondis-je. Se levant dans le même temps et me demandant de le suivre, il se dirigea vers le bâtiment où sont les chambres.

Passant un coup d’œil rapide sur toute l’étendue de la parcelle, je constatai qu’elle était divisée en deux. Une petite ouverture donnait accès au bâtiment, construit comme les cours communes. Il y avait huit portes. Koffi commença par me faire visiter les chambres du fond. Les trois premières empestaient la même odeur que l’on sent quand on entre dans des toilettes insalubres. La chambre 5, elle, paraissait beaucoup plus hygiénique. Seulement, le système d’installation sanitaire était défectueux. Il n’y avait pas d’eau. Je demandai donc à Koffi de bien vouloir ouvrir les autres chambres pour que je choisisse la plus commode, mais il afficha un large sourire avant de me répondre : « ce que je t’ai fait visiter là c’est pour dormir. Si tu veux dormir, c’est ici seulement. Si tu prends ces chambres-là, tu peux rester jusqu’à 7h du matin. Les quatre autres c’est pour passer. Ça veut dire que tu vas venir avec une fille pour faire. Si tu prends ça, c’est pour une heure. Si les une heure-là arrive seulement, je vais venir taper à la porte pour te dire que ton temps est fini », m’a-t-il dit avant que nous nous esclaffions tous les deux. Finalement, j’occupais la chambre 5, après que Koffi m’ait rassuré qu’il y avait juste coupure d’eau et que le liquide bleu coulerait dans les heures qui suivent.

Après avoir fini la rédaction de mon article, je revins à l’accueil pour mieux échanger avec celui qui paraissait difficile au premier abord, mais qui, en réalité, était juste sympathique. Avec lui, nous parlerons de tout et de rien, jusqu’aux environs de 21h30, où il dût me fausser compagnie pour changer les draps des chambres tout en m’expliquant que les clients « qui viennent pour passer » arrivaient vers 22h. Je pris donc position pour bien admirer le spectacle, pendant que mon désormais "ami" s’appliquait à sa tâche.

22h n’aura pas sonné que les clients commençaient à rappliquer. En première position, un couple sur une moto de marque Sirius. Après s’être fait enregistrer, Koffi fera visiter à l’homme les chambres disponibles. Et une fois le choix fait, l’homme revint sur ses pas puis, tenant la femme par la main, ils s’enfermèrent dans la chambre.

Après eux, défileront une bonne liste de couple. Certains viennent réserver leurs places tout en précisant l’heure à laquelle ils repasseront. D’autres arrivent et attendent. D’autres par contre repartent car las d’attendre. Pendant ce temps, Koffi s’active à jeter un coup d’œil permanent sur sa montre. Et une fois que l’heure d’un client est passée, il fait ce qu’il a à faire : taper à la porte pour sommer les locataires de quitter les lieux.

« A quel moment te reposes-tu ? » lui demandais-je. « Ça dépend. Il y a des jours où tu peux passer toute la journée ici et tu ne vas voir personne. Y a des jours aussi où je travaille et dès que je m’apprête à me coucher, quelqu’un vient taper encore. Donc Il n’y a pas d’heure fixe. Quand y a le temps seulement et puis j’ai sommeil, je dors » a-t-il souligné.

De mon côté, la nuit n’a pas été de tout repos. En effet, les portes sont certes en vitre mais même étant dans la chambre, il est non seulement possible d’entendre les bruits de la cour, mais aussi ceux de la chambre d’à côté. Mais au bout d’un moment, je finis par m’endormir avant de me réveiller de bonne heure pour quitter la chambre avant 7h. En sortant, je trouvai les chambres déjà vides et les femmes de ménage à pied d’œuvre pour exécuter leurs tâches journalières. Koffi, lui, dormait toujours. Après l’avoir réveillé et remis les clés de ma chambre, je le remerciais pour son hospitalité, avant de reprendre le chemin pour Ouagadougou.

Yab’s
Lefaso.net
© Photo d’illustration

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