Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Le ministre de l’éducation nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales, André Ouédraogo, et son homologue de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Pr Adjima Thiombiano, ont, en compagnie d’autres personnalités, dont le président de l’Assemblée législative de transition, Dr Ousmane Bougouma, officiellement lancé la rentrée scolaire 2023-2024. Nul besoin de rappeler les énormes défis à relever par l’ensemble des acteurs dans le contexte actuel du pays, et dans un secteur qui, même en temps normal, brille par les difficultés y inhérentes. C’est pourquoi il faut souhaiter qu’on ne se comporte pas à en rajouter. Autrement dit, il faut interpeller les uns et les autres sur ces pratiques à la fois dégradantes et nuisibles vis-à-vis de ces élèves du primaire.
Parmi ces pratiques à bannir envers les élèves du primaire, les tout-petits, il y a les mobilisations dont ils sont l’objet pour servir de décor aux cérémonies.
A titre d’exemple, et pour ne prendre prétexte que de ce dernier en date (c’était au cours de l’année scolaire précédente), l’on a assisté, dans une localité située à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, à cette cérémonie de remise d’infrastructures sociales de base par une organisation de coopération pour le développement. Pour une cérémonie annoncée pour 10h, les élèves (du primaire) étaient là, à l’espace dédié à la cérémonie, depuis 7h. Sous la canicule, plaqués au sol et soumis à tous les mouvements de déplacements et de replacements, aux menaces des organisateurs et mobilisateurs pour soit leur demander le silence, de bien s’asseoir, de changer de place ou encore de se tenir dans telle ou telle autre position.
Pendant ce temps, les invités arrivent au compte-goutte pour attendre en dernière position les autorités. Celles-ci sont composées d’officiels, c’est-à-dire de représentants de l’Etat dans la région, aux côtés des responsables de l’organisation bienfaitrice. La cérémonie va finalement démarrer peu avant 11h. Comme cela est de coutume sous ces cieux du Burkina, elle est faite de nombreux discours en français, traduits ensuite en langues nationales, et avec des intermèdes de prestations artistiques.
Pendant que même ceux qui sont sous les tentes, les privilégiés donc, manifestent leur impatience de voir terminer vite la cérémonie pour quitter la chaleur, les enfants, eux, sont toujours assis, coincés entre eux, les yeux hagards rivés sur « ces grands types et femmes » qui défilent au pupitre. Pire, si ce n’est le MC (Maître de cérémonie) qui leur intime à chaque mot d’une autorité au micro, l’ordre d’applaudir, c’est le chargé de mobilisation qui donne le ton des applaudissements à ces enfants. Certains mobilisateurs ne se gênent même pas de les menacer d’« applaudir plus fort, plus fort ! ».
Pour revenir au présent exemple, la cérémonie a pris fin ce jour-là, peu après 13h. Quelques minutes de coupure de ruban devant ces infrastructures, puis les invités se dirigent vers le « rafraîchissement », laissant derrière eux, cette foule d’enfants qu’ils sont pourtant censés protéger, au propre comme au figuré.
Dans la société africaine, la logique voudrait d’ailleurs que l’adulte laisse le peu de nourriture disponible à l’enfant, s’il n’y en a pas pour tous. Mais bref, ici, seuls les privilégiés ont accès à ces rafraîchissements dans des éclats de rires autour des cuisses de poulet, des brochettes, des plats de résistance … Les enfants qui ont servi de faire-valoir à la cérémonie, on s’en fout ! Ils ont perdu leurs heures de cours, ont été exposés aux mauvaises conditions (soleil, poussière et autres saletés…). Dans les localités qui accueillent fréquemment ce genre de cérémonies, tant pis pour l’école des enfants !
Cet exemple est très loin d’être un cas isolé. La pratique est tellement courante, qu’elle passe dans bien des cas inaperçue, tant c’est devenu chose normale ! Faut-il s’en accommoder ? Certainement, pas ! Il faut la combattre, sans concession, et avec, tout autre agissement qui n’entre pas dans l’intérêt des enfants, de l’école, et qui vise uniquement à servir des intérêts immédiats, ou à venir, d’organisations, d’institutions, de personnalités.
Néanmoins, il faut relever au passage que ces pratiques ne sont pas forcement du fait des autorités et/ou responsables des organisations et personnalités donatrices, ils sont dans certains cas mis face au fait accompli ou ne semblent pas parfois mesurer la portée de tels agissements. Il leur appartient donc de veiller sur ces aspects, de redoubler d’efforts car ce sont leurs images qui sont en jeu. Il y a des cérémonies pour lesquelles de telles mobilisations même ne peuvent s’expliquer. Si besoin de mobilisation il y a, il serait judicieux de se limiter aux adultes, et surtout d’épargner ces enfants du primaire qui ne comprennent rien d’ailleurs à ce type de cérémonie.
En ces temps où les cérémonies de remise de vivres et de fournitures scolaires aux populations sont fréquentes, c’est une très bonne chose que la solidarité, surtout avec les personnes vulnérables, se raffermisse, il faut veiller à ce que les actes qu’on pose dans ce sens ne viennent pas nuire. On peut aller à l’essentiel. Et justement, parce que ces dons sont des actes nobles, ils doivent se faire avec le moins de désagréments et de dérangements pour notamment les bénéficiaires.
Le ministre de l’éducation nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales, en premier, qui abat un travail énorme, doit sévir sur ces aspects et attirer l’attention de ses démembrements par rapport à ces méfaits. Le thème de cette année, c’est la « Contribution de la communauté éducative à la culture de la paix, de la citoyenneté et à la cohésion sociale ». Il est évocateur, et un tel idéal ne devra s’incarner en piétinant certaines valeurs de bon sens, voire de droits fondamentaux.
Chaque personnalité ayant assisté au lancement de cette rentrée est donc particulièrement interpellée pour aider à la sensibilisation autour du sujet. Le président de l’ALT (Assemblée législative de transition), Dr Ousmane Bougouma, pourrait recommander à ses collègues députés de non seulement être des acteurs de sensibilisation dans ce sens (ça va aider de nombreux élèves, rendre service à l’éducation), mais aussi pour qu’ils évitent, eux qui organisent auprès des populations, des cérémonies de dons ou de "redevabilité", de tomber, d’une manière ou d’une autre, dans de telles pratiques aussi dégradantes que nuisibles.
Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net
Vos commentaires
1. Le 4 octobre 2023 à 14:13, par j_ En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Bonjour,
Merci pour votre article. Il est important d’attirer l’attention des autorités sur un pan de leur responsabilité qui pourrait leur échapper sans les dénigrer.
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2. Le 4 octobre 2023 à 14:50, par bobolais En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Merci pour avoir vu clair. Tout a fait d’accord avec vous. Plus rien ne devrait etre comme avant.
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3. Le 5 octobre 2023 à 08:00, par MAÏGA En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
A mon avis cet article mérite un prix des Galian . Juste ce que je pense. Je n’en dirai ps plus
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4. Le 5 octobre 2023 à 09:29, par KIEMDÉ En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Merci bien à vous ! Voici une manière souple de dénoncer une situation réelle. C’est la coutume dans nos administrations. Question de visibilité !
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5. Le 5 octobre 2023 à 09:34, par kwiliga En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
"Dans la société africaine, la logique voudrait d’ailleurs que l’adulte laisse le peu de nourriture disponible à l’enfant"
Hum, de la logique, méprisée par nos dirigeants, de la "société africaine", l’on pourrait dire beaucoup de choses.
Mais, le Ouagaland, a bien plus à voir avec la société capitaliste moderne, qu’avec la "société africaine".
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6. Le 5 octobre 2023 à 09:55, par Citoyen LAMBDA En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Que dire sinon chapeau ,chapeau ,chapeau à l’auteur de cet article ce Oumar L OUEDRAOGO. Quelqu’un a dit que dans ce pays ,il ne reste plus à ce que chaque autorité ,chaque ministre ,chaque DG ,chaque député fasse couvrir ses entrées dans les toilettes communes de ses services par tous les organes de presse ( radio ,télé, presse écrite etc) pour montrer qu’il est proche du peuple . Tout le monde aura remarqué que la communication tous azimuts est devenue l’unique style de management et gouvernance de nos autorités . Et personne parmi nos chères autorités ne pensent au revers de la médaille . Par exemple qui pense par exemple que les gros rassemblements sont sources de grande contamination de certaines maladies contaminables par voie de virus ? Et pourquoi ces ministres en charge de l’Enseignement primaire et supérieur et autres ne sont pas allés lancer la rentrée à ARIBINDA ,ou TOENI ,ou KORSIMORO ,SHOLLAN , DJIBO , OUANOUBIAN . C’est là que leurs déplacements pour la rentrée auraient eu une valeur ajoutée et auraient réchauffé nos cœurs .
Merci encore MR L . Oumar OUEDRAOGO pour votre courage à mettre les pieds dans le plat . Que Dieu vous bénisse et vous protège
Hélas, seriez seulement entendu par les grands gueulards et exhibitionnistes ouagalais qui n’ont que foutre de la souffrance des autres burkinabè qu’ils soient enfants ,vieux ,vieilles . Ce qui les intéresse le plus ,c’est de voir leur visage le plus souvent possible à la télé pour donner l’impression qu’ils travaillent beaucoup et pour s’en prélasser auprès de leur 2ème, 3èmme,5ème....... bureau .
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7. Le 5 octobre 2023 à 10:07, par A qui la faute ? En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Merci beaucoup pour cet article ; notre pays est de plus en plus un pays de mendiants malgré les pulsions nationalistes de des dirigeants.
L’autre phénomène qui m’écœure ce sont les enfants qui mendient au bénéfice des maîtres coraniques. C’est une honte de s’enrichir au détriment de la dignité humaine, même pour une religion. L’exploitation de l’humain comme bétail pour des raison politique, c’est plus honteux que la prostitution
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8. Le 5 octobre 2023 à 11:06, par Arsène Olivier En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Bien dit ! Ajoutons à cela les discours qu’on leur rédige pour être lus, ce qui ne traduit pas leur point de vue dans la plupart des cas.
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9. Le 5 octobre 2023 à 12:14, par jan jan En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Merci pour l’article et ses vérités, j’espère qu’il aura un écho sur les personnes responsables de cette situation et va changer les habitudes. L’enfant doit être protégé et respecté, il ne doit pas être considéré comme serviable et corvéable.
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10. Le 5 octobre 2023 à 13:34, par Bol.Sidnoma En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Dieu m’est témoin, cet article est venu me rappeler une douleur :
un soir, pendant que j’étais au centre ville, j’ai aperçu ma fillette dans une immense foule d’enfants que l’on conduisait à pied aux environs du Rond point des Nations unies pour les amener à la Maison du Peuple.
Nous habitions dans un quartier périphérique et je n’avais pas été avisé d’une quelconque sortie de mon enfant.
J’en ai souffert, mais j’ai évité de me plaindre auprès de l’école...
Longue vie à Lefaso.net !
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11. Le 5 octobre 2023 à 13:44, par Soulama Moussa En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Bonjour, je vous remercie beaucoup pour cet article. J’aimerais vous demander d’approfondir encore le sujet dans d’autres articles. Car au primaire comme au secondaire, les cours sont très souvent perturbés par des cérémonies de tout genre, ou bien ce des associations qui interviennent n’importe comment dans les établissements pour des activités sensées faire le bien des enfants et dont on ne voit pas le bien fondé.
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12. Le 8 octobre 2023 à 07:17, par Didier En réponse à : Burkina/Éducation : Quand les enfants du primaire servent de faire-valoir aux cérémonies, le ministère interpelé !
Je souris quand je lis certaines interventions. Le phénomène a commencé avant cette date et ils ne l ont pas relevée pourtant pratiquée par ceux qui ils défendent bec et ongle parfois en frisant le ridicule. L honnêteté c est de reconnaître ce qui ne va pas et non pas défendre pour défendre.
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