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Burkina/ Loi sur l’interruption sécurisée de grossesse (ISG) : « Il vaut mieux que le dispositif législatif soit revu afin de faciliter un certain nombre de choses … », conseille le champion national en SR-PF

Publié le jeudi 24 août 2023 à 17h13min

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Burkina/ Loi sur l’interruption sécurisée de grossesse (ISG) : « Il vaut mieux que le dispositif législatif soit revu afin de faciliter un certain nombre de choses … », conseille le champion national en SR-PF

Dans cette interview que le champion national en santé de la reproduction/Planning familial (SR-PF) a accordée à votre media en ligne Lefaso.net, Boureihiman Ouédraogo vous dit tout sur l’état des lieux des droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) et de la loi sur l’interruption sécurisée de grossesse (ISG) au Burkina. C’était lors d’un atelier de formation des prestataires sanitaires dont il était le formateur. Lisez-plutôt !

Lefaso.net : En tant que champion national en SR-PF, quel est l’état des lieux des DSSR dans notre pays ?

Boureihiman Ouédraogo (BO) : Dans l’ensemble, il faut noter que le Burkina dispose d’un arsenal juridique très fourni, parce qu’il y a des conventions, des traités, des protocoles aux niveaux national, régional et international et il y a des référentiels nationaux qui confèrent à tout Burkinabè un certain nombre de droits en matière des droits et santé sexuels et reproductifs.

Ces textes sont pertinents et le fait qu’ils existent est un atout pour le Burkina, mais leur application sur le terrain pose un certain nombre de problèmes. Et il y a des obstacles qui sont liés à l’effectivité de ces droits qui sont de plusieurs ordres, notamment, religieux, culturels et même au niveau des prestations de service. Il y a pas mal d’obstacles qui font que l’application de ces textes reste à désirer et il y a des efforts de plaidoyer à faire pour leur effectivité sur le terrain.

Lefaso.net : Parlant des obstacles que vous évoquiez, que peut-on retenir en résumé ?

BO : Il faut d’abord préciser qu’il y a la méconnaissance des textes par le public, les incohérences et l’imprécision de certains termes utilisés sur le terrain. Et surtout en ce qui concerne l’interruption sécurisée de la grossesse (ISG) selon la loi. Il y a des dispositions qui sont fournies dans la loi mais qui nécessitent quand même des précisions pour faciliter leur application sur le terrain. A titre d’exemple, on a des contraintes qui sont liées à certains articles (513-514) de la loi qui parlent de l’accès à l’ISG sous condition, notamment en cas de viol, d’inceste, de malformation grave et sous prescription d’un médecin et dans un délai de 14 semaines.

Des conditionnalités qui ne sont pas suffisamment explicites pour permettre l’applicabilité de l’ISG sur le terrain. Je parle de cela, parce que par exemple la question des 14 semaines et la matérialisation de la détresse de la patiente qui sont souvent difficiles à prouver dans certaines localités par manque de médecins ou de matériel, mais aussi beaucoup d’autres limitations, parce que les réalités et les défis varient en fonction des localités où on se trouve.

Lefaso.net : Toujours concernant les obstacles, vous parliez de valeurs religieuses ou culturelles qui freinent l’application de ces DSSR. Pouvez-vous nous en dire plus ?

BO : On les considère comme des freins, parce qu’il y a certains de nos us et coutumes, religions, et autres qui disent que l’avortement est un crime. Alors qu’il ne s’agit pas d’avortement tout azimut, mais d’intervention thérapeutique et dans les cas bien précis par la loi.

Lefaso.net : Qu’en est-il de l’objection de conscience que certains classent dans les freins à l’effectivité de l’ISG ?

BO : Pour faire plus simple, l’objection de conscience est le refus de respecter la prescription d’une loi, dont les effets sont jugés contraires à ses propres convictions idéologiques, morales ou religieuses et même là encore, c’est fait en respectant certaines conditions. Il s’agit d’un refus positif d’agir contre ses convictions, et non pas un refus de ne pas agir.

Lefaso.net : Dans votre exposé, vous parlez aussi d’incohérences et de lacunes limitant l’application de l’ISG sur le terrain. Quelles sont-elles ?

BO : Parlant d’incohérences et de lacunes dans l’application de l’ISG au Burkina, il faut dire qu’il y a certains aspects qui sont liés à la faisabilité sur le terrain, parce que dans le même pays, les textes ne disent pas la même chose. A titre d’exemple, dans le code de santé publique où on parle de plusieurs médecins devant attester l’accord, le code pénal et la loi sur la SSR (soins de suite et de réadaptation) parlent d’un médecin.

Toujours dans les incohérences, le code de santé publique par exemple évoque l’avortement seulement dans les cadres thérapeutiques, alors que le code pénal évoque d’autres aspects. En plus de ces incohérences, il y a aussi le protocole de Maputo ratifié par le Burkina qui évoque la question de la santé mentale comme donnant droit aussi à l’ISG, alors que nos textes ne l’évoquent pas. Et la liste n’est pas exhaustive, parce qu’il y a un certain nombre d’aspects qui méritent d’être améliorés pour rendre effective l’ISG.

Lefaso.net : Cette loi sur l’ISG n’est-elle pas dépassée au regard des défis auxquels le Burkina est confronté, notamment la question sécuritaire ?

BO : C’est pour cela qu’on parle de l’adapter au contexte actuel, parce que, rien qu’en se basant sur la limitation des 14 semaines, les questions de plateau technique, on voit qu’elle n’est plus réellement d’actualité au regard de la situation actuelle du pays. C’est pour cela que je dis qu’il faut ouvrir l’œil et le bon pour se rendre compte qu’il y a de quoi revoir cette loi en tenant compte de notre environnement et du contexte actuel, parce qu’avec la recrudescence de ces viols dus au contexte d’insécurité, il vaut mieux que le dispositif législatif soit revu afin de faciliter un certain nombre de choses comme la délégation des taches par exemple pour donner la possibilité à d’autres personnes d’agir, bien sûr en les outillant de ce qu’il faut et en s’assurant que ces personnes ont reçu des formations adéquates et qu’elles disposent des compétences qu’il faut et qu’elles peuvent offrir ce service sans danger, en un mot avoir des personnes accréditées, parce que ça sera des formations ciblées dans un cadre bien défini au regard de la situation actuelle. Et cela est faisable et c’est une question de volonté politique.

YZ
Lefaso.net

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