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Burkina/Transformation de véhicules hors normes : « Il n’y a pas de vide juridique, mais des lacunes au niveau des sanctions qui manquent », affirme le chef de service en normalisation et de contrôle technique

Publié le lundi 7 août 2023 à 22h15min

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Burkina/Transformation de véhicules hors normes : « Il n’y a pas de vide juridique, mais des lacunes au niveau des sanctions qui manquent », affirme le chef de service en normalisation et de contrôle technique

Dégradation de voies routières, accidents, obstruction à la fluidité de la circulation, amortissement rapide du véhicule, pannes récurrentes, et même fatigue générale des chauffeurs... Ce sont là quelques exemples de ce que les véhicules transformés hors normes peuvent causer comme dégâts, selon le chef de service en normalisation et de contrôle technique de la Direction générale des transports terrestres et maritimes (DGTTM), Issouf Attié Yaguibou, lors d’une interview qu’il a accordée à votre journal en ligne Lefaso.net.

Lefaso.net : On parle de plus en plus de véhicules transformés pour charger plus de marchandises, qu’en est-il ?

Issouf Attié Yaguibou : Avant de répondre à la question, il faut d’abord définir la notion de transformation qui renvoie à tout cas de changement de moteurs, d’énergie, du modèle, ou encore l’augmentation de la largeur ou de la longueur d’un véhicule. Ces genres de transformations sont régis par des textes nationaux, mais aussi communautaires. Au niveau national, il y a des textes de base qui régulent ces transformations. Il s’agit notamment du décret 73 portant réglementation des voies routières ouvertes à la circulation publique. Mais au niveau communautaire, il y a aussi des textes qui régulent ces transformations, à savoir le règlement n° 14/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Tous ces exemples pour vous dire que dans le domaine de la « transformation », il y a des textes qui encadrent le secteur et que ces transformations de véhicules ne sont pas interdites comme les gens le pensent. Elles deviennent « interdites » lorsque les dimensions prévues par les textes ne sont pas respectées. A titre d’exemple, quand on dit que les longueurs ne doivent pas dépasser les 12 mètres et que vous êtes à plus de 12 mètres, c’est à partir de ce moment que c’est interdit. Sinon la transformation en elle-même, faite selon les normes, n’est pas interdite. Quand on parle de transformation, cela nécessite également des changements au niveau de la carte grise et des autres documents. La transformation peut concerner plusieurs types de véhicules, à savoir les remorques, dont le PTRC est supérieur à 750 kilogrammes, les semi-remorques ou autres.

En la matière, quels sont les problèmes auxquels vous êtes habituellement confrontés ?

Au Burkina Faso, en particulier à Ouagadougou, beaucoup d’usagers ou de transporteurs s’adonnent à des transformations hors norme. C’est pour cela que vous voyez fréquemment en ville des véhicules qui ont des problèmes pour circuler. Beaucoup circulent sans documentation, parce que pour pouvoir avoir une transformation dans les normes, il y a toute une procédure qui se base sur un contrôle et seules les structures techniques du ministère en charge des transports sont en mesure de rendre cela possible, notamment le CCVA et la DGTTM. Le CCVA, qui a la logistique adéquate, mène le contrôle et une fois qu’il donne son quitus, il passe la main à la DGTTM qui est chargée de l’aspect administratif et réglementaire. Lorsque cela est respecté, elle autorise le véhicule à circuler en lui délivrant le titre de transport et tous les autres documents. En la matière, le CCVA et la DGTTM travaillent en synergie pour que les véhicules qui doivent être transformés puissent respecter les normes prescrites. Mais avant d’avoir tous ces documents qui donnent carte blanche pour circuler librement, il faut respecter toutes les conditions et les procédures.

Pouvez-vous revenir sur les conditions et procédures à remplir ?

D’abord au niveau des transformations, il faut dire qu’il y a des conditions pour transformer et il y a des dossiers à fournir. Pour les dossiers de demande à titre isolé, l’intéressé doit formuler une demande adressée au directeur général de la DGTTM pour solliciter cette transformation et joindre la carte grise du véhicule, le certificat de transformation. Lorsque ce sont des citernes, il faut joindre le certificat du jaugeage du BIMUGEB et la carte d’identité du demandeur ou le registre de commerce. Une fois ce dossier constitué, on l’envoie au CCVA qui se charge de regarder les aspects techniques, peser le véhicule. Le contrôle technique du CCVA va s’ajouter pour pouvoir déterminer le poids réel du véhicule. Et il va délivrer la réception qui atteste que le véhicule respecte les normes en vigueur de transformation et lorsque tout cela est respecté, il revient au niveau de la DGTTM pour qu’on lui délivre la réception à titre isolé pour aller procéder au changement de la carte grise, parce que les données ont changé lorsque le véhicule a été transformé.

Quelle est l’ampleur du phénomène de la transformation à Ouagadougou ?

Il faut dire que les transformations ne sont pas interdites, mais, c’est celles effectuées dans l’ombre sans respect des normes qui sont interdites. Revenant sur les transformations respectant les normes ou pas, c’est un phénomène qui a pris de l’ampleur, parce qu’il y a une nette augmentation. Certes, beaucoup de gens s’adonnent à la transformation hors norme, mais nous ne disposons pas de données à ce niveau. Parlant des véhicules transformés dans les normes, en 2019, les statistiques disaient qu’on était à 1 050 cas par an. En 2020 on a enregistré 1 243. En 2021 nous sommes à 1 349. Et en 2022, les chiffres s’élèvent à 1 718.

Quels sont les types de véhicules les plus touchés par ce phénomène ?

Ce sont les véhicules poids lourds qui dépassent les 3,5 tonnes qui sont les plus concernés parce qu’ils sont transformés pour transporter des marchandises. Les transporteurs, au lieu d’aller acheter les véhicules adaptés pour faire leur transformation, prennent des véhicules isolés qu’ils transforment. Et si vous ne faites pas attention, vous allez penser que c’est une remorque, alors que c’est un véhicule isolé qu’ils ont transformé.

Quel est le danger de ces genres de véhicules en circulation ?

Soyez-en sure que tous les véhicules transformés hors normes entraînent beaucoup de conséquences. C’est pourquoi toute transformation de véhicule doit se faire dans le cadre strict de la réglementation. Sinon les conséquences qui en découlent sont nombreuses, allant de la dégradation des voies routières aux accidents de la route, en passant par l’obstruction de la fluidité de la circulation, sans oublier l’amortissement rapide du véhicule, les pannes récurrentes, et même la fatigue générale des chauffeurs qui se retrouvent à fournir plus d’efforts pour pouvoir manœuvrer.

Quelles sont les mesures prises pour mettre fin au phénomène ?

C’est une question d’actualité et nous sommes soucieux des dégâts que les véhicules hors normes peuvent causer. C’est pourquoi nous avons prévu de faire des campagnes de sensibilisation sur les méfaits de ces transformations anarchiques (hors normes). En plus de cela, il est attendu une série de textes pour encadrer ces transformations, qui vont de l’avertissement à la sanction. Mais en attendant la sortie de ces textes, nous nous rendons dans les ateliers de transformation pour leur remettre de la documentation sur la transformation respectant les normes. Après la sensibilisation, nous allons passer à la répression et cela va se faire de façon permanente.

A vous entendre parler, on dirait qu’il y a un vide juridique…

On ne peut pas parler de vide juridique. On ne parle de vide juridique que quand il n’y a pas de textes. Alors que dans ce cas, il y a des textes qui encadrent le domaine, tels que les décrets que j’ai cité. Mais ce sont des sanctions qui ne sont pas prises surtout concernant les carrossiers qui transforment sans respecter les normes. Pour dire que concernant les ateliers de carrosserie qui sont munis de registres de commerce, les textes ne sont pas précis sur les sanctions. Donc, avec les nouveaux textes, il est prévu un agrément. Dorénavant pour tout carrossier, il sera obligatoire d’avoir un agrément du ministère des Transports. Cet agrément sera périodique et renouvelable en fonction du respect des normes. On peut dire que ce sont des lacunes que les nouveaux textes vont corriger, parce que les anciens textes ne disent pas qu’on peut fermer un garage ou appliquer telle ou telle sanction en la matière. Les textes prévoient seulement que le transporteur ramène le véhicule pour correction.

Que peuvent encourir les garages spécialisés en la matière et qui sont tapis dans l’ombre pour transformer ces véhicules ?

La question qui revient souvent, c’est que dans quel cas il faut demander la réception technique. C’est très important de le dire. Il n’est pas interdit aux véhicules transformés pour transporter plus de marchandises, de le faire. Mais il faut que le véhicule en question puisse permettre la transformation. Comme je le disais, les textes qui vont encadrer ces garages sont dans le circuit pour signature. Lorsque ces textes seront finalisés, on va passer à la phase de la répression et les sanctions seront graduelles. Mais en attendant la sortie de ces textes, nous allons poursuivre la sensibilisation. Nous invitons ces garages à avoir des comportements responsables en n’acceptant pas de transformer hors normes et à être professionnels. Il s’agit d’une question de sécurité routière qui impacte tout le monde sans exception et il faut que tous les acteurs soient impliqués pour qu’on puisse lutter contre ce phénomène. C’est un vrai travail de contrôle que nous faisons avec les structures du ministère de l’Administration territoriale pour résoudre ce problème de transformation anarchique.

Votre mot de fin ?

Comme mot final, nous demandons à tous les usagers qui s’intéressent aux véhicules transformés de s’assurer que la transformation a été faite dans les normes. Aux transporteurs, nous demandons de suivre la procédure normale en passant par les structures habilitées afin d’avoir les informations adéquates pour ne pas faire un travail qui ne respecte pas les normes. Et enfin aux carrossiers, nous disons de mettre fin à la pratique de transformation des véhicules hors normes, parce que les conséquences que cela engendre impactent toute la société.

Interview réalisée par Yvette Zongo
Photos et vidéo : Auguste Paré

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Vos commentaires

  • Le 7 août 2023 à 18:04, par INCONNU En réponse à : Burkina/Transformation de véhicules hors normes : « Il n’y a pas de vide juridique, mais des lacunes au niveau des sanctions qui manquent », affirme le chef de service en normalisation et de contrôle technique

    Merci ! Mais comment ces véhicules peuvent circuler s ils n’ont pas les documents nécessaires ?

  • Le 8 août 2023 à 12:52, par Bob En réponse à : Burkina/Transformation de véhicules hors normes : « Il n’y a pas de vide juridique, mais des lacunes au niveau des sanctions qui manquent », affirme le chef de service en normalisation et de contrôle technique

    Nos autorités sont restées à l’époque de l’arbre à palabres. En Afrique tout était basé sur le dialogue et le consensus. Il n’y avait pas de prison et tous les comportements INAPPROPRIÉS étaient réglés à priori grâce au TOTEM. Voler une poule pendant la saison des pluies exposait à la foudre, abattre 2 gros animaux sauvages le même jour exposait à la colère des génies de la brousse etc.. Tout cela était étayé par l’éducation, la culture et l’auto censure individuelle. A l’inverse par exemple en Europe., la division de la société en privilégiés et en plèbe a débouché très tôt à l’imposition de la loi, des règlements, des prisons et même pire. La LOI était le gendarme de la société et des rapports sociaux. Et nous, champions de la négociation et de la palabre avons adopté ces coutumes étrangères sans le mode d’emploi. Pour la plupart des burkinabé, la loi ne s’applique qu’en cas de vol ou de crimes. Pour le reste ils pensent que les lois et règlements sont faits pour les extraterrestres ! Même le code de la route qui procède du bon sens a été pour eux faits pour les autres et les arbres. Dans ces conditions comment voulez vous que des commerçants incultes que seul l’appât du gain anime comprennent quoi que ce soit ? Regardez les tricycles et les bicyclettes dans la circulation et vous comprendrez. Sans application RIGOUREUSE de la loi ces gens ne comprendront pas. Il faut mettre en fourrière tous les camions transformés, leur appliquer une amende forfaitaire de 10 ou 20 millions dès le début et doubler celle ci à la prochaine infraction. A la 3eme que le camion soit purement saisi remis à l’état pour les convois de ravitaillement. Si en réaction ils bloquent la circulation que tous les camions participant au mouvement soient saisis. J’espère que les dirigeants actuel s n’ont pas d’intérêt dans le secteur,et désormais c’est ainsi qu’il faut procéder. NUL N’est censé ignorer la loi

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