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Boucle du Mouhoun : La saison agricole s’installe, des paysans entre inquiétude et certitude

Publié le lundi 3 juillet 2023 à 22h15min

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Boucle du Mouhoun : La saison agricole s’installe, des paysans entre inquiétude et certitude

La saison agricole humide 2023 s’installe timidement dans la région de la Boucle du Mouhoun, au Burkina Faso. Les paysans retrouvent, de plus en plus, le chemin des champs. Ils s’affairent au défrichage, au labour et au semis pour ne citer que ces activités. Notre reporter, sur place à Dédougou, s’est rendu dans quelques localités rurales.

A l’horizon, le soleil monte dans le ciel. Il commence à darder ses rayons brûlants sur la cité du Bankuy. Laquelle cité retrouve progressivement son animation habituelle en ce début de journée de samedi 24 juin 2023. A l’instant même, nous enfourchons notre cyclomoteur avec pour leitmotiv d’aller à la rencontre de paysans dans des localités rurales riveraines de Dédougou, chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun. Le ciel avait déjà commencé à ouvrir ses vannes depuis maintenant quelques semaines, arrosant par endroits la région. Et la campagne agricole 2023 s’installe au fur et à mesure, même si cela reste de manière à ne pas satisfaire entièrement nombre de paysans. La rareté des pluies est brandie pour justifier ce ressenti. Les cultivateurs sont néanmoins dans les champs. Ils se livrent à diverses activités y relatives. Le cap est mis sur des localités situées dans la partie sud-ouest de la ville de Dédougou. Chaque kilomètre qui éloigne de la cité est une charge supplémentaire de peur au ventre. Les incursions ou la présence de groupes armés terroristes dans plusieurs localités voisines de Dédougou oblige.

Abdoulaye Sankara et ses deux gosses rivalisant de rapidité dans l’ensemencement de leur champ

Les paysans entre plusieurs tâches

Premier village sur le trajet, Sonyalm-tenga, localité située à moins de deux lieues de Dédougou. Sous un ciel éclairci, le soleil déjà enflammant, Abdoulaye Sankara et ses enfants s’empressent de mettre en terre du mil et du maïs. Leur champ est vaste d’environ trois hectares. Le père de famille a visiblement des doutes vis-à-vis du début de la campagne agricole 2023 dans la Boucle du Mouhoun. « La saison s’installe avec un petit retard par rapport à l’année passée. Ce qui est encore inquiétant, c’est la non-régularité des pluies pour permettre aux semis de pousser correctement », glisse-t-il du bout des lèvres. D’une main, chacun tient sa pioche et, de l’autre, une petite calebasse contenant des semences. Pas question de perdre ne serait-ce qu’un seul instant.

Souleymane Oumsaonré estime que le début de la campagne agricole est réconfortant

Son voisin Souleymane Oumsaonré est propriétaire de champ d’une superficie de cinq hectares. Il confie son intention de faire pousser du mil, du maïs, du riz et des arachides. Ses femmes, ses enfants et lui sont au four et au moulin. Pendant qu’un tracteur, bruyant et terrassant tout sur son passage et dont le propriétaire du champ s’est attaché les services, remue la terre d’un côté du champ, les membres de la famille, à l’autre bout, s’emploient à l’ensemencement de la rizière. Le chef de famille, muni d’une pelle, s’attèle à éparpiller des tas de fumure organique. Il a un avis certain sur l’installation de la saison agricole. « Le début est bon. Nous souhaitons que la cadence des pluies se poursuive bien afin que nous ayons une fin satisfaisante de campagne agricole », a-t-il imploré, le corps tout trempé de sueur.

Déplacé interne, Karim Kindo veut mettre fin à sa dépendance vis-à-vis de l’assistance alimentaire

Pékuy est à portée de main après une quinzaine de minutes de route. Dans ce village tout comme le long du trajet, les champs sont noirs de paysans. Le temps semble compté pour ces acteurs du développement socioéconomique local, tant ces derniers s’émeuvent de partout. Parmi eux, Karim Kindo. Il parcourt, les pieds nus, son champ d’est en ouest, pataugeant presque dans un bas-fond. Appareil à pomper au dos, Monsieur Kindo pulvérise sa rizière de plus d’un hectare contre les insectes, les herbes et autres éléments nuisibles. Une bonne volonté lui a fait don du lopin de terre. « Je suis une personne déplacée interne venue de Sanaba. Ma famille est à Dédougou, mais je suis venu négocier ce terrain jusqu’ici pour cultiver », nous accueille-t-il. Par ce travail, « l’exilé interne » croit pouvoir dire non à la résignation et à l’assistanat perpétuel.

Salif Dakuyo crie à la cherté des intrants agricoles

Poursuivant le périple, nous voilà à Fakouna, dernière localité visitée. Le village est à une quinzaine de kilomètres de Dédougou. Nous avons dû traverser des marécages, patauger parfois dans la boue à certains endroits et emprunter des pistes sinueuses pour nous y rendre. La saison agricole présente, dans cette bourgade, la même physionomie que dans les autres localités. Chaque paysan, dans son champ, y va de ses moyens de bord. Des animaux de trait comme les ânes et les bœufs sont mis à contribution, respectivement par Salif Dakuyo et Adama Kondé. Contrairement à eux, leur voisine est à court de moyens financiers pour s’offrir les services d’un tracteur ou de bêtes de trait. Balguissa Zana s’est contentée de semer sur un terrain nu. Sans aucune protection, elle manipule des produits chimiques tels des herbicides destinés à pulvériser son champ. La paysanne était à l’œuvre au moment où nous l’accostions. « Depuis plus de dix jours, nous sommes dans les champs. Pour le moment, le rythme des pluies ne correspond pas à ce qu’on aurait voulu. Mais, nous espérons qu’il va pleuvoir régulièrement les jours à venir », lâche-t-elle.

A l’image de Balguissa Zana, les femmes participent activement aux travaux champêtres

L’angoisse de ces paysans se résume essentiellement au retard, léger soit-il, relevé par certains des acteurs et à la rareté des pluies en ce début de campagne agricole. Il faut cependant noter un changement positif depuis la veille de la fête de la Tabaski, pour ce qui concerne la ville de Dédougou et ses environs. L’enchaînement des pluies tend à ramener la sérénité au sein du monde paysan. Au-delà de cette préoccupation majeure soulignée par les paysans, bien d’autres sont légion.

L’insécurité traîne sa bosse partout

Ces cultivateurs crient également au manque de ressources financières pour l’achat des intrants agricoles et à l’inaccessibilité de ceux-ci sur le marché. Ils n’admettent pas de flambée des prix des intrants agricoles cette année. Mais ces derniers regrettent quand même la cherté de ces produits en considération des coûts auxquels ils sont proposés. La situation sécuritaire est indexée comme responsable de la mise en berne des activités économiques dans la région au point de tarir les possibilités pour ces agriculteurs de trouver les moyens d’acheter l’engrais et les produits phytosanitaires dont les herbicides.

A défaut de tracteur, Adama Kondé se sert de ses bœufs pour le labour

A en croire Salif Dakuyo, le sac d’engrais de 50 kg coûte 30 000 F CFA alors que le prix des herbicides varie entre 1 000 F CFA le sachet (poudre) et 3 000 F CFA le bidon d’un litre (liquide). Il informe pourtant avoir besoin de plus d’une vingtaine de sacs d’engrais et une importante quantité de produits phytosanitaires pour couvrir ses dix hectares de coton, de mil et de maïs. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Yacouba SAMA
Lefaso.net

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