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Soins traditionnels : Landaogo, le guérisseur de Bouloumbougdou qui “fait des miracles”

Publié le mercredi 25 janvier 2006 à 07h27min

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La foule des patients

« Il y a un guérisseur à Zitenga qui soigne tous les maux. Il fait entendre et parler les sourds-muets, rend la vue aux aveugles, fait marcher les paralytiques... ». Cette nouvelle circule depuis un certain temps à Ouagadougou et dans d’autres localités.

Comme une traînée de poudre, elle a fait le tour du Burkina. Du coup, la vie quotidienne à Bouloumbougdou, une bourgade située à quelque 20 km de Zitenga, chef-lieu du département dans la province d’Oubritenga, a changé.

Ce mercredi 18 janvier 2006, Sidwaya est allé voir cet homme dont la renommée a franchi les frontières de la province, voire du pays. 8 h. Nous sommes à Bouloumbougdou. L’aire de soins dont une partie est délimitée par des cordes est située au pied d’une colline. Il y avait peu de monde. « Il est encore tôt.

Les gens vont venir », nous dit un jeune natif du village, vendeur de cigarettes depuis que Bouloumbougdou accueille tant de monde. Il nous montre du doigt la cour d’habitation du guérisseur. Nous expliquons l’objet de notre venue à un sexagénaire qui passait par hasard. Celui-ci, avant de nous demander de patienter, précise : « ici on ne marche pas les pieds chaussés (un coup d’oeil nous suffit de constater que tout le monde était pieds nus) ».

Continuant son chemin, il s’engouffre dans la cour du guérisseur. « Votre doléance a été transmise », nous prévient-il, lorsqu’il en revient. Devant notre insistance à vouloir rencontrer le guérisseur avant le début de la séance de guérison, notre interlocuteur nous répond : « Il s’entretiendra avec vous ici avant de commencer les soins ».

Nous apprendrons par notre vendeur de cigarettes que c’est l’un des proches collaborateurs du guérisseur. Nous décidons alors de guetter son arrivée avec le concours du vendeur de cigarettes. Nous ne le verrons pas passer. C’est le mouvement de la foule, entre temps grossie, qui nous avertit. Trop tard, il était déjà en pleine séance. Avec l’aide d’un autre de ses collaborateurs, nous sommes installés dans un coin de l’espace délimitée. Assis sur un banc, nous observons la scène.

Les malades sont introduits par groupes et couchés. Ils sont traités par le guérisseur lui-même. Les autres le sont par ses collaborateurs hors de l’aire délimitée. Mais tout le monde veut se faire soigner par le maître lui-même. Il se crée alors parfois un désordre. D’où l’appel au calme par les hommes chargés de maintenir l’ordre.

Les cas graves sont traités par le « maître »

Torse nu, un bâton à la main, le guérisseur tourne autour des malades couchés sur leurs dos, se faufile entre les espaces qui les sépare, les touche avec son bâton pour ensuite leur demander de se relever. « Levez-vous ! Vous êtes guéris... », ordonne-t-il. Il marque un arrêt après chaque séance, le temps de permettre à ses collaborateurs d’introduire un autre groupe. Le médicament est ensuite remis aux malades. En fait de médicament, c’est de la terre qui est servie à tout le monde, même à ceux qui y viennent pour d’autres motifs que de santé. Des milliers de personnes affluent chaque jour à Bouloumbougdou (le lundi il ne soigne pas).

Certaines y vont, à la recherche de l’âme, un enfant ou la richesse... Mamadou Sawadogo est mécanicien et travaillait à la société de transport « Sans frontières ». Il a perdu, selon ses dires, l’usage de ses membres inférieurs suite à une crise d’hypertension artérielle doublée d’une hernie discale depuis trois ans. Jusqu’à ce mercredi 18 janvier 2006, il ne pouvait pas marcher, toujours selon ses dires.

Après avoir été introduit sur l’aire de soins dans les bras d’un de ses parents, il en est ressorti tout seul. « J’ai retrouvé l’usage de mes jambes. Je marche avec difficulté certes, mais c’est normal car il faut que je réapprenne à marcher comme un enfant. C’est formidable... ». Il se lève et effectue quelques pas hésitants sur près de 20 mètres pour nous montrer. Célestine Doulkoum est frappée d’hémiplégie à la partie gauche du corps depuis dix ans. Des soins intensifs en Europe n’ont rien donné. « J’étais secrétaire au Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES). J’ai été mis à la retraite depuis dix ans à cause de mon mal. Jusqu’à ce mercredi 18 janvier 2006, je ne pouvais pas me déplacer sans l’aide de quelqu’un ou de la béquille que voici (elle nous la montre). Aujourd’hui j’ai pu me lever et marcher sans la béquille après les soins. Je sens que quelque chose a changé. J’espère que je suis réellement guérie... », dit-elle. Paul Sawadogo est originaire du Sanmatenga. Lui aussi soutient qu’il ne pouvait pas marcher. « Aujourd’hui, j’ai retrouvé l’usage de mes jambes... », indique-t-il. D’autres cas de guérisons « miraculeuses » nous ont été rapportés.

Guérisseur depuis vingt-six ans

Mais qui est donc cet homme qui a le pouvoir de « faire parler et entendre les sourds-muets, rendre la vue aux aveugles, marcher les paralytiques.... » ? A l’état civil, il répond au nom de Soré Landaogo dit Naaba, selon le haut-commissaire de la province d’Oubritenga, Jean-Gabriel Nadembèga. A Bouloumbougdou, le guérisseur n’a pas voulu nous le communiquer ou du moins pas exactement lorsqu’il a consenti enfin à s’entretenir avec nous plus de deux heures après. D’ailleurs, ce fut trois vieux qui voulurent répondre à nos questions à sa place. « Dites-nous ce que vous voulez, nous vous donnerons toutes les informations », nous signifie l’un d’entre eux. Nous insistons pour nous adresser directement au « maître » en personne. Avec beaucoup d’hésitations, Landaogo Soré dit Naaba accepte. Il soigne, selon ses dires, depuis 26 ans. « J’ai commencé par moi-même car je suis né malade. Ce que je fais actuellement m’est venu subitement après une maladie qui remonte au début de l’hivernage passé. Mais c’est pratiquement à la mi-octobre que j’ai reçu ce pouvoir... », explique-t-il. A Bouloumbougdou, les gens racontent que c’est à la suite d’une crise de folie, « qu’il s’est exilé pendant plusieurs jours sur la colline. Quand il a commencé à soigner, beaucoup de gens ne croyaient pas à ses pouvoirs... », nous a confié un habitant de Bouloumbougdou. Des malades viendraient d’autres pays pour le voir. Il citent le Mali, le Niger, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Cameroun. Il affirme même qu’un envoyé du président congolais est venu le voir. La République démocratique du Congo ou le Congo Brazzaville ? Il n’a pas pu nous le préciser.

La rumeur circule que Saïdou Bikienga, cet autre guérisseur qui a fait parler de lui il y a environ une dizaine d’années, aurait quitté sa base de Nagréongo pour venir apprendre avec lui. « Il envoie des malades ici, mais je ne l’ai jamais aperçu physiquement... A moins qu’il ne soit venu de façon anonyme comme d’autres personnes, notamment certains hauts responsables de ce pays.

Ils ne se présentent pas à nous quand ils viennent. Nous ne les reconnaissons pas tous mais la présence de ces gens que nous ne connaissons pas nous est signalée... », souligne-t-il. Landaogo ne prend pas d’argent pour ses soins. Il utilise le pouvoir qu’il a reçu gratuitement pour aider ses semblables. Il refusera catégoriquement de nous laisser faire des prises de vues. « Je n’ai pas encore reçu l’autorisation de laisser faire des photos. Vous pouvez le faire vers les parkings mais ici , les photos sont formellement interdites pour l’instant.. Ce ne sera pas bon pour moi.. », a-t-il laissé entendre. La présence du guérisseur et le monde qu’il rassemble autour de lui ont été signalés aux autorités provinciales. « Nous avons effectivement reçu du préfet de Zitenga, une correspondance qui nous informait de cette présence.

Nous avons saisi le gouverneur de la région du Plateau central, le directeur régional de la police nationale, le médecin-chef du district de Ziniaré... », souligne le haut-commissaire de la province d’Oubritenga, Jean-Gabriel Nadembèga. Mais il n’y a pas pour l’instant selon lui, des mesures particulières qui ont été prises. Quant aux cas de guérison supposés ou réels des malades, le haut-commissaire soutient qu’il est difficile de se prononcer là-dessus. « Nous avons appris qu’il arrive à guérir des malades mais nous n’en connaissons pas personnellement ... », indique-t-il.

Camille Zoungrana, agent de bureau à la préfecture de Ziniaré (c’est lui que nous avons trouvé, le préfet étant en congé) est presque du même avis. « Nous n’avons pas vécu personnellement des cas de guérison mais les gens racontent qu’il fait des miracles. Dans tous les cas, ce sont des choses qu’il faut prendre avec réserve... », affirme celui-ci.

Etienne NASSA (paratena@yahoo.fr)
Sidwaya

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