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Législatives 2020 et quota-genre : Les espoirs d’une représentativité des femmes n’ont pas été comblés

Publié le lundi 26 octobre 2020 à 23h05min

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Législatives 2020 et quota-genre : Les espoirs d’une représentativité des femmes n’ont pas été comblés

A quelques jours des élections législatives, quel état des lieux peut-on faire de la loi sur le quota-genre, votée en janvier 2020 ? Pour répondre à cette préoccupation, l’Institut Général Tiémoko Marc Garango (IGD) a organisé, ce vendredi 23 octobre 2020 à Ouagadougou, un dialogue politique qui a réuni plusieurs acteurs politiques, civils et des partenaires techniques de la question.

Cette loi visait à accroître la représentativité des femmes à l’Assemblée nationale qui a, faut-il le rappeler, compté onze femmes à l’issue des législatives de 2015, contre 24 au scrutin de 2012 alors qu’en 2007, elles étaient 17 sur les 111 députés d’alors. D’où l’intérêt pour la question, lorsqu’on sait que les femmes sont, numériquement, les plus importantes et que leur contribution à la vie socio-économique est grande.
Cette loi a introduit, entre autres, une modalité de positionnement alterné femme-homme ou homme-femme des candidats, aussi bien pour la liste des titulaires que pour les suppléants ; une proposition d’un quota de 30% sur les candidatures de l’ensemble des listes figure dans cette loi. Comme ‘’sanction’’, la loi propose un surplus de 20% du montant alloué par l’Etat pour la campagne électorale à tout parti politique qui respecte les nouvelles dispositions.

Pour poser les échanges, l’IGD a présenté les résultats d’une étude sur le sujet. L’exercice de calcul et d’analyse s’est appuyé sur les listes provisoires des candidats aux élections législatives (liste nationale et listes provinciales) de six partis politiques, compilées par la CENI. Il s’agit de l’ADF/ RDA, du CDP, du MPP, du NTD, de l’UNIR/PS et de l’UPC.

Ainsi, l’analyse de la liste nationale des partis sus-cités donne pour le MPP, 16 hommes et 16 femmes (soit 50% d’hommes et de femmes) ; l’UPC a 23 hommes et 9 femmes (soit 72% d’hommes et 28% de femmes) ; le CDP se positionne avec 21% d’hommes et 11% de femmes, (soit 66% d’hommes et 34% de femmes) ; l’UNIR/PS est à 22 hommes et 10 femmes (soit 69% d’hommes et 31% de femmes) ; l’ADF/RDA est à 27 hommes et 5 femmes (soit 84% d’hommes et 16% de femmes) ; le NTD compte 26 hommes et 6 femmes (soit 81% d’hommes et 19% de femmes). Le cumul donne 135 hommes et 57 femmes, soit 70% hommes et 30% femmes.

Vue partielle des participants

De ce constat, il ressort que seuls trois partis (des six jaugés), le MPP (50%), le CDP (34%) et l’UNIR/PS (31%) ont pu atteindre, voire dépasser, une représentativité de 30% de femmes sur leur liste nationale. Sur un total de 192 places donc, on s’aperçoit que les hommes représentent 70% contre 30 % de femmes, lorsque l’on cumule les titulaires et les suppléants.

A l’apparence, le quota-genre aurait été respecté. Mais à y voir de près, il n’en est absolument rien, précise l’analyste des politiques publiques, Roger Minoungou, présentateur de l’étude. « Aucun des six partis politiques n’a pu respecter le positionnement alternée femme-homme ou homme-femme des candidats au niveau des listes nationales. Aucun des partis politiques n’a accepté placer une femme au 1errang de sa liste nationale. La liste nationale du NTD ne comprend aucune femme titulaire. Les hommes occupent 80% des postes de titulaires contre 20% pour les femmes sur un total 96 places. Aucun des six partis politiques n’a pu respecter le positionnement alternée femme-homme ou homme-femme des candidats au niveau des listes nationales. Trois partis politiques ont accepté placer une femme au 1er rang de sa liste nationale comme suppléante (MPP, CDP, NTD). Le parti politique UNIR/PS atteint une parité (50/50) entre hommes et femmes, mais ne respecte pas le principe du positionnement alterné. Les hommes occupent 60% des postes de suppléants contre 40% pour les femmes sur un total 96 places », commente le communicateur.

En ce qui concerne les listes provinciales, l’étude révèle que l’UNIR/PS a pu respecter scrupuleusement la lettre et l’esprit de la nouvelle loi quota-genre dans les provinces du Ganzourgou, Zondoma, Loroum, Soum, Séno, de l’Oudalan, de la Komandjari, du Ziro.

La majorité des partis politiques ont placé les femmes au rang de suppléantes et non de tête de liste. Aucun des six partis politiques n’a placé une femme titulaire dans le Koulpélogo, la Tapoa, la Kompienga, la Gnagna. Seul l’UNIR/PS a une femme sur la liste des titulaires dans l’Oudalan, le Nahouri et le Séno. Seul l’UPC a placé une femme sur la liste des titulaires dans le Gourma. Seul le CDP a placé une femme sur la liste des titulaires dans le Zoundwéogo. Seuls le NTD et l’ADF/RDA ont placé chacun une femme comme titulaire dans le Bazèga. Seul l’UPC a placé une femme comme tête de liste dans le Boulkiemdé.

Dr Abdoul Karim Saïdou (micro) avec à sa gauche, le modérateur Jean-Pierre Guigma et Roger Minoungou (à l’extrême)

« La nouvelle loi est-elle efficace au regard déjà de ces constats ? Ne faut-il pas craindre que le taux de représentativité des femmes à l’Assemblée nationale soit en-deçà des statistiques précédentes ? Était-il vraiment pertinent de proposer comme sanction un bonus financier aux partis politiques pour les amener à respecter la loi sur le quota ? », a posé le présentateur, Roger Minoungou.

« A l’analyse, on se rend compte que la loi a produit ses premiers effets qui ne semblent pas très satisfaisants, car on voit des disparités. Il est assez difficile, sinon impossible, pour les partis politiques de respecter scrupuleusement non seulement la lettre, mais aussi l’esprit de la loi telle que votée, qui voudrait qu’on ait des listes alternées du genre aussi bien sur les listes des titulaires que des suppléants. C’est le constat qui est sorti et mérite réflexion », pense-t-il.

Ce dialogue démocratique entre dans le cadre d’un projet de renforcement de la participation politique des femmes que l’IGD met en œuvre, en partenariat avec la Fondation internationale du parti du Centre suédois, explique le directeur exécutif de l’IGD, Dr Abdoul Karim Saïdou.

L’exposé de l’étude a été suivi de plusieurs réactions de participants, notamment des commentaires et suggestions en vue d’une amélioration dans la mise en œuvre du quota-genre. A ce titre, des intervenants ont souhaité que se poursuive la vulgarisation de la loi et qu’elle soit appropriée par les responsables des partis politiques, la poursuite du renforcement des capacités des femmes en politique et militantes des partis politiques (ne pas se lasser de former), combattre les préjugés sexistes, vulgariser des bonnes pratiques en la matière, sanctionner négativement la violation de la loi en la matière (rendre la loi plus contraignante).

Il est aussi suggéré que l’on ait une approche multidisciplinaire de la question-genre par la prise en compte de toutes les sensibilités dans la réflexion. Les espoirs n’ayant pas été comblés avec cette loi, des participants ont suggéré que d’autres leviers soient actionnés (par exemples, le placement des femmes dans les sphères de décisions, œuvrer à l’autonomisation socio-économique réelle des femmes, miser sur l’éducation, etc.).

Pour le directeur exécutif de l’IGD, Dr Abdoul Karim Saïdou, il est important de poursuivre la réflexion pour voir dans quelle mesure renforcer l’influence politique des femmes, car il est incompréhensible que le Burkina qui a fait figure de pionnier en la matière, avec notamment Thomas Sankara, se retrouve actuellement dans cette situation de sous-représentativité des femmes. Passée l’étape des législatives, il faut maintenant travailler pour une meilleure représentativité des femmes aux élections municipales, en 2021.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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