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Est : Le mémoire en défense de l’ex-gouverneur Kam

Publié le jeudi 4 août 2005 à 08h08min

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Il faisait partie des 13 premiers gouverneurs nommés sous la IVe République. Lui, c’est le commandant Victor Emmanuel Kam, qui présidait aux destinées de la région de l’Est jusqu’au mercredi 8 juin 2005 quand il fut remplacé à son poste, après seulement quelques mois de fonction, par un colonel, Kilimité Théodore Hien, qu’on ne présente plus.

Au sujet du limogeage prématuré du commandant Kam, beaucoup de choses ont été dites. A travers les deux correspondances dont nous avons obtenu copies et que nous vous proposons ci-après, l’ancien gouverneur de la région de l’Est s’en ouvre au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et à son homologue de la Défense, pour conclure : "En réalité, j’ai été jugé sur des factures que je n’avais ni vues, ni acceptées, ni envoyées" écrit-il en substance. Un mémoire en défense que ses destinataires sauront certainement juger à sa juste valeur.

Monsieur le Gouverneur sortant de la Région de l’Est à Monsieur le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation OUAGADOUGOU

Objet : Situation des factures impayées

PJ : - Factures dont les prestations ont été exécutées sous notre responsabilité ;
- Factures qui ne relèvent pas du gouvernorat de l’Est ;
- Factures qui ne relèvent pas de notre responsabilité ;
- Proforma (état de cession) pour le moquetage des bureaux du gouvernorat.

Monsieur le ministre,

Nous avons l’honneur de vous faire parvenir, ci-joint, la situation exacte des factures qui étaient au niveau de votre département ministériel et dont nous n’avons eu connaissance qu’à la passation de service ; toute chose qui est à l’origine du report de la signature des documents lors de la passation de service.

Je voudrais au préalable vous informer que les factures en votre possession comportent des anomalies ; aussi les avons-nous fait corriger pour plus de lisibilité et de transparence. Ces factures se subdivisent en trois parties :

Les factures dont les prestations ont été exécutées sous notre responsabilité ;

- Les factures qui ne relèvent pas du gouvernorat de l’Est ;

- Les factures qui ne relèvent pas de notre responsabilité.

I. A propos des factures qui relevent de notre responsabilité :

A notre installation comme gouverneur de la région de l’Est, la lettre de mission qui nous a été remise consacrait comme priorité, le fonctionnement effectif des services du gouvernorat.

Cependant, étant donné que les perspectives budgétaires étaient pour l’horizon 2006, sur conseil du Secrétaire général de la région et afin de rendre fonctionnel le service, nous avons contacté des prestataires de service en leur soulignant que les paiements ne se feront que lorsqu’on aura un budget et de manière échelonnée en tenant compte des contraintes budgétaires.

Ces factures devaient trouver des solutions localement, comme vous l’aviez recommandé. Ce qui explique que nous n’avons envoyé aucune facture pour règlement en dehors de la région.

Nous assumons la responsabilité de ces factures, dont l’effectivité de la réalisation des services ou prestations correspondantes est vérifiable sur le terrain, quand bien même elles avaient été engagées sur les conseils du Secrétaire général de la région.

Bien entendu, toutes les réalisations avaient pour objectifs de rendre fonctionnel les services du Gouvernorat.

II. A propos des factures qui ne relevent pas du gouvernorat

Ce sont :
- les factures liées à la cérémonie de notre installation (frais d’hôtel et frais de rafraîchissement) ;

- les factures de deux (2) climatiseurs pour la province du Gourma pour lesquelles notre concours a été sollicité juste pour trouver le fournisseur ;

- les factures de deux téléphones portables dont le règlement avait déjà été effectué par mes soins parce que représentant des commandes privées (malgré ces règlements, ces factures se sont retrouvées en double dans la liste des factures en votre possession) ;

- les factures du hangar de la résidence du Gouverneur, qui existaient déjà, et dont le règlement devait trouver solution par les contributions des différentes provinces de la région . Ledit hangar a été seulement transféré au domicile où nous habitions.

L’ensemble de ces factures donne un montant de 8 576 978 FCFA.

III. A propos des factures qui ne relèvent pas de notre responsabilité

Ce sont, dans un premier temps, les factures ordonnancées par le Secrétaire général de la région, monsieur OUOBA Charles, comme il est mentionné sur les factures fournisseurs. En effet, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir à la passation de service des factures déclarées au compte du Gouverneur.

Nous déclinons toute responsabilité pour ce qui concerne ces factures, car nous n’avons été informé ni de l’existence desdites factures ni des prestations correspondantes.

A titre d’exemples, et pour ne citer que celles-là, on peut noter :
- les factures liées à la confection des rideaux du domicile du secrétaire général de la région ;

- la reprise totale du circuit électrique du domicile du secrétaire général ainsi que de la plomberie ;

- l’achat d’un téléviseur Samsung 29 plano et de quatre téléphones portatifs dont j’ignore la destination ;

- l’acquisition d’un ordinateur portable et de deux imprimantes dont une commandée en Belgique ;

- l’achat d’un climatiseur Split pour son domicile ;

- la éfection d’un bureau en bois bété vitré.

Le montant total des factures ci-dessus énumérées s’élève à 10 495 731 F CFA. Dans un second temps, des factures dont nous ignorons l’origine, prennent curieusement en compte certains aspects de la facture proforma que l’armée a exécutée.

Enfin, il est à noter que ces factures, qui vous sont parvenues sans passer par nous, datent toutes pour l’essentiel du 06 juin 2005, soit deux (2) jours avant notre remplacement et cela pendant que nous étions en séminaire à Ouagadougou. Pour vous donner une idée, les factures du fournisseur SAHEL GABION, que nous ne connaissons pas, et qui datent toutes du 06 juin 2005, remontent à 15 139 000 F CFA.

Au titre de cette même rubrique il faut ajouter la somme de 3 654 500 FCFA représentant diverses autres prestations. Telles sont, Monsieur le ministre, l’état des factures ainsi que les observations que je soumets à votre appréciation ; et je me tiens à votre disposition pour toute contribution éventuelle. Veuillez recevoir, Monsieur le ministre, l’expression de nos sentiments respectueux.

Ouagadougou, le 12 juillet 2005

Le Gouverneur sortant de la Région Victor Emmanuel KAM

Commandant Victor Emmanuel KAM Gouverneur sortant de la Région de l’Est à Monsieur le ministre de la Défense OUAGADOUGOU

Objet : Rapport sur notre passage au Gouvernorat de l’Est

PJ : - Lettre de mission N°2004/4-1218/MATD/CAB
Lettre confidentielle MATD
Rapport sur les factures impayées adressée au MATD

Monsieur le ministre,

J’ai l’honneur de vous adresser la présente, afin de jeter un éclairage sur les faits qui me sont reprochés durant mon passage au Gouvernorat de l’Est. En tant que seul représentant des Forces armées, au-delà de ma modeste personne, j’ai été meurtri moralement et dans mon âme. Les allégations à mon sujet souillent ma réputation et, à travers moi, toute l’armée, que j’étais censé représenter.

C’est, au demeurant, cette volonté de transparence qui m’anime et qui m’amène à vous donner quelques éléments d’appréciation sur cet épisode de ma carrière. Car, j’estime qu’au-delà des informations fournies dans le rapport transmis au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, il est de mon devoir de saisir mon ministère d’origine pour l’informer sur certaines accusations dont j’ai été l’objet et qui sont peut-être méconnues du ministère.

En effet, j’ai été installé le 20/12/2004 à Fada N’Gourma comme premier Gouverneur de la région de l’Est. Nous ne disposions ni de moyens matériels (en dehors du véhicule) ni de moyens financiers.

Pourtant, la lettre de mission qui m’a été remise lors de mon installation (cf. lettre de mission ci-jointe), stipulait en son deuxième paragraphe alinéa 2 que « La priorité sera accordée au fonctionnement effectif de la région, au renforcement du dispositif administratif de base avec comme clé de voûte le gouvernorat ».

Face à cette situation complexe et inédite, induite par la volonté affichée de faire fonctionner le gouvernorat malgré l’absence de moyens, j’ai reçu le trésorier régional en présence du Secrétaire général de la région, du fondé de pouvoir, ainsi que le contrôleur financier, pour échanger sur l’attitude à adopter ; l’objectif étant d’exclure l’immobilisme qui serait à mon sens irresponsable.

A titre d’exemple et pour vous donner une idée, il est bon de savoir qu’en guise de bureau du gouverneur, il y avait une table ronde et quatre chaises dans une salle qui date d’avant l’indépendance et qui n’avait reçu aucune rénovation.

Après cette concertation avec les premiers responsables financiers de la région, ils se sont d’ailleurs engagés à régulariser les factures qu’occasionneraient les démarches visant à rendre fonctionnel le gouvernorat, toute chose qui devait donner une image de respectabilité de l’Etat.

C’est ainsi que les différents prestataires de services ont été contactés. Quatre (4) mois après, soit le 6 avril 2005, à ma grande stupéfaction, j’ai été convoqué au cabinet du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation pour m’entendre dire que le ministre des Finances, au Conseil des ministres précédant ma convocation, a déclaré qu’une villa de trois cent mille (300 000) FCFA a été louée par mes soins à Fada. Il a été également dit que je raquettais les Directeurs régionaux.

J’ai répondu à ces allégations par un écrit dont une ampliation vous a été faite. Par la suite vous m’avez appelé et vous m’avez rassuré que tant qu’une preuve n’est pas fournie, je n’ai rien à craindre.

Deux mois plus tard j’ai été convoqué une deuxième fois au cabinet du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation le 8/06/05 à 8h 15 mn pour m’entendre dire que la location de maison à Fada à trois cent mille (300 000) francs ainsi que le raquettage n’étaient pas fondés après enquêtes.

Cependant on me reprochait, à présent, d’avoir engagé des travaux au gouvernorat sans budget et que cela faisait désordre. Selon le ministre, à cause de ces factures impayées, il a décidé de me relever de mes fonctions.

Ma surprise a été totale d’autant plus que je n’avais jamais été mis en garde sur une quelconque irrégularité liée aux dépenses engagées sous l’assistance de mes responsables financiers et du Secrétaire général de la région.

Même si comparaison n’est pas raison, il est important de souligner que tous les gouverneurs ont fait pareil à des degrés divers et chacun selon ses réalités. J’ai voulu expliquer le bien fondé de mon action, mais le ministre m’a rétorqué que dans tous les cas je serai remplacé le même jour.

En réalité, j’ai été jugé sur des factures que je n’avais ni vues ni acceptées ni envoyées (cf. Rapport sur les factures impayées). C’est à la passation de service que j’ai découvert les factures pour lesquelles j’ai été jugé.

Monsieur le ministre, cela fait dix sept (17) ans que je suis dans la vie active au sein des Forces armées en tant qu’officier, j’ai servi pendant tout ce temps dans les services de l’intendance militaire sans jamais recevoir, même une mise en garde verbale sur ma manière de servir encore moins sur des questions financières ou comptables.

N’eut été mon statut de militaire des Forces Armées Nationales, statut qui m’astreint au silence et à la retenue, j auraj intenté un procès en bonne et due forme pour que toute la lumière soit faite sur les accusations diverses dont j’ai été l’objet, notamment sur les accusations de raquettages et sur les différentes factures mises au jour lors de la passation de service et dont j’ignorais l’existence.

Je me plie à la discipline militaire et j’estime et je souhaite que l’armée puisse mener une enquête approfondie a posteriori afin d’apporter toute la lumiere, pour mon honneur et surtout pour l’honneur de l’armée.

En conclusion, je reste à votre disposition et à celle de l’armée pour tout complément d’information. Je demeure disponible pour toute mission que vous voudriez bien me confier. Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Ouagadougou, le 20 juillet 2005

Le Gouverneur sortant de la région de l’Est Victor Emmanuel KAM

Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 5 août 2005 à 10:36, par Un citoyen très attaché à l’intégrité de l’Homme (avec H.) En réponse à : > Est : Le mémoire en défense de l’ex-gouverneur Kam

    A la lecture de ces correspondances officielles, deux problèmes se posent :
    - l’atteinte à l’honneur d’un citoyen
    - l’atteinte à l’honneur de l’armée.
    Comme l’interessé a été limogé et remplacé par un militaire, l’honneur de l’armée semble ne point être en jeu. Il reste donc l’honneur du citoyen.
    Question ? Est-il juste que l’appartenance à un corps fasse qu’on attente impunement à l’honneur d’un citoyen ?
    Mon humble point de vue : une enquête diligente, comme souhaitée par l’interessé, doit être menée pour situer toutes les responsabilités. Quant au secrétaire général de la dite région, le Burkina est un pays de savane et tout se sait. Qu’on lui demande, entre autres cas, si le terme "Niégo" lui dit quelque chose ? J’invite tous ceux qui veulent en savoir plus de regarder la partie sud de la la carte administrative du Burkina et de lui poser la question.

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